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22/10/2020 | FRANCE | N°18LY04737

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 22 octobre 2020, 18LY04737


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Eiffage route Centre Est a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner Pôle Emploi Auvergne-Rhône-Alpes à lui verser la somme de 12 859 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1605582 du 18 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2018, et un mémoire enregistré le 8 janvier 2020, la société Eiffage route Centre Est, représenté par

Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susmentionné du 18 octobre 2018 du tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Eiffage route Centre Est a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner Pôle Emploi Auvergne-Rhône-Alpes à lui verser la somme de 12 859 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal.

Par un jugement n° 1605582 du 18 octobre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2018, et un mémoire enregistré le 8 janvier 2020, la société Eiffage route Centre Est, représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susmentionné du 18 octobre 2018 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner Pôle Emploi à lui payer la somme de 12 859 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 avril 2016, date de la première mise en demeure ;

3°) de condamner Pôle Emploi aux entiers dépens de l'instance ;

4°) de mettre à la charge de Pôle Emploi le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête, qui s'inscrit dans le cadre d'un marché de travaux publics auquel le délai de droit commun de deux mois n'est pas applicable et qui a été introduite dans un délai raisonnable, lequel n'est au demeurant pas applicable en matière de marchés publics, n'est pas tardive et est donc recevable ;

- à titre principal, dès lors qu'en tant que sous-traitant de la société TMGI, elle a été acceptée et ses conditions de paiement ont été agréés, elle est fondée à se prévaloir du mécanisme du paiement direct auprès de Pôle Emploi pour obtenir de ce dernier le paiement des prestations qu'elle a accomplies ; la société TMGI est réputée avoir accepté la facture et elle pouvait légitimement prétendre à son paiement direct par Pôle Emploi ;

- les stipulations du contrat (article 11.1.2) conclu entre Pôle Emploi et la société TMGI exigeant que les factures soient libellées au nom du pouvoir adjudicateur, ne lui sont pas opposables car elle est tierce à ce contrat, alors qu'en tout état de cause, la déclaration de sous-traitance qu'elle a signée ne fait pas état de ce formalisme ;

- si Pôle Emploi prétend qu'elle n'aurait pas respecté les dispositions de l'article 116 du code des marchés publics, ce moyen est inopérant dès lors que Pôle Emploi a eu comme instruction du maître d'oeuvre, la société Jean Martinato et Associés, de régler son marché de travaux ;

- à titre subsidiaire, la responsabilité délictuelle de Pôle Emploi est engagée à son égard sur le fondement de l'article 1382, devenue l'article 1240 du code civil, dès lors qu'informé de l'intervention d'un sous-traitant, qu'il n'aurait pas agréé et qu'il savait ne pas bénéficier d'une garantie de paiement, il n'a pas mis en demeure l'entreprise principale de régulariser la situation, en faisant agréer ce sous-traitant et faisant accepter ses conditions de paiement, avant de procéder au règlement du solde de marché de travaux puisqu'il a directement réglé l'entreprise principale, en méconnaissance de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 ; si le tribunal a retenu que Pôle Emploi avait réglé à la société TMGI dès réception de la facture le 9 septembre 2014, cette affirmation n'est étayée par aucune pièce et il s'agit donc d'une erreur ;

- elle a ainsi subi un préjudice direct et certain du fait de cette négligence, qui l'a privée de toute garantie de paiement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 mars 2019, Pôle Emploi Auvergne Rhône-Alpes, représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Eiffage route Centre Est la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la requête est tardive dès lors qu'elle n'a pas été introduite dans le délai raisonnable d'un an courant à compter du rejet implicite, intervenu le 18 avril 2015, de la demande de paiement intitulée mise en demeure transmise le 17 février 2015 et non de la seconde mise en demeure adressée le 20 avril 2016, ayant fait naître une décision implicite de rejet purement confirmative ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

- la société Eiffage n'a pas fait connaître au maître de l'ouvrage sa volonté d'actionner son droit au paiement direct, conformément à la procédure prévue à l'article 11.1.2. du contrat conclu avec la société TMGI, en envoyant et libellant les factures à l'entrepreneur principal, société TMGI, et non à Pôle Emploi ;

