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05/11/2020 | FRANCE | N°19LY04103

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 05 novembre 2020, 19LY04103


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les arrêtés du 2 septembre 2019 par lesquels le préfet du Cantal l'a, d'une part, obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, a effectué son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par jugement n° 1901751 lu le 6 sept

embre 2019, le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les arrêtés du 2 septembre 2019 par lesquels le préfet du Cantal l'a, d'une part, obligé à quitter le territoire français sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, a effectué son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen et, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par jugement n° 1901751 lu le 6 septembre 2019, le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 novembre 2019, M. C... représenté par Me B... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ainsi que les arrêtés susmentionnés ;

2°) d'enjoindre au préfet du Cantal, dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt et sous astreinte journalière de 50 euros, de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement, de réexaminer sa situation ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- sa retenue administrative sur laquelle se fonde l'obligation de quitter le territoire, a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et sa durée de placement en garde à vue a méconnu l'article 78-3 du code de procédure pénale ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît son droit à être entendu, protégé par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'assignation à résidence est illégale par exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français de deux ans est illégale par exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée et il ne pouvait en être l'objet dès lors qu'il n'a jamais fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et ne constitue pas une menace pour l'ordre public.

Par mémoire enregistré le 11 décembre 2019, le préfet du Cantal conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 16 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Djebiri, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant congolais, entré en France le 30 août 2019 selon ses déclarations, a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les arrêtés du 2 septembre 2019 par lesquels le préfet du Cantal lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a assigné à résidence. M. C... relève appel du jugement par lequel le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation des arrêtés du 2 septembre 2019.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, M. C... reprend purement et simplement en appel le moyen tiré du défaut de motivation qu'il y a lieu d'écarter par adoption des motifs du tribunal.

3. En deuxième lieu, la retenue pour vérification du droit de circulation et de séjour ne constituant pas le fondement de l'obligation de quitter le territoire, l'irrégularité alléguée de la première est dépourvue d'incidence sur la légalité de la seconde de ces mesures. Par le même motif, M. C... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article 78-3 du code de procédure pénale relatives à la durée d'un contrôle d'identité.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans (...) ". L'article 47 du code civil pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question. Il ne résulte en revanche pas de ces dispositions que l'administration française doit nécessairement et systématiquement solliciter les autorités d'un autre État afin d'établir qu'un acte d'état-civil présenté comme émanant de cet État est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque l'acte est, compte tenu de sa forme et des informations dont dispose l'administration française sur la forme habituelle du document en question, manifestement falsifié.

5. Il en découle que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

6. M. C... lors de son audition par les services de gendarmerie, a tout d'abord déclarer se nommer Michel Ngoma Mbikila né le 1er novembre 1975 au Congo, puis Osee C... né le 20 février 2003 et être entré en France le 30 août 2019. A l'appui de l'affirmation selon laquelle il est mineur, il a produit un certificat de fin d'études primaires et un bulletin de note. S'il produit en appel un jugement supplétif rendu le 3 janvier 2013 par le tribunal de grande instance de Kinshasa, ainsi qu'un extrait d'acte de transcription de ce jugement devant tenir lieu d'acte de naissance, il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport simplifié d'analyse documentaire que l'acte de naissance comporte un grattage mécanique au niveau du nom, que le jugement supplétif et la copie intégrale de l'acte de naissance, la notification du jugement supplétif et le certificat de non appel ne sont pas légalisés. M. C... ne conteste pas utilement les vices relevés en défense. Les documents produits à hauteur d'appel ne peuvent ainsi, eu égard à ce qui précède, être tenus pour probants.

7. Dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme ayant renversé la présomption de l'article 47 du code civil et M. C... n'établit pas sa minorité à la date de la mesure d'éloignement en litige qui n'a pas été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En quatrième lieu, aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ".

9. La circonstance que le préfet du Cantal ait considéré que l'intéressé avait tenté d'usurper l'identité d'un compatriote sans, toutefois, avoir commis d'infraction pénale, est sans incidence sur la légalité du refus de délai de départ volontaire, fondé sur les seules dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont M. C... ne conteste pas relever.

10. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne (C 166/13 du 5 novembre 2014), le droit d'être entendu dans toute procédure, tel qu'il s'applique dans le cadre de la directive 2008/115/CE, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier et, notamment, de l'article 6 de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à ce qu'une autorité nationale n'entende pas le ressortissant d'un pays tiers spécifiquement au sujet d'une décision de retour lorsque, après avoir constaté le caractère irrégulier de son séjour sur le territoire national à l'issue d'une procédure ayant pleinement respecté son droit d'être entendu, elle envisage de prendre à son égard une telle décision, que cette décision de retour soit consécutive ou non à un refus de titre de séjour.

11. Or, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de son interpellation, le 1er septembre 2019, M. C... a été auditionné par les services de gendarmerie. A cette occasion, il a été entendu pour vérification de son droit au séjour et a ainsi eu l'occasion de porter à la connaissance de l'administration les éléments tirés de sa situation personnelle, susceptibles de faire obstacle à son éloignement. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé du droit d'être entendu tel qu'il est énoncé à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

12. En premier lieu, l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, prise en toutes ses branches, doit être écartée par les motifs des points 2 à 11.

13. En second lieu, M. C... reprend purement et simplement en appel le moyen tiré du défaut de motivation qu'il y a lieu d'écarter par adoption des motifs du tribunal.

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

14. L'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, prise en toutes ses branches, doit être écartée par les motifs des points 2 à 11.

15. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation. Les conclusions de sa requête présentées aux mêmes fins doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Cantal.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Djebiri, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 novembre 2020.

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N° 19LY04103


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04103
Date de la décision : 05/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Christine DJEBIRI
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : CABINET MERAL-PORTAL-YERMIA

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-05;19ly04103 ?
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