La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/09/2020 | FRANCE | N°18LY03637

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 29 septembre 2020, 18LY03637


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS TDA International a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2011, 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1607953 du 31 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 28 septembre 2018, 26

juillet 2019, 3 et 16 juillet 2020 et le 31 août 2020, la SAS CEGID, venant aux droits de la S...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS TDA International a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires de retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2011, 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1607953 du 31 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires enregistrés les 28 septembre 2018, 26 juillet 2019, 3 et 16 juillet 2020 et le 31 août 2020, la SAS CEGID, venant aux droits de la SAS TDA International, représentée par Me B..., avocat, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 juillet 2018 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les sociétés BSC et CEGID Tunisie, en leur qualité de résidentes, pouvaient se prévaloir de l'article 11-1. de la convention franco-tunisienne ;

- la clause de non-discrimination prévue au dernier alinéa de l'article 6 de la convention franco-tunisienne fait obstacle à l'application de la retenue à la source au titre des années en cause.

Par un mémoire enregistré le 25 juin 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'imposition en litige a été régulièrement établie au regard de la loi nationale ;

- les sociétés BSG et CEGID Tunisie exonérées d'impôt à raison de leurs statuts ne peuvent être regardées comme des résidentes fiscales tunisiennes au sens de la convention franco-tunisienne ; ainsi les sommes que la SAS TDA International a versées à ces sociétés ne constituent pas des bénéfices d'entreprises résidentes fiscales en Tunisie ne pouvant être imposées que dans ce pays, en application du 1 de l'article 11 de la convention fiscale franco-tunisienne ;

- la clause de non-discrimination prévue par l'article 6 de la convention franco-tunisienne ne peut trouver à s'appliquer dès lors que les sociétés BSG et CEGID Tunisie ne sont pas des résidentes fiscales au sens de cette convention ; en tout état de cause, la retenue à la source prévue par l'article 182 B du code général des impôts a été jugée compatible avec les clauses de non-discrimination des conventions fiscales internationales.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention entre la France et la Tunisie tendant à éliminer les doubles impositions et à établir des règles d'assistance mutuelle administrative en matière fiscale, signée le 28 mai 1973 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., présidente ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- les observations de Me B... pour la SAS CEGID ;

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) TDA International, qui exerce une activité d'édition de logiciels applicatifs, a fait l'objet, du 29 juillet au 9 décembre 2014, d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos les 31 décembre 2011, 2012 et 2013. A l'issue des opérations de contrôle, l'administration a procédé à des rappels de retenue à la source à raison de sommes versées, au cours de ces exercices, par les sociétés BSC et CEGID Tunisie en rémunération de prestations de développement informatique. La SAS CEGID, venant aux droits de la SAS TDA International relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2011, 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

2. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale.

Sur l'application de la loi fiscale :

3. Aux termes de l'article 182 B du code général des impôts : " I. - Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente : / (...) / c. Les sommes payées en rémunération des prestations de toute nature fournies ou utilisées en France. ".

4. Il résulte de ces dispositions que sont soumises à retenue à la source les sommes payées par une société qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés qui n'y disposent pas d'une installation professionnelle permanente en rémunération de prestations qui sont soit matériellement fournies en France, soit, bien que matériellement fournies à l'étranger, effectivement utilisées par le débiteur pour les besoins de son activité en France.

5. Il est constant que les cotisations litigieuses de retenue à la source ont été établies à raison de sommes payées par la SAS TDA International, qui exerce son activité en France, aux sociétés BSC et CEGID Tunisie, qui n'y dispose d'aucune installation professionnelle permanente, en rémunération de prestations de services effectivement utilisées en France. C'est dès lors à bon droit que l'administration a assujetti la SAS TDA International à ces cotisations sur le fondement des dispositions précitées de l'article 182 B du code général des impôts.

Sur l'application de la convention fiscale franco-tunisienne :

6. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la convention susvisée entre la France et la Tunisie tendant à éliminer les doubles impositions et à établir des règles d'assistance mutuelle administrative en matière fiscale : " 1. La présente Convention s'applique aux personnes qui sont résidents d'un Etat contractant ou de chacun des deux Etats. (...) ". L'article 3 de cette convention stipule : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère analogue. / (...) ". Aux termes de l'article 9 de la même convention : " (...) / 3. Les impôts actuels auxquels s'applique la convention sont : / (...) / b) En ce qui concerne la Tunisie : - l'impôt de la patente / (...). 4. La Convention s'appliquera aussi aux impôts futurs de nature identique ou analogue qui s'ajouteraient aux impôts actuels ou qui les remplaceraient. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 11 de ladite convention : " 1. Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. (...) ".

