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22/10/2020 | FRANCE | N°18LY04739

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 22 octobre 2020, 18LY04739


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon :

- à titre principal, d'annuler les délibérations du 27 juin 2017 par lesquelles le conseil municipal de la commune de Chalon-sur-Saône a, d'une part, approuvé la conclusion d'une convention d'occupation du domaine public avec la société Somabi, d'autre part, approuvé la cession à cette même société du volume, appartenant au domaine privé de la commune, situé en surplomb de la place du Général de Gaulle, et d'enjoindre à la commune d

e résilier ces conventions dans un délai de quinze jours ;

- à titre subsidiaire, d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon :

- à titre principal, d'annuler les délibérations du 27 juin 2017 par lesquelles le conseil municipal de la commune de Chalon-sur-Saône a, d'une part, approuvé la conclusion d'une convention d'occupation du domaine public avec la société Somabi, d'autre part, approuvé la cession à cette même société du volume, appartenant au domaine privé de la commune, situé en surplomb de la place du Général de Gaulle, et d'enjoindre à la commune de résilier ces conventions dans un délai de quinze jours ;

- à titre subsidiaire, d'annuler ces conventions.

Par un jugement n° 1702117 du 30 octobre 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 29 décembre 2018, Mme C..., représentée par Me F..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 30 octobre 2018 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler la convention d'occupation temporaire du domaine public conclue entre la commune de Chalon-sur-Saône et la société Somabi le 29 juin 2017 ;

3°) d'annuler la délibération du conseil municipal de Chalon-sur-Saône du 27 juin 2017 autorisant la cession à la société Somabi du volume d'air situé en surplomb de la place du Général de Gaulle ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Chalon-sur-Saône une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- ni la délibération du 27 juin 2017, ni la convention du 29 juin 2017, pas plus que le tribunal administratif de Dijon, ne précisent le fondement juridique de l'opération ; dès lors que la place du Général de Gaulle appartient au domaine public routier communal, elle ne pouvait faire l'objet d'un bail emphytéotique administratif régi par l'article L. 1311-2 du code général des collectivités territoriales ; c'est vraisemblablement pour cette raison que la commune a entendu se placer sous le régime défini à l'article L. 1311-5 du code général des collectivités territoriales ;

- la convention en litige aurait dû être précédée d'une procédure de sélection ; la place du Général de Gaulle constitue une " ressource rare " au sens de la directive 2006/123 du 12 décembre 2006 de sorte qu'il appartenait à la commune de s'assurer de l'absence de toute autre manifestation d'intérêt concurrente pour la réalisation de l'opération ;

- la convention a été signée par le maire, deux jours avant l'entrée en vigueur des articles L. 2122-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques et avant même le transfert au contrôle de légalité de la délibération l'y autorisant, établissant l'existence d'un détournement de pouvoir ;

- les premiers juges ont inversé la charge de la preuve en jugeant qu'elle n'établissait pas que le projet ne porterait pas atteinte aux commerces existants ou à l'intérêt architectural de la place de Gaulle et ce alors qu'il appartient à la commune d'établir que l'opération répond à un objectif d'intérêt général ce qu'elle ne fait pas ;

- la redevance d'occupation du domaine public et le prix de cession du volume relevant du domaine privé sont d'un montant dérisoire ;

- le pouvoir discrétionnaire de la commune, prévu à l'article 4 de la convention d'occupation du domaine public, d'agréer le cessionnaire, que la société Somabi ne manquera de lui présenter rapidement, est purement théorique ;

- l'article 11 de cette convention est illégal en ce qu'il ne précise ni l'assiette, ni les modalités de calcul des indemnités qui seront versées à la société Somabi en cas de résiliation de la convention à l'initiative de la commune ;

- cette convention est entachée de nullité à raison de l'impossibilité définitive de réaliser le projet du fait des prescriptions du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) de la Saône ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, le volume dont la cession est autorisée par la délibération du 27 juin 2017 appartient au domaine public routier de la commune ;

- la cession ne pouvait intervenir sans déclassement préalable selon la procédure prévue par l'article L. 141-3 du code de la voirie routière, soit après enquête publique.

