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06/10/2020 | FRANCE | N°18LY02807

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 06 octobre 2020, 18LY02807


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Sciez à lui verser une somme de 74 198, 34 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices causés par son absence de placement en congé de longue maladie.

Par un jugement n° 1600570 du 17 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de Sciez à verser à M. B... une somme de 2 000 euros tous intérêts confondus, et a rejeté le surplus

des conclusions des parties.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Sciez à lui verser une somme de 74 198, 34 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices causés par son absence de placement en congé de longue maladie.

Par un jugement n° 1600570 du 17 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de Sciez à verser à M. B... une somme de 2 000 euros tous intérêts confondus, et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 24 juillet 2018, M. B..., représenté par Me Mazas (SCM Mazas Etcheverrigaray), avocat, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 17 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a limité à la somme de 2 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la commune de Sciez en réparation des préjudices qu'il a subis ;

2°) de condamner la commune de Sciez à lui verser la somme de 74 198, 34 euros et les droits à la retraite perdus, augmentés des intérêts à compter du 26 décembre 2014 et capitalisation de ces intérêts à compter du 26 décembre 2015 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Sciez une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'erreurs de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ;

- la circonstance qu'il était en détachement est sans incidence sur l'indemnisation qui doit lui être accordée en réparation des préjudices causés par les décisions rejetant implicitement ses demandes de placement en congé de longue maladie ;

- le préjudice qu'il a subi jusqu'au mois d'août 2010 doit être évalué à un montant supérieur à 2 000 euros ;

- en refusant de le placer en congé de longue maladie dès sa première demande en ce sens, la commune de Sciez a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

- cette faute lui a directement causé des préjudices ;

- n'ayant pas été placé en congé de longue maladie dès le 24 novembre 2009, il n'a pu bénéficier des prestations d'une assurance souscrite à compter du 1er mars 2006 et a subi des troubles dans ses conditions d'existence ;

- il a subi un préjudice matériel, tenant à la perte de compléments de traitement et à l'absence de bénéfice d'une assurance précédemment souscrite, qui s'élève à 64 198, 34 euros ;

- il a subi un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence, au vu de son état de santé et de la perte de rémunération subie, qui doivent être évalués à 10 000 euros ;

- il a droit à la reconstitution de ses droits à la retraite, pour compenser la perte due aux primes non versées.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 septembre 2018, la commune de Sciez, représentée par Me Rebotier (SELAS Agis), avocat, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 mai 2018 en tant qu'il la condamne à verser une somme de 2 000 euros à M. B... et au rejet des demandes de première instance de M. B... ;

3°) à ce que soit mise à la charge de M. B... la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle expose que :

- les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés ;

- les conclusions de M. B... tendant à l'indemnisation d'un préjudice moral doivent être rejetées, celui-ci ne pouvant prétendre au versement de sommes supérieures à celles qu'il a perçues et en l'absence de lien entre sa situation médicale et le contentieux en cause.

Par ordonnance du 19 novembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 décembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... F..., première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- les observations de Me Gras, avocat, représentant la commune de Sciez ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., attaché territorial principal, a été recruté par la commune de Sciez le 2 juillet 2002 et détaché dans l'emploi fonctionnel de directeur général des services. Par jugement du 30 avril 2013, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions de rejet implicitement nées du silence conservé sur ses demandes de placement en congé de longue maladie pour la période du 24 novembre 2009 au 28 août 2010. Par courrier du 26 décembre 2014, M. B... a sollicité l'indemnisation des préjudices qu'il considère avoir subis en conséquence de ces décisions à compter du 24 janvier 2010. Sa demande ayant été rejetée, il a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Sciez à lui verser, à ce titre, une somme de 74 198,34 euros, augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts. Le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à ses conclusions indemnitaires à hauteur de 2 000 euros et en a rejeté le surplus, par un jugement du 17 mai 2018. M. B... demande la réformation de ce jugement, afin que la condamnation de la commune de Sciez soit portée à 74 198, 34 euros. Par la voie de l'appel incident, la commune de Sciez demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser à M. B... une somme de 2 000 euros.

Sur l'appel de M. B... :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

2. Les erreurs de fait, de droit et d'appréciation dont M. B... reproche aux premiers juges d'avoir entaché le jugement attaqué, ne sont susceptibles d'affecter que le bien-fondé de celui-ci et demeurent sans incidence sur sa régularité.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 3° A des congés de longue maladie d'une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions, rend nécessaires un traitement et des soins prolongés et présente un caractère invalidant et de gravité confirmée. Le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement pendant un an ; le traitement est réduit de moitié pendant les deux années qui suivent. L'intéressé conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) ".

