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29/09/2020 | FRANCE | N°18LY02814

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 29 septembre 2020, 18LY02814


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme G... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler la délibération du 15 avril 2015 portant refonte du régime indemnitaire pour les agents de la commune de la Motte-Saint-Martin ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 avril 2015 par lequel le maire de la commune lui a attribué le niveau 1 de responsabilité ;

3°) d'enjoindre à la commune de rétablir le régime indemnitaire en application des délibérations et arrêtés individuels antérieurs à la délibération d

u 15 avril 2015 ;

4°) d'enjoindre à la commune de procéder à la reconstitution de ses traitements dep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme G... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler la délibération du 15 avril 2015 portant refonte du régime indemnitaire pour les agents de la commune de la Motte-Saint-Martin ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 avril 2015 par lequel le maire de la commune lui a attribué le niveau 1 de responsabilité ;

3°) d'enjoindre à la commune de rétablir le régime indemnitaire en application des délibérations et arrêtés individuels antérieurs à la délibération du 15 avril 2015 ;

4°) d'enjoindre à la commune de procéder à la reconstitution de ses traitements depuis le 16 avril 2015.

Par un jugement n° 1504053 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la délibération du 15 avril 2015 et l'arrêté du 16 avril 2015. Il a également enjoint à la commune de la Motte-Saint-Martin de réexaminer l'attribution de prime à Mme C... à compter du 16 avril 2015.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 juillet 2018 et 4 décembre 2019, la commune de la Motte-Saint-Martin, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 juin 2018 ;

2°) de rejeter la demande de Mme C... présentée devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de Mme C... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- il a omis de répondre à son moyen en défense tiré du fait que l'illégalité du nouveau dispositif indemnitaire ne pouvait emporter l'annulation automatique de l'article 1er de la délibération en litige qui acte de l'abrogation du régime antérieur ;

- le système indemnitaire mis en place ne méconnaît pas le principe de parité ;

- l'attribution individuelle de l'indemnité ne revêt aucun caractère d'automaticité mais suppose nécessairement un examen individuel de la situation de chaque agent.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2019, Mme C... représentée par Me B... conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'il soit enjoint à la commune de rétablir le régime indemnitaire en application des délibérations et arrêtés individuels antérieurs à la délibération du 15 avril 2015 ;

3°) à ce qu'il soit enjoint à la commune de procéder à la reconstitution de ses traitements depuis le 16 avril 2015 ;

4°) et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de commune de la Motte-Saint-Martin sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens présentés par la collectivité requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 91-875 du 6 septembre 1991 pris pour l'application du premier alinéa de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 97-1223 du 26 décembre 1997 portant création d'une indemnité d'exercice de missions des préfectures ;

- le décret n° 2002-61 du 14 janvier 2002 relatif à l'indemnité d'administration et de technicité ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Fédi, président-assesseur,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me F... représentant la commune de la Motte-Saint-Martin ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 15 avril 2015, le conseil municipal de la commune de la Motte-Saint-Martin a procédé à la refonte du régime indemnitaire des agents qu'elle emploie. Mme C..., adjoint administratif de 2ème classe, qui exerçait des fonctions de secrétaire de mairie de la commune de la Motte-Saint-Martin depuis le 15 avril 2010, a demandé au tribunal administratif l'annulation de cette délibération et de l'arrêté du 16 avril 2015 par lequel le maire de la commune lui a attribué le niveau 1 de responsabilité. La commune de la Motte-Saint-Martin relève appel du jugement qui a annulé la délibération du 15 avril 2015 et l'arrêté du 16 avril 2015. Mme C... demande, par la voie de l'appel incident, d'une part, à ce qu'il soit enjoint à la commune de rétablir le régime indemnitaire issu des délibérations et arrêtés individuels antérieurs à la délibération du 15 avril 2015 et, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à la commune de procéder à la reconstitution de ses traitements depuis le 16 avril 2015.

Sur la régularité du jugement :

2. Alors que la commune avait, en première instance, fait valoir que ne pouvait être prononcée l'annulation de l'article 1er de la délibération contestée du 15 avril 2015, lequel procède à l'abrogation de l'ancien régime indemnitaire mis en place, les premiers juges n'ont pas répondu à ce moyen de défense. Par suite, ils ont entaché leur jugement d'une omission à statuer. Il y a donc lieu d'annuler ce jugement et de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande présentée par Mme C....

Sur la légalité de la délibération du 15 avril 2015 :

3. Aux termes du premier alinéa de l'article 88 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 : " L'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale ou le conseil d'administration d'un établissement public local fixe les régimes indemnitaires dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l'Etat (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 6 septembre 1991 pris pour son application : " Le régime indemnitaire fixé par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et les conseils d'administration des établissements publics locaux pour les différentes catégories de fonctionnaires territoriaux ne doit pas être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes. Le tableau joint en annexe établit les équivalences avec la fonction publique de l'Etat des différents grades des cadres d'emplois de la fonction publique territoriale dans le domaine de l'administration générale et dans le domaine technique (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " L'assemblée délibérante de la collectivité ou le conseil d'administration de l'établissement fixe, dans les limites prévues à l'article 1er, la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités applicables aux fonctionnaires de ces collectivités ou établissements. (...) / L'autorité investie du pouvoir de nomination détermine, dans cette limite, le taux individuel applicable à chaque fonctionnaire ".

