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05/11/2020 | FRANCE | N°19LY02577

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 05 novembre 2020, 19LY02577


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 24 octobre 2016 par laquelle le président de l'université Lyon III a rejeté sa demande du 29 août 2016 tendant à ce que certaines mesures soient prises concernant le département d'indologie de la faculté de langue, à ce que ses préjudices soient indemnisés et de condamner l'université Lyon III à lui verser la somme de 17 906,50 euros en réparation des préjudices subis.

Par jugement n° 1609525 lu le 6 mai 2019,

le tribunal a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enreg...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 24 octobre 2016 par laquelle le président de l'université Lyon III a rejeté sa demande du 29 août 2016 tendant à ce que certaines mesures soient prises concernant le département d'indologie de la faculté de langue, à ce que ses préjudices soient indemnisés et de condamner l'université Lyon III à lui verser la somme de 17 906,50 euros en réparation des préjudices subis.

Par jugement n° 1609525 lu le 6 mai 2019, le tribunal a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 1er juillet 2019 et un mémoire enregistré le 4 octobre 2020 (non communiqué), Mme D... C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 mai 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 24 octobre 2016 par laquelle le président de l'université Lyon III a rejeté son recours gracieux ;

3°) de condamner l'université Lyon III à lui verser la somme de 17 906,50 euros en réparation des préjudices subis ;

4°) de mettre à la charge de l'université Lyon III le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement a été rendu à l'issue d'une procédure entachée de la communication insuffisamment détaillée du sens des conclusions du rapporteur public ;

- le jugement est entaché d'un vice de forme en l'absence de signature manuscrite du président, du rapporteur et du greffier ;

- le jugement a omis de mentionner d'autres causes de responsabilité telles que le mauvais vouloir, l'atteinte à la liberté d'enseignement et à des disciplines rares protégées par la loi, la doctrine gouvernementale et le harcèlement ; il n'a pas examiné la question de la résiliation unilatérale d'une convention avec l'École française d'Extrême-Orient ;

- les motifs du jugement attaqué sont entachés de dénaturation et d'erreur matérielle ;

- il est entaché d'un défaut de motivation ;

- sur le fond du litige, les heures d'enseignement ont bien été réalisées et l'université n'a jamais fourni la preuve que ces cours n'avaient pas eu lieu tandis qu'elle a produit différents éléments démontrant que les cours ont été donnés ; elle est fondée à réclamer le paiement des 46,5 heures d'enseignement en dépassement du plafond des heures supplémentaires soit la somme de 1 906,50 euros ;

- la responsabilité de l'université Lyon III est engagée en raison de la faute commise en refusant de lui payer les heures effectuées, de la discrimination dont elle a été victime ; ses conditions de travail se sont dégradées, et l'université Jean Moulin a fait preuve d'un mauvais vouloir à son égard et a porté atteinte à la liberté d'enseignement et à des disciplines rares protégées par la loi, la doctrine gouvernementale et l'université Lyon III ; elle a fait l'objet d'une sanction déguisée ;

- elle doit percevoir son arriéré de traitement de 1 906,50 euros, accompagnée des intérêts légaux et doit être indemnisée de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence à hauteur de 8 000 euros.

Par mémoire enregistré le 7 novembre 2019, l'université Jean Moulin Lyon III, représentée par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la loi n° 68-978 du 12 novembre 1968 d'orientation de l'enseignement supérieur ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;

- la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur ;

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ;

- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants chercheurs ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- et les observations de Me B... pour Mme C..., ainsi que celles de Me A... pour l'université Lyon III ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., professeure des universités qualifiée dans la section numéro 15 du conseil national des universités " langues et littératures arabes, chinoises, japonaises, hébraïques et d'autres domaines linguistiques ", affectée à l'université Jean Moulin depuis le 1er février 2006 et dirigeant le département d'indologie de la faculté des langues, a présenté le 29 août 2016 une demande de régularisation de sa situation au sein de l'université Lyon III et en paiement d'un arriéré de rémunération d'heures complémentaires à hauteur de 9 906,50 euros et la réparation de son préjudice moral causé par la discrimination dont elle-même et la discipline qu'elle enseigne seraient victimes. Suite au rejet de cette demande par courrier du 24 octobre 2016 de l'université Lyon III, elle a saisi le tribunal administratif de Lyon. Elle relève appel du jugement lu le 6 mai 2019 par lequel le tribunal précité a rejeté ses demandes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ". Pour l'application de ces dispositions, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond.

3. Or, il ressort du dossier de première instance que le rapporteur public a, avant l'audience du tribunal administratif de Lyon, indiqué, sur le site Sagace le sens de ses conclusions dans l'affaire de Mme C... en inscrivant la mention : " rejet au fond ". Il a ainsi respecté les exigences de l'article R. 711-3 du code de justice administrative et le jugement n'est pas irrégulier du seul fait que cette mention ne comporte aucune autre précision.

4. En deuxième lieu, la minute comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Le moyen tiré du défaut de signature de la minute manque donc en fait.