4. Toute illégalité commise par l'administration constitue une faute susceptible d'engager sa responsabilité, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain.

5. Par jugement du 30 avril 2013 non frappé d'appel, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions de rejet implicitement nées du silence conservé sur les demandes de placement en congé de longue maladie de M. B..., pour la période du 24 novembre 2009 au 28 août 2010, en relevant que l'intéressé souffre d'une affection cardiaque répondant aux critères fixés par l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984. En refusant de le placer en congés de longue maladie pour cette période, la commune de Sciez a, dès lors, commis une faute.

6. Toutefois, d'une part, M. B... ne démontre nullement avoir été en droit de prétendre au bénéfice d'un congé de longue maladie pour une durée de trois ans, ni l'existence d'une faute imputable à la commune de Sciez pour la période postérieure au 28 août 2010. Dans ces circonstances, et alors même que le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Rhône l'a placé en congé de longue maladie à compter du 1er janvier 2012, il n'est pas fondé à demander l'indemnisation d'un préjudice matériel au titre de cette période.

7. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment des fiches de paie produites par la commune de Sciez ainsi que des écritures de M. B... qui a lui-même indiqué que les " compléments et primes ont été maintenues à compter du 24 novembre 2009 ", que l'intéressé a continué à percevoir la nouvelle bonification indiciaire, l'indemnité forfaitaire pour travaux supplémentaires, la prime de responsabilité et l'IEMP entre les mois de novembre 2009 et de juin 2010. N'ayant pas été privé des indemnités perçues jusqu'alors, il ne démontre pas que l'assurance qu'il a souscrite en 2006 lui aurait versé des prestations complémentaires. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que l'abstention de la commune à le placer en congé de longue maladie dès sa première demande en date du 24 novembre 2009 l'aurait privé du bénéfice d'indemnités et de prestations d'assurance.

8. Par ailleurs, il est constant que, par arrêté du 4 février 2010 dont la légalité n'est pas contestée, le maire de Sciez a mis fin à son détachement, à compter du premier jour du troisième mois suivant la notification de cette décision. Par suite, l'interruption du versement de certaines indemnités à compter du mois de juillet 2010, qui est ainsi due à la cessation de ses fonctions de directeur général de services, est dépourvue de lien avec le refus illégal de le placer en congé de longue maladie entre le 24 novembre 2009 et le 28 août 2010.

9. Par suite, M. B... ne démontre pas que l'illégalité du refus de la commune de le placer en congé de longue maladie pour la période du 24 novembre 2009 au 28 août 2010 lui aurait directement causé un préjudice matériel tenant à la perte de compléments de traitement et de prestations d'assurance.

10. En deuxième lieu, ne démontrant pas avoir subi une perte de rémunération, il ne démontre pas davantage la réalité de la perte de droits à la retraite qu'il invoque.

11. En troisième lieu, et s'agissant du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence, il résulte de l'instruction, notamment d'un certificat médical daté du 30 juin 2011, que le refus de la commune de Sciez de placer M. B... en congé de longue maladie a généré chez celui-ci des troubles anxio-dépressifs, délétères en raison des difficultés cardio-vasculaires dont il souffre. En revanche, comme indiqué précédemment, M. B... n'établit pas avoir subi une perte de rémunération due à l'illégalité qu'il invoque. Dans ces circonstances, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en lui accordant la somme de 2 000 euros, le tribunal administratif de Grenoble aurait sous-évalué le préjudice moral et les troubles dans ses conditions d'existence subis.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté partiellement sa demande.

Sur les conclusions incidentes de la commune de Sciez :

13. Comme indiqué au point 11 du présent arrêt, si M. B... n'établit pas avoir subi une perte de rémunération due à l'illégalité qu'il invoque, celle-ci a, en revanche, été à l'origine de troubles anxio-dépressifs délétères en raison des difficultés cardio-vasculaires dont il souffre. Dans ces circonstances, la commune de Sciez n'est pas fondée à soutenir que l'existence d'un préjudice moral n'est pas établie, ni que celui-ci, fixé à 2 000 euros en première instance, aurait été surévalué.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Sciez n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble l'a condamnée à verser une somme de 2 000 euros à M. B....

Sur les frais liés au litige :

15. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B... et de la commune de Sciez présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Sciez présentées par la voie de l'appel incident et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la commune de Sciez.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme E... A..., présidente de chambre,

M. Pierre Thierry, premier conseiller,

Mme D... F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 6 octobre 2020.

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N° 18LY02807


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02807
Date de la décision : 06/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : AGIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-10-06;18ly02807 ?
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