Par un mémoire, enregistré le 28 mai 2019, la société Somabi, représentée par la SELARL B... avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'appelante se prévaut opportunément de sa qualité de conseillère municipale pour développer une contestation purement politicienne ; la requête d'appel ne développe aucune critique claire et explicite des motifs du jugement attaqué et n'est donc pas recevable ;

- la base légale de la convention d'occupation du domaine public ne fait aucun doute ; au demeurant, les visas d'un acte administratif sont sans incidence sur sa légalité ;

- le moyen tiré de l'absence de mise en oeuvre d'une procédure préalable de mise en concurrence n'est pas fondé ; l'argument tiré de la violation de la directive " Services " est inopérant, tout comme celui tiré de la méconnaissance de l'article L. 2122-1-4 du code général de la propriété des personnes publiques, entré en vigueur postérieurement à la conclusion de la convention ; à supposer que les articles L. 2122-1 et suivants de ce code étaient applicables, aucune procédure de sélection préalable n'était requise ;

- l'appelante n'établit pas le détournement de pouvoir qu'elle allègue ;

- l'opération répond à des considérations d'intérêt général, liées au développement économique et à la requalification de l'espace urbain, et permettra à la commune de percevoir une redevance substantielle ; les premiers juges n'ont pas procédé à un renversement de la charge de la preuve ;

- le caractère dérisoire allégué du montant de la redevance n'est pas démontré ;

- les moyens tirés de l'illégalité des articles 4 et 11 de la convention ne sont pas fondés ; quant à la nullité alléguée de la convention à raison de l'impossibilité définitive de réaliser le projet du fait des prescriptions du PPRI, le moyen est inopérant et infondé ;

- le volume cédé situé en surplomb de la place du Général de Gaulle n'appartient pas au domaine public routier de la commune mais à son domaine privé, de sorte que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 2141-1 du code général de la propriété des personnes publiques et de l'article L. 141-3 du code de la voirie routière seront écartés ;

- les développements de l'appelante relatifs au prix de cession sont inopérants et dépourvus des précisions suffisantes permettant à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

Par un mémoire, enregistré le 5 juin 2019, la commune de Chalon-sur-Saône, représentée par la SELARL Philippe Petit et associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'appelante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable en ce qu'elle ne contient pas de critique du jugement attaqué ;

- la délibération du 27 juin 2017 et la convention d'occupation du domaine public ne sont pas contraires à la législation européenne et ne procèdent d'aucun détournement de pouvoir ;

- l'opération, qui présente un caractère d'intérêt général, n'est pas contraire à l'article L. 1311-5 du code général des collectivités territoriales ; le tribunal administratif n'a pas renversé la charge de la preuve sur ce point ;

- elle n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en retenant comme montant de la redevance celui visé dans l'avis rendu par le service du Domaine ;

- les moyens invoqués tenant aux vices propres dont serait entachée la convention d'occupation du domaine public ne sont pas fondés ; l'article 4 ne fait que retranscrire strictement la possibilité prévue par l'article L. 1311-6 du code général des collectivités territoriales de céder le droit réel conféré par la convention conclue ; la circonstance que l'article 11 ne précise pas les modalités de calcul de l'indemnité qu'il prévoit n'est contraire à aucune disposition législative ou réglementaire ; le PPRI n'est pas invocable à l'encontre d'une convention portant autorisation d'occupation du domaine public ;

- la délibération du 27 juin 2017 autorise la cession du volume d'air situé au-dessus de la place du Général de Gaulle, lequel fait partie du domaine privé de la commune ; il n'y avait pas lieu de procéder à un déclassement ni de mettre en oeuvre la procédure spécifique prévue à l'article L. 141-3 du code de la voirie routière ;

- le moyen tiré de ce que le prix de cession serait sous-évalué n'est assorti d'aucun argument de droit ou de fait.

Un mémoire, enregistré le 30 juin 2020, présenté pour Mme C... n'a pas été communiqué.

