Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 3 novembre 2016 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de l'Yonne a refusé de reconnaître comme accident de service sa tentative de suicide survenue le 15 février 2014.
Par un jugement n° 1700004 du 25 juin 2018, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 24 août 2018 et un mémoire enregistré le 28 mars 2019, présentés pour Mme A..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1700004 du 25 juin 2018 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) d'annuler la décision susmentionnée ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'avis rendu par la commission de réforme le 13 octobre 2016 l'a été en méconnaissance de l'article 19 du décret du 19 mars 1986 dès lors que ni le rapport d'enquête du CHSCT relatif aux risques psycho-sociaux, déposé le 3 octobre 2014, ni les témoignages des agents l'ayant côtoyée n'ont été communiqués à la commission ;
- la décision en litige a été prise en l'absence d'avis valablement délivré par ladite commission ;
- c'est à tort que l'administration n'a pas reconnu l'imputabilité au service de sa tentative de suicide dès lors que celle-ci est bien en lien direct et certain avec les agissements dont elle a été victime au sein de son service.
Par mémoire enregistré le 10 décembre 2018, le ministre de l'économie et des finances et le ministre de l'action et des comptes publics concluent au rejet de la requête.
Les ministres s'en rapportent aux écritures en défense de l'administration en première instance.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président assesseur,
- et les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., inspectrice des finances publiques affectée à compter du 1er septembre 2010 au pôle de recouvrement spécialisé de la direction départementale des finances publiques de l'Yonne, a tenté de se suicider par ingestion médicamenteuse, le samedi 15 février 2014, alors qu'elle se trouvait à son domicile en dehors de ses heures de service. Le 22 février 2014 elle a adressé à son administration une " déclaration d'accident du travail " afin de voir reconnaître comme accident de service sa tentative de suicide. Sa demande a été rejetée par une première décision, du 19 novembre 2014, du directeur départemental des finances publiques de l'Yonne, qui a été annulée, ainsi que la décision de rejet du recours hiérarchique formé par Mme A..., par un jugement du 9 juin 2016 du tribunal administratif de Dijon, aux motifs que cette décision était insuffisamment motivée et que les deux décisions avaient été prises au terme d'une procédure irrégulière. Par une nouvelle décision du 3 novembre 2016, prise après avis de la commission départementale de réforme, le directeur départemental des finances publiques de l'Yonne a rejeté à nouveau la demande de Mme A.... Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 19 du décret susvisé du 19 mars 1986 relatif à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme : " (...) La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages rapports et constatations propres à éclairer son avis. Elle peut faire procéder à toutes mesures d'instruction, enquêtes et expertises qu'elle estime nécessaires (...) ".
3. D'une part, la commission de réforme, saisie pour avis sur la demande de Mme A... de voir reconnaître comme accident de service sa tentative de suicide, n'avait pas à être destinataire de documents qui ne portaient pas sur l'imputabilité au service de son acte ou de sa pathologie. Dès lors, l'administration qui, au demeurant, et contrairement à ce que soutient la requérante, avait transmis à cette commission, ainsi qu'il ressort des pièces du dossier, le rapport de l'enquête conduite par une délégation de membres du CHSCT de la direction départementale des finances publiques de l'Yonne afin d'analyser les conditions de travail au sein du service et de proposer des mesures de prévention des risques professionnels, rédigé le 3 octobre 2014, n'était pas tenue de communiquer à la commission les procès-verbaux d'audition des agents entendus au cours de cette enquête.
4. D'autre part, il ressort de la lecture du procès-verbal de la séance du 13 octobre 2016 que la commission de réforme, sans se prononcer sur l'imputabilité au service de la pathologie déclarée par Mme A... le 15 février 2014, a émis un avis défavorable à sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de sa tentative de suicide au motif que la qualification d'accident de service ne pouvait être retenue en raison de l'absence de lien direct et unique avec un fait précis. Dès lors, contrairement à ce que soutient Mme A..., ladite commission a bien émis un avis défavorable à sa demande, de sorte que la décision en litige est intervenue au terme d'une procédure comportant la consultation de cette commission.
5. En second lieu, aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, dans sa rédaction alors applicable : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...) Toutefois, si la maladie provient (...) d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service (...) Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ".
6. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Il en va ainsi lorsqu'un suicide ou une tentative de suicide intervient sur le lieu et dans le temps du service, en l'absence de circonstances particulières le détachant du service. Il en va également ainsi, en dehors de ces hypothèses, si le suicide ou la tentative de suicide présente un lien direct avec le service. Il appartient dans tous les cas au juge administratif, saisi d'une décision de l'autorité administrative compétente refusant de reconnaître l'imputabilité au service d'un tel événement, de se prononcer au vu des circonstances de l'espèce. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.
7. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que les certificats médicaux rédigés les 21 février 2014 et 31 mars 2014 par un praticien hospitalier du centre hospitalier spécialisé de l'Yonne se bornent à rapporter les propos de Mme A..., relatifs à des difficultés relationnelles au travail, sans être assortis de précisions permettant de tenir pour établi que l'état dépressif dont souffrait l'intéressée était directement lié à la dégradation de son contexte de travail, alors que le médecin psychiatre mandaté par l'administration pour examiner l'intéressée avait indiqué, le 25 mai 2014, qu'il ne lui semblait pas possible de considérer que l'acte commis par l'intéressée présentait les caractéristiques d'un accident de service et que le médecin de prévention, dans un rapport du 25 août 2016, avait indiqué que l'analyse de l'expert psychiatre qui n'avait pas retenu l'imputabilité au service rejoignait la sienne. Tant le médecin mandaté par l'administration que le praticien hospitalier du CHS de l'Yonne avaient, en outre, fait état d'antécédents dépressifs à raison desquels l'intéressée avait été précédemment hospitalisée dans ce même service. D'autre part, s'il est constant que des tensions entre l'intéressée et son chef de service ont été constatées dans les mois précédant sa tentative de suicide, il ne ressort pas des pièces du dossier et, en particulier, du rapport d'enquête du CHSCT dont se prévaut Mme A..., que ces difficultés caractérisaient une situation de harcèlement ni que des circonstances particulières tenant à ses conditions de travail auraient été susceptibles d'avoir occasionné la pathologie dont elle souffre et d'être en lien avec sa tentative de suicide.
8. Il résulte de ce qui vient d'être dit que le directeur départemental des finances publiques de 1'Yonne n'a pas méconnu les dispositions précitées en refusant de reconnaître comme accident de service la tentative de suicide de Mme A... au motif qu'elle ne présentait pas un lien direct avec le service.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie et des finances.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Rémy-Néris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er octobre 2020.
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N° 18LY03301