La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/10/2020 | FRANCE | N°19LY03885

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 20 octobre 2020, 19LY03885


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision en date du 20 novembre 2018 par laquelle le préfet du Rhône lui a retiré sa carte de résident, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ et a désigné la Tunisie comme pays de destination.

Par un jugement n° 1809275 du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée l

e 17 octobre 2019, M. E..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision en date du 20 novembre 2018 par laquelle le préfet du Rhône lui a retiré sa carte de résident, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ et a désigné la Tunisie comme pays de destination.

Par un jugement n° 1809275 du 17 septembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 octobre 2019, M. E..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 septembre 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler la décision précitée du préfet du Rhône en date du 20 novembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui restituer sa carte de résident, ou à tout le moins de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocat d'une somme de

1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision portant retrait de carte de résident est entachée d'une erreur de fait puisque qu'il a été relaxé par un jugement du tribunal correctionnel du 20 septembre 2019 de l'intégralité des faits poursuivis à l'exception de l'emploi de M. A... en 2014 ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Le préfet du Rhône, auquel la requête a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.

Une note en délibéré présentée par M. E... a été enregistrée le 16 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gilles Fédi, président-assesseur,

- et les observations de Me F..., représentant M. E... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant tunisien né le 2 août 1983, entré régulièrement en France en 2010, a obtenu une carte de résident de dix ans, valable du 17 juillet 2012 au 16 juillet 2022, en qualité de conjoint d'une ressortissante française. Lors d'un contrôle routier intervenu le 30 juin 2017, il a été constaté la présence de deux personnes en situation irrégulière dans un véhicule appartenant à la société NMT dont M. E... est le gérant. Par arrêté du 20 novembre 2018, le préfet du Rhône a retiré la carte de résident de M. E..., lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi. M. E... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 septembre 2019 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Rhône du 20 novembre 2018.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 314-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de résident peut être retirée à tout employeur, titulaire de cette carte, ayant occupé un travailleur étranger en violation des dispositions de l'article L. 341-6 du code du travail (...) ". Aux termes de l'article L. 341-6, devenu l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ".

3. Si les faits constatés par le juge pénal, et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée, s'imposent à l'administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient, dans ce cas, à l'autorité administrative puis, le cas échéant, au juge administratif d'apprécier si les mêmes faits sont établis.

4. Il ressort des pièces du dossier que pour prendre la décision de retrait attaquée, le préfet du Rhône s'est fondé sur des procès-verbaux d'audition de la brigade mobile de l'Ain qui indiquaient que, lors du contrôle d'un véhicule appartenant à la société NMT le 30 juin 2017, il a été constaté qu'y étaient transportés trois ressortissants tunisiens se déplaçant pour aller travailler sur un chantier de la société et que, si le conducteur était en situation régulière, les autres occupants ne disposaient ni d'un droit au séjour en France, ni d'une autorisation de travail. L'arrêté préfectoral litigieux précisait également que M. E... " a commis les mêmes faits le 17 novembre 2014 de travail dissimilé par dissimulation de salarié et d'aide au séjour d'un travailleur dépourvu de titre de séjour. ". Par jugement du tribunal correctionnel de Lyon du 20 septembre 2019, M. E... a été relaxé d'une part, des faits survenus le 30 juin 2017, d'autre part, des faits relatifs à l'emploi de M. G... et M. A... H... pour la période du 20 janvier 2015 au 31 décembre 2016 puisque ces derniers étaient autorisés à travailler sur le territoire français. Toutefois M. E... a été condamné, pour avoir employé M. A... sans autorisation de travail le 22 août 2017, à une amende de 1 000 €, dont il a été sursis partiellement pour un montant de 500 euros. Ainsi, la décision attaquée, laquelle est fondée en totalité sur des circonstances qui ont fait l'objet d'un jugement de relaxe, repose sur des faits matériellement inexacts. Par conséquent, cette décision doit être annulée.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. E... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. L'appelant est, dès lors, fondé à demander l'annulation dudit jugement, ainsi que celle de l'arrêté du 17 septembre 2019 du préfet du Rhône lui retirant sa carte de résident et lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Rhône de restituer à M. E... sa carte de résident dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais du litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros qu'il paiera à M. E..., au titre des frais non compris dans les dépens que ce dernier a exposé.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1809275 du tribunal administratif de Lyon du 17 septembre 2019 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 20 novembre 2018 du préfet du Rhône est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de restituer à M. E... sa carte de résident dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à M. E... une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la république près le tribunal judiciaire de Lyon.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

Mme D... B..., présidente de chambre,

M. Fédi, président assesseur,

Mme Sophie Corvellec, premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 octobre 2020.

Le rapporteur,

G. FédiLa présidente,

E. B...

La greffière,

S. Bertrand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 19LY03885


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03885
Date de la décision : 20/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-10-20;19ly03885 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award