Par une ordonnance du 2 juin 2020, l'instruction a été close le 30 juin suivant.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, notamment son article 12 ;

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- l'ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017, notamment son article 15 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... ;

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;

- les observations de Me F..., représentant Mme C..., celles de Me A..., représentant la commune de Chalon-sur-Saône et celles de Me B..., représentant la société Somabi.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 30 juin 2016, le préfet de Saône-et-Loire a approuvé la modification du plan de sauvegarde et de mise en valeur du site patrimonial remarquable du centre historique de Chalon-sur-Saône, adopté le 26 avril 1990, nécessaire à la réalisation d'un projet de développement commercial sur la place du Général de Gaulle. Par un arrêté du 27 juillet 2016, dont la légalité a été confirmée par un arrêt de la cour du 12 février 2019 (n° 17LY03134), le maire de la commune a accordé à la société Somabi le permis de construire un bâtiment à usage commercial en surplomb de cette place. Par une délibération du 27 juin 2017, le conseil municipal a autorisé le maire à signer avec cette société une convention d'occupation temporaire du domaine public autorisant la réalisation d'ancrages partiels sur le domaine public en vue de l'édification de ce bâtiment, de ses accès et de ses annexes, ainsi que l'occupation du surplomb du terrain d'assiette du projet y compris ses débords, locaux techniques et passerelles d'accès. Cette convention a été signée le 29 juin 2017. Par une autre délibération du 27 juin 2017, le conseil municipal de Chalon-sur-Saône a autorisé le maire à signer l'acte de cession du volume situé en surplomb de la place de Gaulle, correspondant à l'emprise en volume du projet. Mme C..., conseillère municipale, relève appel du jugement du 30 octobre 2018 du tribunal administratif de Dijon en tant que les premiers juges ont rejeté ses conclusions subsidiaires dirigées contre la convention d'occupation temporaire du domaine public et celles, principales, dirigées contre la délibération du 27 juin 2017 autorisant le maire à signer l'acte de cession.

Sur la convention d'occupation temporaire du domaine public :

2. En premier lieu, l'article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques, prévoit que, sauf dispositions législatives contraires, la délivrance par l'autorité compétente d'un titre permettant à son titulaire d'occuper ou d'utiliser le domaine public en vue d'une exploitation économique doit être précédée d'une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d'impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester. L'article L. 2122-1-4 du même code précise que lorsque la délivrance d'un tel titre intervient à la suite d'une manifestation d'intérêt spontanée, il appartient à l'autorité compétente de s'assurer au préalable de l'absence de toute autre manifestation d'intérêt concurrente, par une publicité suffisante. Toutefois, ces dispositions, applicables aux titres délivrés à compter du 1er juillet 2017, ne l'étaient pas à la date de la signature de la convention contestée. La circonstance que cette convention a été signée le 29 juin 2017, soit deux jours avant l'entrée en vigueur des articles L. 2122-1-1 et suivants du code général de la propriété des personnes publiques, ne révèle pas à soi seule un détournement de pouvoir.

3. Par ailleurs, aux termes de l'article 12 de la directive du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, dont le délai de transposition expirait le 28 décembre 2009 : " 1. Lorsque le nombre d'autorisations disponibles pour une activité donnée est limité en raison de la rareté des ressources naturelles ou des capacités techniques utilisables, les Etats membres appliquent une procédure de sélection entre les candidats potentiels qui prévoit toutes les garanties d'impartialité et de transparence, notamment la publicité adéquate de l'ouverture de la procédure, de son déroulement et de sa clôture. (...) ". Ces dispositions, relatives à la liberté d'établissement des prestataires, sont susceptibles de s'appliquer aux autorisations d'occupation du domaine public, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne par son arrêté du 14 juillet 2016, Promoimpresa Srl, aff. C-458/14 et C-67/15). Cependant, la place du Général de Gaulle, utilisée pour le stationnement payant des véhicules et le marché hebdomadaire, ne constitue pas une ressource naturelle rare au sens des dispositions précitées. Mme C... n'est par suite pas fondée à soutenir que la conclusion de la convention litigieuse devait être précédée d'une procédure de sélection.