7. Les stipulations de l'article 3 de la convention fiscale entre la France et la Tunisie précitées doivent être interprétées conformément au sens ordinaire à attribuer à leurs termes, dans leur contexte et à la lumière de leur objet et de leur but. Il résulte des termes mêmes de ces stipulations, conformément à leur objet, qui est d'éviter les doubles impositions, que les personnes qui ne sont pas soumises à l'impôt en cause par la loi de l'Etat concerné à raison de leur statut ou de leur activité ne peuvent être regardées comme assujetties au sens de ces stipulations.

8. L'article 10 du code tunisien d'incitations aux investissements relatif au régime totalement exportateur, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que " Sont considérées comme totalement exportatrices les entreprises dont la production est destinée totalement à l'étranger ou celles réalisant des prestations de services à l'étranger ou en Tunisie en vue de leur utilisation à l'étranger. (...) ". L'article 12 de ce même code dispose que : " Les entreprises totalement exportatrices ne sont soumises au titre de leurs activités en Tunisie qu'au paiement des impôts, droits, taxes, prélèvements et contributions suivants : (...) 7/ l'impôt sur les sociétés après déduction de 50 % des bénéfices provenant de l'exportation sous réserve des dispositions de l'article 17 du présent code. Toutefois, et sur présentation d'une demande, lors du dépôt de la déclaration annuelle de l'impôt sur les sociétés, les bénéfices provenant de l'exportation sont déduits en totalité de l'assiette de l'impôt durant les dix premières années à partir de la première opération d'exportation et ce nonobstant les dispositions de l'article 12 de la loi n° 89-114 du 30 décembre 1989 portant promulgation du code de l'impôt sur le revenu des personnes physiques et de l'impôt sur les sociétés. ". Enfin les articles 16 et 17 de ce code disposent que : " Sous réserve des dispositions de l'article 17 du présent code, les entreprises totalement exportatrices peuvent être autorisées à effectuer des ventes ou des prestations de services sur le marché local portant sur une partie de leur propre production dans une limite ne dépassant pas 30 % de leur chiffre d'affaires à l'exportation départ usine réalisé durant l'année civile précédente. (...) " et que " Les revenus et bénéfices provenant des ventes et prestations de services effectuées par ces entreprises sur le marché local sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés selon les dispositions du droit commun ".

9. Il résulte de l'instruction que si les sociétés BSC et CEGID bénéficiaient au titre des exercices en litige, en application des dispositions précitées de la loi fiscale tunisienne, d'une déduction de la totalité de leurs bénéfices provenant de l'exportation de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, durant les dix années suivant la première opération d'exportation, cette déduction, qui revient à exonérer ces bénéfices de l'impôt sur les sociétés, est octroyée, en application des articles 10, 12, 16 et 17 précités du code d'incitations aux investissements, sur présentation d'une demande annuelle et ne porte pas sur la totalité des bénéfices réalisés par la société mais uniquement sur les bénéfices provenant de l'exportation. Dans ces conditions, ces sociétés tunisiennes ne peuvent être regardées comme n'étant pas soumises à l'impôt sur les sociétés en Tunisie à raison de leur activité, alors même qu'elles n'ont pas réalisé de chiffre d'affaires sur le marché local au cours des années d'imposition en litige. Les sociétés BSC et CEGID sont par suite résidentes en Tunisie, au sens de l'article 3 de la convention fiscale entre la France et la Tunisie et les rémunérations en litige ne sont imposables qu'en Tunisie en application de l'article 11 de cette convention, dès lors qu'il est constant que ces sociétés n'exerçaient pas leur activité en France par l'intermédiaire d'un établissement stable.

10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que la SAS CEGID est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires de retenue à la source auxquelles la SAS TDA International a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2011, 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à la SAS CEGID sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1607953 du 31 juillet 2018 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La SAS CEGID, venant aux droits de la SAS TDA International est déchargée des cotisations supplémentaires de retenue à la source auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2011, 2012 et 2013, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 3 : L'Etat versera à la SAS CEGID une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS CEGID et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme A..., présidente,

Mme C..., première conseillère,

Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.

2

N° 18LY03637


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03637
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-01-02-06-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers. Retenues à la source.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-09-29;18ly03637 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award