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06/10/2020 | FRANCE | N°19LY04148

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 06 octobre 2020, 19LY04148


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... I... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 18 décembre 2018 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de destination.

Par un jugement n° 1900342 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 novembre 2019, M. I..., représenté par Me B... (D... BS

2A Bescou et Sabatier avocats associés), avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... I... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 18 décembre 2018 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de destination.

Par un jugement n° 1900342 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 novembre 2019, M. I..., représenté par Me B... (D... BS2A Bescou et Sabatier avocats associés), avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 octobre 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 18 décembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de résident ou une carte de séjour d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocat d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les premiers juges ont dénaturé le moyen tiré du défaut d'examen préalable de sa situation personnelle et n'y ont, par suite, pas répondu ;

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- le préfet du Rhône n'a pas précédé sa décision d'un examen réel et sérieux de sa situation ;

- le préfet du Rhône a entaché sa décision d'une erreur de fait, en retenant que son père n'avait pas engagé de démarches afin qu'il le rejoigne, au cours de sa minorité ;

- le préfet du Rhône a entaché sa décision d'une erreur de fait, en retenant que son père n'est pas en mesure de le prendre en charge ;

- le refus de titre de séjour litigieux méconnaît l'article L. 314-11 2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et procède d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il remplit l'ensemble des conditions fixées par cet article à l'exception de celle tenant à la détention d'un visa de long séjour ;

- le refus de titre de séjour litigieux méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales et l'article 7 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 février 2020, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il expose que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 29 juin 2020, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 17 juillet 2020.

M. I... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E... G..., première conseillère,

- et les observations de Me Hmaida, avocat, pour M. I... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. I..., ressortissant de la République démocratique du Congo né le 1er juin 1995, déclare être entré en France le 27 août 2017. Le 9 janvier 2018, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " en qualité de descendant d'un ressortissant français. Par des décisions du 18 décembre 2018, le préfet du Rhône a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. I... relève appel du jugement du 15 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre au détail de l'argumentation de la demande dont ils étaient saisis, notamment quant à l'examen des ressources du père de M. I... et à la réalité des démarches qui auraient été engagées par celui-ci, ont écarté le moyen tiré du défaut d'examen de la situation personnelle de l'intéressé préalablement à l'adoption du refus de titre de séjour litigieux. Leur jugement n'est, contrairement à ce qui est soutenu, entaché d'aucune omission à statuer.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse, qui mentionne l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, que le préfet du Rhône a, contrairement à ce que prétend M. I... qui ne démontre pas avoir présenté à l'appui de sa demande des pièces attestant des ressources de son père au-delà de l'année 2015, préalablement procédé à un examen de sa situation particulière. Le moyen tiré du défaut d'un tel examen doit, par suite, être écarté, sans que ne puissent être utilement invoquées à son appui les prétendues erreurs de fait ou erreurs d'appréciation dont cet examen serait entaché.

4. En deuxième lieu, ni le jugement du tribunal pour enfants H... en République démocratique du Congo du 13 décembre 2012, qui a pour seul objet de statuer sur l'exercice de l'autorité parentale à l'égard de M. I..., ni la quittance d'une demande de visa long séjour déposée à Pointe Noire en République démocratique du Congo le 2 janvier 2013, dont il ne ressort pas qu'elle aurait été formée par le père de M. I..., ne sont de nature à démontrer que ce dernier aurait engagé des démarches afin de le faire venir en France pendant sa minorité. Par suite, M. I... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Rhône aurait entaché sa décision d'une erreur de fait en retenant un tel motif.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour : 2° A l'enfant étranger d'un ressortissant de nationalité française si cet enfant est âgé de dix-huit à vingt et un ans ou dans les conditions prévues à l'article L. 311-3 ou s'il est à la charge de ses parents ainsi qu'aux ascendants d'un tel ressortissant et de son conjoint qui sont à sa charge, sous réserve qu'ils produisent un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois (...) ".

6. Contrairement à ce que prétend M. I..., qui n'établit pas avoir été dépourvu de toutes ressources propres au cours de son séjour en France, la seule circonstance, à la supposer même avérée, qu'il ait été hébergé par son père pendant les seize mois qui ont séparé son entrée sur le territoire français du refus de titre de séjour litigieux ne saurait suffire à démontrer que son père disposait des moyens financiers de le prendre en charge. M. I..., qui n'établit pas davantage qu'il aurait été financièrement pris en charge par son père avant son entrée sur le territoire français, ne démontre pas que le préfet du Rhône aurait entaché sa décision d'une erreur de fait en retenant qu'il n'établissait pas que son père disposait de ressources pour le prendre en charge financièrement.

7. En tout état de cause, il ressort des termes mêmes du refus de titre de séjour litigieux que le préfet du Rhône s'est également fondé sur le motif, dont la réalité n'est pas contestée, tiré de ce que M. I... ne disposait pas d'un visa de longue durée lors de son entrée sur le territoire français. Le préfet du Rhône pouvait, pour ce seul motif, lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 2° de l'article L. 314-11 précité. Contrairement à ce que prétend M. I..., il résulte de l'instruction, et des termes mêmes de la décision en litige, que le préfet du Rhône aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif.

8. Par suite, les moyens tirés de l'erreur de fait qu'aurait commise le préfet du Rhône pour l'application du 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la méconnaissance de ces dispositions doivent être écartés.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ". Selon l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications ". L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit par ailleurs que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date du refus de titre de séjour litigieux, M. I..., célibataire et dépourvu de charges de famille, résidait depuis moins de deux ans sur le territoire français, après avoir vécu jusqu'à l'âge de 22 ans dans son pays d'origine, où demeure sa mère. Si son père, ainsi que l'épouse et les enfants de celui-ci, résident régulièrement en France, il est constant que l'intéressé n'a ainsi jamais vécu à leurs côtés avant l'âge de 22 ans, sans qu'il n'établisse avoir entretenu des liens avec eux pendant cette séparation. Par ailleurs, il ne démontre aucune insertion socio-professionnelle particulière, en invoquant seulement l'activité professionnelle de son père. Dans ces circonstances, et nonobstant les démarches que son père prétend avoir, dès 2012, engagées sans succès en vue de le faire entrer sur le territoire français, M. I... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet du Rhône aurait porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les dispositions et stipulations précitées.

11. Enfin, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé.

12. En l'espèce, eu égard à ce qui a été indiqué au point 10 du présent arrêt, M. I... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Rhône aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en rejetant sa demande de titre de séjour au seul motif de son défaut de visa de longue durée et en s'abstenant de faire usage de son pouvoir de régularisation exceptionnelle.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

13. En premier lieu, comme il a été dit ci-dessus, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. I... n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de ce refus de titre doit être écarté.

14. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus mentionnés, M. I..., qui n'a pas développé d'autres arguments, n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cette même décision ne peut, pour les mêmes motifs, être regardée comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

15. La décision désignant le pays de renvoi n'ayant été prise ni en application ni sur le fondement du refus de titre de séjour, M. I... ne saurait utilement exciper de l'illégalité de ce refus à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi.

16. Il résulte de ce qui précède que M. I... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. I... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... I... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020, à laquelle siégeaient :

Mme F... A..., présidente de chambre,

M. Pierre Thierry, premier conseiller,

Mme E... G..., première conseillère.

Lu en audience publique le 6 octobre 2020

2

N° 19LY04148


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04148
Date de la décision : 06/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-10-06;19ly04148 ?
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