4. En deuxième lieu, aux termes du I l'article L. 1311-5 du code général des collectivités territoriales : " Les collectivités territoriales peuvent délivrer sur leur domaine public des autorisations d'occupation temporaire constitutives de droits réels en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de leur compétence. Le titulaire de ce titre possède un droit réel sur les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier qu'il réalise pour l'exercice de cette activité. (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que la convention d'occupation temporaire du domaine public en litige permet l'édification des ancrages nécessaires à la construction d'un bâtiment à usage commercial en surplomb d'un parc de stationnement. Ainsi que l'a jugé le tribunal sans inverser la charge de la preuve, cette opération, qui vise à renforcer l'activité économique, en incitant certaines enseignes, par la création de locaux commerciaux de grande superficie, à s'installer en centre-ville plutôt qu'en périphérie, tout en réorganisant l'espace public afin de faciliter la circulation, en particulier des piétons et en préservant des emplacements de stationnement, a le caractère d'une opération d'intérêt général au sens des dispositions précitées. Si à l'occasion de l'enquête publique préalable à la modification du plan de sauvegarde et de mise en valeur du site patrimonial remarquable du centre historique de Chalon-sur-Saône, le commissaire-enquêteur a émis un avis réservé sur ce projet, cette circonstance ne saurait suffire à établir l'absence d'intérêt général de l'opération. Par ailleurs, la circonstance que cette opération répond à une initiative privée de la société Somabi n'est pas davantage de nature, compte de ses objectifs, à lui retirer son caractère d'intérêt général.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 1311-6 du code général des collectivités territoriales : " Le droit réel conféré par le titre, les ouvrages, constructions et installations de caractère immobilier ne peuvent être cédés, ou transmis dans le cadre de mutations entre vifs ou de fusion, absorption ou scission de sociétés, pour la durée de validité du titre restant à courir, y compris dans le cas de réalisation de la sûreté portant sur lesdits droits et biens et dans les cas prévus aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 1311-6-1, qu'à une personne agréée par les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics, en vue d'une utilisation compatible avec l'affectation du domaine public occupé. ".

7. En prévoyant à l'article 4 de la convention contestée que celle-ci est conclue intuitu personae mais que les droits résultant de l'autorisation d'occupation temporaire pourront être cédés à une personne préalablement agréée par la commune, cette dernière n'a pas conféré à la convention un objet illicite au regard des dispositions précitées de l'article L. 1311-6.

8. En quatrième lieu, l'article 11 de la convention précise qu'en cas de résiliation pour motif d'intérêt général, des indemnités seront versées à la société Somabi. La circonstance que la convention ne précise pas l'assiette et les modalités de calcul de cette indemnité ne l'entache pas d'illicéité dès lors qu'il appartiendra aux parties, le cas échéant, de faire application des règles générales en matière d'indemnisation du cocontractant en cas de résiliation pour motif d'intérêt général.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 562-4 du code de l'environnement : " Le plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé vaut servitude d'utilité publique. Il est annexé au plan local d'urbanisme, conformément à l'article L. 153-60 du code de l'urbanisme. ".

10. Mme C... soutient que la convention en litige méconnaît les prescriptions du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) de la Saône et de ses affluents qui classe, dans sa version modifiée du 28 juillet 2016, la place du Général de Gaulle en zone violette, correspondant à un aléa fort, et interdit, sauf exceptions, toutes constructions nouvelles ainsi que la création d'établissements recevant du public de catégorie 1, 2 et 3 à l'exception des espaces ouverts de plein air. Toutefois, l'appelante ne peut utilement se prévaloir des prescriptions de ce PPRI à l'encontre de l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public en cause dont l'objet est de permettre la réalisation, sur le domaine public, des ancrages nécessaires aux constructions en surplomb de la place du Général de Gaulle, telles qu'autorisées par le permis de construire du 27 juillet 2016, dont la légalité a été confirmée par un arrêt de la cour du 12 février 2019, devenu définitif.

