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05/11/2020 | FRANCE | N°20LY01539

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 05 novembre 2020, 20LY01539


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2020 par lequel le préfet du Rhône a décidé de sa remise aux autorités allemandes, responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2000988, 2000989 du 10 avril 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

I) Par une requête enregistrée le 2 juin 2020, sous le n° 20LY01539, présentée pour M. C..., il est demandé à la cour :<

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1°) d'annuler ce jugement n° 2000988, 2000989 du 10 avril 2020 en tant qu'il a rejeté les conclusion...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2020 par lequel le préfet du Rhône a décidé de sa remise aux autorités allemandes, responsables de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2000988, 2000989 du 10 avril 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

I) Par une requête enregistrée le 2 juin 2020, sous le n° 20LY01539, présentée pour M. C..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2000988, 2000989 du 10 avril 2020 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône d'enregistrer sa demande d'asile dans un délai de sept jours à compter de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui remettre le dossier de demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le délai de huit jours à compter de l'arrêt et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à défaut d'être admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation et d'une insuffisante motivation et elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- la décision méconnaît l'article 17 du règlement du 26 juin 2013, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a produit aucune observation.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juillet 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

II) Par une requête enregistrée le 2 juin 2020 sous le n° 20LY01540, présentée pour M. C..., il est demandé à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 2000988, 2000989 du 10 avril 2020 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône d'enregistrer sa demande d'asile dans un délai de sept jours à compter de l'arrêt et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui remettre le dossier de demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le délai de huit jours à compter de l'arrêt et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, à défaut d'être admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'il a fait valoir au soutien de sa requête tendant à l'annulation du jugement des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation de la décision en litige et que l'exécution du jugement attaqué est de nature à entraîner des conséquences difficilement réparables.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative l'affaire a été dispensée d'instruction.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juillet 2020 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- et les observations de Me A..., pour M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C... de nationalité mongole, né le 17 décembre 1958 à Undurkhaan (Mongolie), entré en France le 28 septembre 2019, selon ses déclarations, avec son épouse, également de nationalité mongole, a déposé une demande d'asile enregistrée à la préfecture du Rhône le 24 octobre 2019. Le système Visabio a révélé qu'il avait bénéficié d'un visa de court séjour délivré par les autorités allemandes, valable jusqu'au 30 septembre 2019, qui lui avait permis d'entrer en Allemagne avant sa venue en France. Les autorités allemandes, saisies d'une demande de prise en charge de M. C... le 27 décembre 2019, ont fait connaître leur accord explicite pour sa réadmission le 17 janvier 2020. Par un arrêté du 30 janvier 2020, le préfet du Rhône a ordonné son transfert aux autorités allemandes responsables de sa demande d'asile. En premier lieu, M. C..., par sa requête enregistrée sous le n° 20LY01539, relève appel du jugement du 10 avril 2020 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du préfet du Rhône du 30 janvier 2020. En second lieu, par sa requête enregistrée sous le n° 20LY01540, il conclut également à ce que soit ordonné le sursis à l'exécution de ce jugement.

2. Les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la requête n° 20LY01539 aux fins d'annulation du jugement attaqué :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. M. C... se prévaut de la présence de son fils majeur en France, bénéficiaire d'une mesure de protection depuis 2017 et qui le prend en charge financièrement ainsi que son épouse, et les héberge depuis leur arrivée sur le territoire français alors qu'il n'a plus d'attache dans son pays d'origine et qu'il serait isolé en Allemagne. Dans les circonstances particulières de l'espèce, le transfert du requérant aux autorités allemandes pour l'examen de sa demande d'asile porte, au regard des buts poursuivis et compte tenu des effets d'une telle mesure, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale Dès lors, elle méconnaît les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ".

7. Le présent arrêt, qui annule la décision de transfert, implique nécessairement, eu égard au motif d'annulation retenu, que, pour son exécution, il soit enjoint au préfet du Rhône de se prononcer à nouveau sur le cas de M. C... en application des dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de transmettre son dossier de demande de protection internationale à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et de le munir, sans délai, de l'attestation de demande d'asile mentionnée à l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 800 euros à verser à Me A..., avocate de M. C..., au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Sur les conclusions de la requête n° 20LY01540 aux fins de sursis à exécution :

9. Le présent arrêt statuant sur la requête de M. C... dirigée contre le jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté du 30 janvier 2020 par lequel le préfet du Rhône a décidé de la remise de M. C... aux autorités allemandes, responsables de sa demande d'asile, est annulé, ainsi que le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon du 10 avril 2020.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de transmettre le dossier de demande de protection internationale de M. C... à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et de le munir de l'attestation de demande d'asile mentionnée à l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Article 3 : L'État versera la somme de 800 euros à Me A... au titre des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête de M. C... enregistrée sous le n° 20LY01540.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 novembre 2020.

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Nos 20LY01539, 20LY01540

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01539
Date de la décision : 05/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-05;20ly01539 ?
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