- elle ne saurait supporter les conséquences des erreurs de la société Eiffage en lui repayant une somme qu'elle a déjà versée à la société TMGI suite à la réception en septembre 2014 de la demande de règlement de la facture ;

- sa responsabilité quasi-délictuelle est une conclusion nouvelle et/ou un moyen nouveau qui ne peut être débattu après la cristallisation du débat contentieux.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... ;

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;

- et les observations de Me A... représentant la société Eiffage route Centre Est, et celles de Me B..., représentant Pôle Emploi Auvergne Rhône-Alpes ;

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre de l'aménagement de l'agence Pôle emploi d'Annecy, Pôle emploi Auvergne-Rhône-Alpes, maître d'ouvrage, a confié à la société TMGI, par un acte d'engagement du 27 décembre 2013, la réalisation du lot n° 2 relatif aux travaux de maçonnerie, pour un prix global et forfaitaire de 53 880,40 euros hors taxes. Par bon de commande, la société TMGI a accepté le devis présenté par la société Eiffage route Centre Est du 30 juin 2014 pour la réalisation d'une surface d'enrobé pour un prix global et forfaitaire de 15 430 euros toutes taxes comprises. Après l'achèvement des travaux, la facture du 22 juillet 2014 d'un montant de 12 859 euros présentée à la société TMGI par la société Eiffage ne lui a jamais été réglée, malgré plusieurs courriers de relance. Par un courrier du 17 février 2015, la société requérante a mis la société TMGI et Pôle emploi Auvergne-Rhône-Alpes en demeure de lui régler cette facture. Le maître d'oeuvre l'a pour sa part informée que le maître d'ouvrage avait réglé le solde de la facture à la société TMGI. Après de nouvelles mises en demeure, la société Eiffage a saisi le président du tribunal de commerce qui, par ordonnance du 30 septembre 2015, a condamné la société TMGI à lui payer à titre provisionnel la somme de 12 859 euros. En l'absence d'exécution de ce jugement, la société requérante a sollicité le règlement de cette facture auprès de Pôle emploi Auvergne-Rhône-Alpes par un courrier du 20 avril 2016. Elle a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner Pôle emploi Auvergne-Rhône-Alpes à lui verser la somme de 12 859 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts. Par un jugement n° 1605582 du 18 octobre 2018, dont la société Eiffage route Centre Est relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions principales aux fins de paiement direct :

2. Aux termes de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 susvisée : " L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande. Lorsque le sous-traitant n'aura pas été accepté ni les conditions de paiement agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, l'entrepreneur principal sera néanmoins tenu envers le sous-traitant mais ne pourra invoquer le contrat de sous-traitance à l'encontre du sous-traitant. ". Aux termes de l'article 6 de la loi précitée : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution. (...) Ce paiement est obligatoire même si l'entrepreneur principal est en état de liquidation des biens, de règlement judiciaire ou de suspension provisoire des poursuites. (...) ".

3. En vertu des dispositions combinées précités des articles 3 et 6 de la loi du 31 décembre 1975, le paiement direct du sous-traitant par le maître de l'ouvrage, pour la part du marché dont il assure l'exécution, est subordonné à la double condition que, sur la demande de l'entrepreneur principal, le sous-traitement ait été accepté par le maître de l'ouvrage et que les conditions de paiement du contrat de sous-traitance aient été agréées par ledit maître de l'ouvrage sous la forme d'un avenant au contrat initial ou d'un acte spécial signé des deux parties.