4. Il résulte des dispositions de l'article 88 de la loi du 26 janvier 1984 et de l'article 1er du décret du 6 septembre 1991 qu'il revient à l'assemblée délibérante de chaque collectivité territoriale ou de chaque établissement public en relevant de fixer elle-même la nature, les conditions d'attribution et le taux moyen des indemnités bénéficiant aux fonctionnaires de la collectivité ou de l'établissement public, sans que le régime ainsi institué puisse être plus favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat d'un grade et d'un corps équivalents au grade et au cadre d'emplois de ces fonctionnaires territoriaux et sans que la collectivité ou l'établissement soit tenu de faire bénéficier ses fonctionnaires de régimes indemnitaires identiques à ceux des fonctionnaires de l'Etat. Il lui est notamment loisible de fixer pour ses agents un régime indemnitaire moins favorable que celui dont bénéficient les fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions équivalentes.

5. Il ressort des termes de la délibération adoptée le 15 avril 2015 par le conseil municipal de la commune de la Motte-Saint-Martin que ce dernier a fixé comme objectif de verser un régime indemnitaire à l'ensemble des agents communaux prenant en compte d'une part, les responsabilités liées aux postes occupés indépendamment des grades et de la situation statutaire des agents et, d'autre part, de leur manière de servir. Il est mentionné à l'article 2 que l'indemnité d'administration et de technicité (IAT) prévue par le décret n° 2002-61 du 14 janvier 2002 et l'indemnité d'exercice et de missions de préfecture (IEMP) prévue par le décret n° 97-1223 du 26 décembre 1997, sont " utilisées pour construire le nouveau régime indemnitaire ". L'article 4 de la délibération litigieuse prévoit quatre niveaux de responsabilité comprenant chacun deux critères.

6. Le principe de parité implique seulement que les collectivités territoriales ne peuvent faire bénéficier leurs agents de rémunérations supérieures à celles des fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions similaires. Il n'est énoncé que par référence aux fonctions et non aux grades et emplois. Il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment des calculs produits par la commune et non contestés par Mme C..., que le régime indemnitaire institué par la commune pour les adjoints administratifs, adjoints techniques et Atsem est plus favorable que celui dont bénéficient des fonctionnaires de l'Etat exerçant des fonctions similaires. Mme C... fait d'ailleurs valoir que l'ancien régime indemnitaire lui était plus favorable. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance du principe de parité doit être écarté.

7. Si la délibération fait bien référence à l'IAT et à l'IEMP, avec comme cadres d'emplois bénéficiaires les adjoints techniques, les adjoints administratifs et les ATSEM, il ressort des termes mêmes de la délibération litigieuse que la définition des niveaux de responsabilité prévue à l'article 4 et le montant et la composition du régime indemnitaire prévue à l'article 5 se font indépendamment des grades et de la situation statutaire des agents, alors que l'IAT et l'IEMP ont été instituées pour des cadres d'emplois distincts et avec des montants différenciés selon les grades. L'attribution de la nouvelle prime étant décidée sans aucune prise en compte des cadres d'emplois et des grades, mais selon la seule détermination d'une part, des niveaux de responsabilité des agents, librement fixés par la commune, alors même qu'aucun texte législatif ou règlementaire ne le prévoit, et, d'autre part, de leur manière de servir, la délibération en litige, laquelle institue une prime unique à tous les agents communaux, méconnaît le principe d'égalité de traitement des agents appartenant à un même cadre d'emplois. Dans ces conditions, Mme C... est fondée à soutenir, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la délibération du 15 avril 2015, qui institue un nouveau régime indemnitaire, est entachée d'illégalité et doit être annulée. Par voie de conséquence, l'article 1er qui prévoit que " les délibérations antérieures concernant les primes IAT et IEMP sont abrogées " doit être également annulé, ainsi que l'arrêté individuel du 16 avril 2015, pris en application de la délibération, qui se trouve privé de base légale.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Eu égard aux motifs d'annulation, le présent jugement implique nécessairement que la commune de la Motte-Saint-Martin se prononce sur l'attribution de primes à Mme C... à compter du 16 avril 2015, sur la base de la délibération antérieurement applicable.

Sur les frais du litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de la Motte-Saint-Martin demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune de la Motte-Saint-Martin une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1504053 du 7 juin 2018 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La délibération du 15 avril 2015 et l'arrêté du 16 avril 2015 sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint à la commune de la Motte-Saint-Martin de réexaminer l'attribution de primes à Mme C... à compter du 16 avril 2015.

Article 4 : La commune de la Motte-Saint-Martin versera à Mme C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de la Motte-Saint-Martin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de la Motte-Saint-Martin et à Mme G... C....

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020, à laquelle siégeaient :

Mme E... A..., présidente de chambre,

M. Gilles Fédi, président-assesseur,

M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Lu en audience publique le 29 septembre 2020.

2

N° 18LY02814


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02814
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-03 Fonctionnaires et agents publics. Rémunération. Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Gilles FEDI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CDMF-AVOCATS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-09-29;18ly02814 ?
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