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20/10/2020 | FRANCE | N°19LY04830

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 20 octobre 2020, 19LY04830


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme I... G... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de tout retour sur le territoire national pendant deux ans.

Par un jugement n° 1905420 du 14 novembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour


Par une requête enregistrée le 31 décembre 2019, Mme E... A... G..., représentée par Me H......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme I... G... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de tout retour sur le territoire national pendant deux ans.

Par un jugement n° 1905420 du 14 novembre 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 31 décembre 2019, Mme E... A... G..., représentée par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 14 novembre 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler l'arrêté du 22 juillet 2019 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de tout retour sur le territoire national pendant deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour et, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et de la mettre en possession d'une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler dans l'attente de ce réexamen ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour et la décision l'obligeant à quitter le territoire français :

- elles méconnaissent l'article L. 511-4 10° et l'article 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il n'existe pas de risque de fuite et que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public.

En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés ;

- elle est disproportionnée.

Le préfet de l'Isère, auquel la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.

Mme A... G... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Fédi, président-assesseur ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... G..., ressortissante de la République démocratique du Congo, née le 2 décembre 1979, relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 14 novembre 2019 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère du 22 juillet 2019, qui lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de tout retour sur le territoire national pendant deux ans.

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé (...) ". Aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

3. Mme A... G..., qui est atteinte d'un diabète insulino-dépendant, bénéficiait, à la date de la décision attaquée, d'un suivi médical et d'un traitement impliquant quatre injections quotidiennes, notamment de " Lantus Solostar " et de " Novorapid ". Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans son avis du 25 janvier 2019, a relevé d'une part, que si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, bénéficier là-bas d'un traitement approprié, d'autre part, que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers la République démocratique du Congo. Pour contester la disponibilité de son traitement dans son pays d'origine, notamment le " Lantus " qui ne serait pas substituable à d'autres types d'insuline, Mme A... G..., qui prétend, en outre, n'avoir accès au Congo qu'à des soins traditionnels à base de plantes, se borne à produire une attestation d'un médecin généraliste du 15 octobre 2019 indiquant que " le traitement de l'intéressée n'est pas disponible dans son pays d'origine et que le changement de traitement médicale serait désastreux pour sa santé. ". Par ce seul document, la requérante n'établit pas que les médicaments qui lui sont prescrits ou des médicaments équivalents ne seraient pas disponibles ou accessibles en République démocratique du Congo, alors que l'autorité administrative fait valoir qu'elle peut bénéficier d'un traitement approprié dans ce pays. Au surplus, le préfet a produit devant le tribunal administratif de Grenoble d'une part, la " liste nationale des médicaments essentiels " établie par les autorités sanitaires de cet Etat et plusieurs fiches d'éléments d'informations destinées au ministère de l'intérieur néerlandais à partir d'une banque mondiale de données médicales dénommée MedCOI (medical country of origin information) concernant les pathologies déclarées par la requérante et témoignant de la disponibilité de son traitement d'autre part des documents attestant de ce que le suivi médical et les examens sont également réalisables sur place. Dans ces conditions, la décision contestée, portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire, n'est ni entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, ni prise en violation des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 11° et du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur de droit, en estimant, sur la base de l'avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que l'état de santé de Mme A... G... lui permettait de voyager sans risque vers la République démocratique du Congo.

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Si Mme A... G... soutient qu'elle a rencontré le père de son quatrième enfant en France, elle ne précise ni sa nationalité, ni les conditions de son droit au séjour en France. En outre si l'intéressée vit en France avec ses quatre enfants mineurs depuis six ans à la date de l'arrêté attaqué, la scolarisation de trois des enfants, en CP, CE2 et CM1, l'implication de leur mère dans leur réussite et la bonne intégration des enfants au sein d'associations sportives ne suffisent à faire regarder les décisions attaquées ni comme entachées d'erreur manifeste d'appréciation, ni comme portant au droit de la requérante au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises. En outre, la requérante a vécu jusqu'à l'âge de trente-quatre ans en République démocratique du Congo où elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales et où la cellule familiale qu'elle forme avec ses enfants peut se reconstituer. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur l'absence de délai de départ volontaire et l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

6. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ". Contrairement à ce que soutient Mme A... G..., la mesure la privant d'un délai de départ volontaire, qui prend en compte sa situation personnelle, est motivée notamment par la circonstance qu'elle s'est soustraite par deux fois à des mesures d'éloignement, sans que cette dernière ne puisse utilement se prévaloir de ce qu'elle ne présente pas de risque de fuite et de menace à l'ordre public.

7. Le III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. / (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, il lui appartient d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire.

8. Pour prononcer à l'encontre de Mme A... G... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, le préfet s'est notamment fondé sur le fait " que sa durée de présence en France n'est due qu'aux délais d'instruction de ses différentes demandes de titres de séjour et à son maintien en situation irrégulière malgré deux précédentes mesures d'éloignement du 23 septembre 2016 et du 26 mars 2019 suite à une interpellation pour usage et détention de faux documents administratifs ". Mme A... G... soutient que sa situation personnelle, tenant au fait qu'elle est présente en France depuis six ans avec ses enfants qui y sont scolarisés et qu'elle doit être soignée en France, relèverait de circonstances humanitaires. Toutefois, aucune pièce du dossier ne permet d'établir l'existence de telles circonstances humanitaires, notamment en l'absence de liens stables et durables en France, sans que Mme A... G... ne puisse se prévaloir de la circonstance qu'elle n'a fait l'objet d'aucune condamnation pénale antérieure. Il ne ressort pas davantage des circonstances de fait avancées par l'intéressée, que cette décision porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale Par suite, et dès lors que Mme A... G... a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai, c'est à bon droit que le préfet a assorti cette décision d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les moyens tirés d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du III de l'article L. 511-1du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent, par suite, être écartés. Pour les mêmes raisons, il y a également lieu d'écarter le moyen faisant état d'une erreur d'appréciation à avoir pris à son encontre une telle interdiction de retour.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme A... G... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I... G... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme D... B..., présidente de chambre,

M. Fédi, président-assesseur,

Mme C... F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 20 octobre 2020.

2

N° 19LY04830


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04830
Date de la décision : 20/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCHURMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-10-20;19ly04830 ?
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