Sur la délibération du 27 juin 2017 approuvant la cession à la société Somabi du volume situé en surplomb de la place du Général de Gaulle :

11. En vertu du principe désormais énoncé à l'article L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques, les biens qui relèvent du domaine public des personnes publiques sont inaliénables et imprescriptibles. Leur cession ne peut intervenir, s'agissant de biens affectés à un service public, qu'après leur désaffectation et l'intervention d'une décision expresse de déclassement.

12. Aux termes de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public. ". En vertu de l'article L. 2111-14 de ce code, le domaine public routier communal comprend l'ensemble des biens appartenant à la commune et affectés aux besoins de la circulation terrestre, à l'exception des voies ferrées. Selon l'article L. 2111-2 du même code, font également partie du domaine public communal les biens de la commune qui, concourant à l'utilisation d'un bien appartenant au domaine public, en constituent un accessoire indissociable. Enfin, aux termes de l'article L. 2211-1 : " Font partie du domaine privé les biens des personnes publiques mentionnées à l'article L. 1, qui ne relèvent pas du domaine public par application des dispositions du titre Ier du livre Ier. /Il en va notamment ainsi des réserves foncières et des biens immobiliers à usage de bureaux, à l'exclusion de ceux formant un ensemble indivisible avec des biens immobiliers appartenant au domaine public. ".

13. Lorsqu'une personne publique a pris la décision d'affecter un bien qui lui appartient à l'usage direct du public ou à un service public et que l'aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public peut être regardé comme entrepris de façon certaine, ce bien doit être regardé comme une dépendance du domaine public.

14. La délibération contestée approuve la cession d'un volume d'air situé en surplomb de la place du Général de Gaulle, aménagée en surface en parc de stationnement payant dont la gestion relève de la commune de Chalon-sur-Saône, et constituant à ce titre une dépendance du domaine public de la commune. Le volume cédé permettra, conformément au permis de construire délivré le 27 juillet 2016, la réalisation de deux niveaux d'une emprise maximale de 2 000 m² chacun, soit 4 000 m² environ, en surplomb du domaine public, dans la limite haute de 13 mètres comptée à partir du sol. Ce bâtiment, réalisé sous maîtrise d'ouvrage privée, n'a pas vocation à être affecté directement par la personne publique à l'usage du public ni à un service public. Il ne présente par ailleurs pas, ainsi que l'a jugé le tribunal, le caractère d'un accessoire indissociable nécessaire à l'utilisation du parc de stationnement qu'il surplombe. Dans ces conditions, et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que la délibération en litige devait être précédée d'une décision expresse de déclassement doit être écarté.

Sur le montant financier de l'opération :

15. Mme C... soutient que la commune a sous-évalué le montant de la redevance d'occupation temporaire du domaine public, accordée pour 70 ans, ainsi que le prix de cession du volume surplombant le domaine public. Toutefois, sa méthode de comparaison " aux montants moyens de loyers commerciaux pratiqués dans des centres commerciaux de périphérie ", au demeurant non étayées de pièces justificatives, n'est pas de nature à établir, d'une part, que le montant annuel de la redevance d'occupation du domaine public, fixée à 25 000 euros, aurait été manifestement sous-évaluée par rapport aux avantages de toute nature procurés à la société Somabi par l'utilisation du domaine public pour l'ancrage de supports et d'autre part, que le prix de cession du volume surplombant le domaine public, d'un montant de 1 200 000 euros, supérieur à l'évaluation du Domaine, ne correspondrait pas à la valeur vénale du bien compte tenu de ses caractéristiques et du marché immobilier.

16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les frais du litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Chalon-sur-Saône, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme C... la somme de 1 000 euros à verser à chacun des intimés au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Mme C... versera la somme de 1 000 euros à la commune de Chalon-sur-Saône et la somme de 1 000 euros à la société Somabi au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié Mme E... C..., à la commune de Chalon-sur-Saône et à la société Somabi. Copie en sera adressée à la direction départementale des finances publiques de Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2020, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme D..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 octobre 2020.

2

N° 18LY04739


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY04739
Date de la décision : 22/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Domaine - Domaine public - Régime - Occupation - Utilisations privatives du domaine.

Domaine - Domaine privé - Régime - Aliénation.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : BARBEROUSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-10-22;18ly04739 ?
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