5. En troisième lieu, si les visas du jugement attaqué ne mentionnent pas les griefs tirés du mauvais vouloir, de l'atteinte portée à la liberté d'enseignement et aux disciplines rares protégées et le harcèlement invoqué, formulés à l'appui de la cause de la responsabilité pour faute, les motifs du jugement analysent ces griefs pour examiner l'engagement de la responsabilité de l'université Lyon III. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité à ce titre et, plus généralement, que ses visas ne répondraient pas aux exigences de l'article R. 741-2 du code de justice administrative.

6. En dernier lieu, il résulte des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif de Lyon a expressément répondu à l'ensemble des moyens contenus dans les mémoires produits par Mme C.... Par suite, celle-ci n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.

Sur le fond du litige :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement (...) ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire (...) ". Aux termes de l'article 7 du décret du 6 juin 1984 susvisé : " Les fonctions des enseignants, chercheurs s'exercent dans les domaines énumérés aux articles L. 123-3 et L. 952-3 du code de l'éducation et L. 112-1 du code de la recherche. I. Le temps de travail de référence (...) est constitué pour les enseignants-chercheurs : 1° Pour moitié, par les services d'enseignement déterminés par rapport à une durée annuelle de référence égale à 128 heures de cours ou 192 heures de travaux dirigés ou pratiques (...) 2° Pour moitié, par une activité de recherche (...) / Lorsqu'ils accomplissent des enseignements complémentaires au-delà de leur temps de travail tel qu'il est défini au présent article, les enseignants-chercheurs perçoivent une rémunération complémentaire dans les conditions prévues par décret (...) III. Dans le respect des principes généraux de répartition des services définis par le conseil d'administration (...), le président (...) de l'établissement arrête les décisions individuelles d'attribution de services des enseignants-chercheurs dans l'intérêt du service (...) ". Par délibération n° 2010-06-10 du 15 juin 2010, le conseil d'administration de Jean Moulin Lyon III détermine les conditions auxquelles le président de l'université pourra autoriser l'accomplissement d'heures complémentaires, notamment en cas de nécessité de service ou, à titre transitoire, pour des cas individuels.

8. Or, il ne résulte pas de l'instruction que le président de l'université ait autorisé Mme C... à dispenser des heures d'enseignement supplémentaires au cours de la période en litige. Dans ces conditions, aucun droit à rémunération n'a pu naître de la situation de fait dont celle-ci se prévaut alors, en outre, que les pièces produites ne précisent ni la date, ni le lieu, ni la durée des prestations qui auraient été accomplies au-delà des obligations de service. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que l'université Lyon III lui serait redevable de ce chef d'une somme de 1 906,50 euros.

9. En deuxième lieu, l'atteinte portée à la diffusion d'une langue rare protégée par la loi et la doctrine gouvernementale ou la résiliation d'une convention avec l'école française d'extrême orient, à les supposer avérées, lèseraient un intérêt collectif que Mme C... n'est pas habilitée à défendre et dont elle n'est pas recevable à demander réparation. Il suit de là que l'université ne saurait être tenue de l'indemniser des conséquences de choix d'enseignement de langues orientales et de coopération linguistiques.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 21 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne : " Est interdite, toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, mes origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, le handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle (...) ". Aux termes de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 susvisée : " Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son patronyme, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, de son état de santé, de sa perte d'autonomie, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable (...) ". Enfin, aux termes de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " /(...) / Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, syndicales, philosophiques ou religieuses, de leur origine, de leur orientation sexuelle ou identité de genre, de leur âge, de leur patronyme, de leur situation de famille ou de grossesse, de leur état de santé, de leur apparence physique, de leur handicap ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race (...) ".

11. Pour être qualifiée de discriminatoire, une différence de traitement doit nécessairement pénaliser une personne à raison de l'un, au moins, des motifs qu'énoncent les dispositions précitées. Or les manifestations de perte d'influence du département d'indologie au sein de Lyon III, si elles résultent de la désaffection des étudiants pour ces disciplines et des conséquences qu'en a tirées l'université sur l'affectation de ses moyens, sont étrangères à la personne de Mme C..., à son appartenance ethnique ou culturelle, à son aspect physique, à ses orientations ou opinions. Il suit de là qu'elles ne constituent pas des agissements discriminatoires, ni même de mauvais vouloir, et ne sont ainsi pas de nature à ouvrir droit à indemnisation.

12. Enfin, le principe d'égalité entre agents publics ne trouve à s'appliquer qu'à situation identique. En admettant que les écritures de Mme C... doivent être comprises comme tendant à l'indemnisation d'une rupture d'égalité entre enseignants de l'université, ainsi qu'elle l'a soutenu à l'audience, rien n'établit que l'intéressée ait été traitée plus défavorablement que ses collègues affectés dans des départements connaissant des difficultés de recrutement comparables à celles du département d'indologie.

13 Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes. Les conclusions de sa requête présentées aux mêmes fins doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par l'université Lyon III sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'université Lyon III tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et à l'université Lyon III.

Délibéré après l'audience du 8 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre ;

M. Seillet, président assesseur ;

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 novembre 2020.

N° 19LY02577 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02577
Date de la décision : 05/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-03-04-01 Fonctionnaires et agents publics. Entrée en service. Stage. Fin de stage.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : SEINGIER

Origine de la décision
Date de l'import : 20/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-11-05;19ly02577 ?
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