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06/10/2020 | FRANCE | N°19LY04269

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 06 octobre 2020, 19LY04269


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du préfet de la Drôme du 27 septembre 2018 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1905174 du 21 août 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 21 novembre 2019, Mme A... C..., représentée par Me Letellier, avocat, d

emande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 août 2019 du tribunal administratif de Gre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... A... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du préfet de la Drôme du 27 septembre 2018 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement n° 1905174 du 21 août 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 21 novembre 2019, Mme A... C..., représentée par Me Letellier, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 août 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de la Drôme du 27 septembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le préfet de la Drôme ne pouvait lui faire obligation de quitter le territoire français dès lors qu'elle pouvait bénéficier d'un titre de séjour par le biais du regroupement familial, sur le fondement des articles L. 313-12 et L. 316-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en application de la circulaire du 28 novembre 2012 ;

- la décision litigieuse méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 17 février 2020, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.

Il expose s'en rapporter aux observations qu'il a produites en première instance.

Mme A... C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 octobre 2019.

Par une ordonnance du 10 février 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme E... G..., première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C..., ressortissante marocaine née le 22 mai 1994, est entrée en France le 6 octobre 2017. Par une décision du 27 septembre 2018, le préfet de la Drôme lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme A... C... relève appel du jugement du 21 août 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) ". L'article L. 313-12 du même code précise que : " (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. (...) En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ". L'article L. 316-3 de ce code prévoit en outre que : " Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, l'autorité administrative délivre dans les plus brefs délais une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " à l'étranger qui bénéficie d'une ordonnance de protection en vertu de l'article 515-9 du code civil, en raison des violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin. La condition prévue à l'article L. 313-2 du présent code n'est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle (...) ".

3. Un étranger ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lorsque la loi prescrit qu'il doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour.

4. Toutefois, et contrairement à ce qu'elle prétend, Mme A... C..., dont l'époux est de nationalité irakienne, ne peut prétendre, de plein droit, à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lequel renvoie au 4° de l'article L. 313-11 qui encadre la délivrance d'un titre de séjour au bénéfice des conjoints de ressortissants français. A défaut d'ordonnance de protection telle que prévue par l'article 515-9 du code civil, elle ne relève pas davantage de l'article L. 316-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, le bénéfice du regroupement familial pouvant notamment être refusé, en application des articles L. 411-1 et suivants, si le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de la famille, s'il ne dispose pas d'un logement considéré comme normal ou encore si le bénéficiaire de cette demande réside en France, Mme A... C..., qui se borne à invoquer son mariage avec un ressortissant irakien disposant du statut de réfugié, ne démontre pas qu'elle pouvait bénéficier de plein droit d'un titre de séjour au titre du regroupement familial. Par suite, et contrairement à ce qu'elle soutient, aucune des dispositions précitées ne faisait obstacle à ce que le préfet de la Drôme lui fasse obligation de quitter le territoire français.

5. En deuxième lieu, ne peuvent être utilement invoquées les orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu, dans le cadre de la politique du Gouvernement en matière d'immigration, adresser aux préfets, sans les priver de leur pouvoir d'appréciation de chaque cas particulier, pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation. Par suite, si Mme A... C... soutient que le préfet de la Drôme n'a pas respecté les énonciations contenues dans la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, notamment celles relatives à l'examen des demandes présentées par des victimes de violences conjugales, en l'obligeant à quitter le territoire français, elle ne saurait toutefois utilement se prévaloir des énonciations de cette circulaire ministérielle, qui ne présente pas de caractère réglementaire.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".

7. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier la légalité de la décision dont l'annulation lui est demandée au vu des circonstances de droit et de fait existants à la date de cette décision.

8. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision en litige, Mme A... C... résidait depuis moins d'un an sur le territoire français, après avoir vécu jusqu'à l'âge de 23 ans au Maroc. Elle ne prétend pas être dépourvue d'attaches privées et familiales dans ce pays. Par ailleurs, si elle a épousé, le 7 juillet 2018, un ressortissant irakien résidant en France sous couvert du statut de réfugié, leur mariage était ainsi particulièrement récent, outre qu'elle indique elle-même qu'elle n'entretenait plus de vie commune avec son époux depuis quelques jours, en raison de violences et de menaces que celui-ci aurait proférées à son encontre. A cet égard, nonobstant la plainte qu'elle a déposée le 21 septembre 2018, les pièces qu'elle produit, qui se bornent à rapporter ses propos, ne permettent pas d'établir la réalité des violences qu'elle invoque, sa demande de protection ayant en outre été rejetée par une ordonnance du tribunal de grande instance de Valence du 3 mai 2019. Enfin, elle ne se prévaut d'aucune autre attache privée ou familiale en France, la naissance de son enfant étant intervenue postérieurement à la décision litigieuse. Dans ces circonstances, Mme A... C... n'est pas fondée à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de la Drôme aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

9. Enfin, et pour ces mêmes motifs, Mme A... C... n'est pas fondée à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de la Drôme a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

Mme F... B..., présidente de chambre,

M. Pierre Thierry, premier conseiller,

Mme E... G..., première conseillère.

Lu en audience publique le 6 octobre 2020.

2

N° 19LY04269


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04269
Date de la décision : 06/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : LETELLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-10-06;19ly04269 ?
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