Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. F... et Mme G... ont chacun demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 23 juillet 2019 par lesquels le préfet de l'Isère a refusé de leur accorder un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de destination, et leur a interdit le retour sur le territoire français pendant 3 ans.
Par un jugement nos 1905844 et 1905845 du 3 décembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble, après avoir joint les deux affaires, a admis M. F... et Mme G... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire (article 1er), et rejeté leurs demandes (article 2).
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 24 décembre 2019, M. F... et Mme G..., représentés par Me K..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 3 décembre 2019 et les décisions préfectorales attaquées ;
2°) de faire injonction au préfet de l'Isère, sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours après la notification de la décision à intervenir, de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et à défaut de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail et de leur notifier une nouvelle décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil, Maître A... K..., de la somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il s'est fondé sur un mémoire en défense et des pièces, notamment les avis médicaux de collège de médecins de l'OFII, produits par le préfet postérieurement à la clôture de l'instruction et qui n'ont pas été communiqués, en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- pour écarter le moyen soulevé par M. F... et tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le tribunal a renversé la charge de la preuve ;
- M. F... ne peut bénéficier de manière effective d'une prise en charge médicale en cas de retour en République de Macédoine, en raison de sa situation socio-économique et de la discrimination dont il fait l'objet du fait de ses origines ;
- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il rejette leurs moyens tirés de la méconnaissance des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation ;
- c'est à tort que le tribunal a écarté ces moyens alors qu'ils justifient de l'ancienneté de leur séjour, dont il faut tenir compte même s'il était irrégulier, de leur volonté d'intégration et de la scolarisation de leurs enfants, laquelle ne pourrait se poursuivre normalement en cas de retour en Macédoine ;
- c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme, en se retranchant derrière le rejet de leur demande d'asile par les instances compétentes, par lequel il n'était pas lié, et sans examiner les éléments produits.
M. F... et Mme G... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Le Frapper, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. C... F... et Mme D... G..., ressortissants de République de Macédoine respectivement nés le 29 mars 1983 et le 7 mars 1988, ont déclaré être entrés en France au cours du mois d'octobre 2012 accompagnés de trois de leurs quatre enfants. Leurs demandes de protection ont été définitivement rejetées, en dernier lieu le 17 avril 2015. Mme G... et M. F... ont sollicité, respectivement le 15 mai 2017 et le 12 septembre 2017, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ils demandent à la cour d'annuler le jugement du 3 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs requêtes tendant à l'annulation des arrêtés du 23 juillet 2019 du préfet de l'Isère refusant de leur délivrer un titre de séjour, leur faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et prononçant une interdiction de retour d'une durée de trois ans.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. (...) ". Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...) ". Aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction ". Il résulte de ces dispositions que lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'une production, mémoire ou pièce, émanant de l'une des parties à l'instance, il lui appartient de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision, ainsi que de la viser sans l'analyser, mais qu'il ne peut la prendre en compte sans avoir préalablement rouvert l'instruction afin de la soumettre au débat contradictoire.
3. Il ressort des mentions du jugement déféré et des pièces du dossier que les premiers mémoires en défense du préfet de l'Isère, accompagnés de plusieurs pièces, ont été enregistrés par le greffe du tribunal administratif de Grenoble dans chacune des affaires le 8 novembre 2019, postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'ont été ni communiqués ni analysés.
4. Les requérants avaient toutefois soulevé dans leurs écritures de première instance un moyen contestant, à plusieurs titres, la régularité des avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) sur leur situation médicale, que le tribunal n'a pu écarter, en son point 5, qu'en se fondant notamment sur les pièces 2 à 4 produites en défense. Il lui appartenait dès lors de soumettre ces éléments au débat contradictoire. En s'abstenant de procéder de la sorte, le tribunal a méconnu les exigences qui découlent notamment des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative et qui sont destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction. Il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen contestant la régularité du jugement, que M. F... et Mme G... sont fondés à soutenir que le jugement attaqué est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation.
5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Grenoble pour qu'il statue à nouveau sur les demandes de M. F... et Mme G....
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement au conseil de M. F... et de Mme I... d'une somme de 1 000 euros, sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 3 décembre 2019 est annulé.
Article 2 : M. C... F... et Mme D... G... sont renvoyés devant le tribunal administratif de Grenoble pour qu'il soit statué sur leurs demandes.
Article 3 : L'Etat versera à Me K..., conseil des requérants, une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. F..., à Mme G... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme B..., présidente assesseure,
Mme Le Frapper, première conseillère.
Lu en audience publique, le 12 novembre 2020.
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N° 19LY04724