4. Il résulte de l'instruction que la déclaration de sous-traitance du 8 juillet 2017 concernant la société requérante n'a été signée que par celle-ci et non par la société TMGI et par le maître d'ouvrage dénommé comme étant le pouvoir adjudicateur, en l'occurrence Pôle emploi Auvergne-Rhône-Alpes. Il ne saurait résulter des courriels du 28 septembre 2014 et du 10 novembre 2014, donc postérieurs à la réalisation des travaux litigieux, du maître d'oeuvre, la Sarl Jean Martinato et Associés, indiquant que la somme de 12 859 euros TTC peut être réglée au sous-traitant Eiffage en relevant que les travaux ont été exécutés dans les règles de l'art, en faisant état d'une erreur du maître d'ouvrage qui n'aurait pas directement payé le sous-traitant, et demandant à la société TMGI de reverser à la société Eiffage la somme de 12 859 euros qui lui a été versée à tort, ni du courriel du même jour de la société TMGI reconnaissant avoir reçu cette somme à la place de la société requérante, que le sous-traitant Eiffage ait été, sur la demande de l'entrepreneur principal, "accepté" par Pôle emploi Auvergne-Rhône-Alpes et que les conditions de paiement du contrat de sous-traitance aient été "agréées" par ce dernier. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à réclamer le paiement direct au maître d'ouvrage, Pôle emploi Auvergne-Rhône-Alpes, des travaux qu'elle a effectués.

Sur les conclusions subsidiaires relatives à la responsabilité délictuelle du maître d'ouvrage :

5. Aux termes de l'article 1382 du code civil, devenu son article 1240 : " Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ". Aux termes des deux premiers alinéas de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 susvisée, inséré au titre III de cette loi par la loi du 6 janvier 1986 : " Pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics : / - le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 ou à l'article 6, ainsi que celles définies à l'article 5, mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations. ".

6. Il résulte de l'instruction que Pôle Emploi n'a eu connaissance de l'existence d'un sous-traitant de la société TMGI, en l'occurrence la société requérante, que le 28 septembre 2014 au plus tôt par un courriel informant un représentant de Pôle Emploi que la somme de 12 859 euros TTC pouvait être réglée au sous-traitant Eiffage, en relevant que les travaux ont été exécutés dans les règles de l'art, et ce alors que ces mêmes travaux avaient été, selon une facture de la société TMGI adressée à Pôle Emploi, réalisés antérieurement, soit le 2 juillet 2014. Ainsi, Pôle Emploi ne peut être regardé comme ayant commis une faute en s'abstenant de provoquer la régularisation de la situation du sous-traitant Eiffage dès lors qu'il n'a été informé de son intervention que postérieurement à la réalisation par celui-ci des travaux sous traités. La circonstance que Pôle Emploi ne démontre pas avoir réglé à la société TMGI la facture dès sa réception, le 9 septembre 2014, est à cet égard sans incidence, les premiers juges ayant d'ailleurs uniquement relevé que Pôle emploi Auvergne-Rhône-Alpes a fait valoir, sans être utilement contredit, qu'il a procédé au paiement de la société TMGI dès réception de la facture le 9 septembre 2014. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à réclamer au maître d'ouvrage, Pôle emploi Auvergne-Rhône-Alpes, le paiement des travaux qu'elle a effectués sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation du jugement du 18 octobre 2018 et à fin d'indemnisation doivent donc être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par Pôle Emploi Auvergne Rhône-Alpes.

8. Les conclusions présentées par la société Eiffage route Centre Est au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées par voie de conséquence.

9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Eiffage route Centre Est, partie perdante, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 précité au profit de Pôle Emploi Auvergne Rhône-Alpes.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Eiffage route Centre Est est rejetée.

Article 2 : La société Eiffage route Centre Est versera la somme de 2 000 euros à Pôle Emploi Auvergne Rhône-Alpes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eiffage route Centre Est et à Pôle Emploi Auvergne Rhône-Alpes.

Délibéré après l'audience du 1er octobre 2020, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

M. C..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 22 octobre 2020.

C...

2

N° 18LY04737


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY04737
Date de la décision : 22/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-03-01-02-03 Marchés et contrats administratifs. Exécution technique du contrat. Conditions d'exécution des engagements contractuels en l'absence d'aléas. Marchés. Sous-traitance.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Christophe RIVIERE
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SELARL BK AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-10-22;18ly04737 ?
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