Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 4 mai 2015 par lequel le maire de la commune de Chalancon a fait opposition à sa déclaration préalable de travaux et la décision implicite rejetant son recours gracieux du 24 juin 2015 contre cet arrêté.
Par un jugement n° 1600885 du 29 mars 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 29 mai 2018 et le 14 juin 2019, Mme E..., représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 mars 2018, l'arrêté du 4 mai 2015 ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux ;
2°) d'enjoindre au maire de " lever l'opposition " aux travaux dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 550 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté est entaché d'erreur matérielle et d'erreur d'appréciation ; le projet relève de la déclaration de travaux ; c'est à tort que le bâtiment où sont projetés les travaux a été qualifié " d'abri agricole " ; ce bâtiment n'a pas changé de destination, malgré l'usage et les détériorations qu'il a subis ; il a été conçu comme un gîte rural et bénéficie à ce titre d'ouvertures, de toilettes, d'une cheminée, il est relié aux réseaux d'électricité et est imposé au titre de la taxe d'habitation.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 avril 2019, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte intégralement aux écritures du préfet de la Drôme produites en première instance.
La clôture de l'instruction a été fixée au 2 juillet 2019 par une ordonnance du même jour en application des dispositions des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme G... D..., première conseillère,
- et les conclusions de Jean-Simon Laval, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... relève appel du jugement du 29 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre l'arrêté du 4 mai 2015 par lequel le maire de Chalancon, statuant au nom de l'Etat, s'est opposé à la déclaration préalable de travaux qu'elle avait déposée le 16 avril 2015 ainsi que la décision rejetant son recours gracieux contre cet arrêté.
2. Pour s'opposer aux travaux envisagés par Mme E..., le maire de Chalancon, statuant au nom de l'Etat, s'est fondé sur la circonstance que le projet, se traduisant par la rénovation " d'un abri agricole isolé " non nécessaire à une exploitation agricole, constitue un changement de destination qui relève du permis de construire en application de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme. Il s'est par ailleurs fondé sur la circonstance que le terrain n'est pas desservi par les réseaux d'eau potable et d'électricité et que la collectivité n'était pas en mesure d'indiquer quand les travaux nécessaires à la desserte du projet seraient réalisés.
3. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a jugé qu'était fondé le motif tiré de ce que les travaux envisagés par la requérante, qui traduisaient un changement de destination, relevaient de la législation des permis de construire. Il a rejeté les conclusions à fin d'annulation de Mme E... après avoir estimé que, le maire étant en situation de compétence liée pour s'opposer aux travaux, les autres moyens soulevés par Mme E... étaient inopérants.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article R. 421-14 alors applicable du code de l'urbanisme : " Sont soumis à permis de construire les travaux suivants, exécutés sur des constructions existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires : / c) Les travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment, lorsque ces travaux s'accompagnent d'un changement de destination entre les différentes destinations définies à l'article R. 123-9 ; ". Aux termes de l'article R. 123-9 alors en vigueur du même code : " (...) Les règles édictées dans le présent article peuvent être différentes, dans une même zone, selon que les constructions sont destinées à l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction d'entrepôt. ".
5. Si l'usage d'une construction résulte en principe de la destination figurant à son permis de construire, lorsqu'une construction, en raison de son ancienneté, a été édifiée sans permis de construire et que son usage initial a depuis longtemps cessé en raison de son abandon, l'administration, saisie d'une demande d'autorisation de construire, ne peut légalement fonder sa décision sur l'usage initial de la construction. Il lui incombe d'examiner si, compte tenu de l'usage qu'impliquent les travaux pour lesquels une autorisation est demandée, celle-ci peut être légalement accordée sur le fondement des règles d'urbanisme applicables.
6. Selon la déclaration de travaux de Mme E..., le projet vise à remplacer les ouvertures et de procéder à l'isolation des murs d'un bâtiment constitué de parpaings et d'un toit en fibrociment, situé sur la parcelle cadastrée section A n° 338, aux fins d'en faire une construction à usage d'habitation.
7. Si Mme E... fait valoir pour contester le motif tiré du changement de destination, qu'elle est assujettie à la taxe d'habitation pour ce bien, il ressort toutefois des pièces du dossier que le bâtiment, construit en 1961 par son père et utilisé depuis de nombreuses années comme bergerie par un exploitant voisin, est en état de déshérence et d'abandon. En outre, aucune pièce du dossier ne permet de déterminer la destination du bâtiment lors de sa construction. Dans ces conditions, le maire de Chalancon ne pouvait se fonder sur le motif tiré de ce que les travaux projetés emportaient un changement de destination pour s'opposer aux travaux. C'est par suite à tort que les premiers juges ont estimé que, pour ce seul motif, le maire était tenu de s'opposer à ces travaux et ont écarté les autres moyens de la requérante comme inopérants.
8. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E... devant le tribunal administratif et la cour.
Sur les autres moyens de Mme E... :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. ". Eu égard à ce qui a été rappelé au point 2, l'arrêté en litige comporte les considérations de fait et de droit qui le fonde et est suffisamment motivé.
10. En deuxième lieu, suivant l'article L. 422-8 du code de l'urbanisme, le maire peut disposer gratuitement des services déconcentrés de l'Etat pour l'étude technique des déclarations préalables qui lui paraissent justifier l'assistance technique de ces services lorsque la commune comprend moins de 10 000 habitants ou lorsque l'établissement public de coopération intercommunale compétent groupe des communes dont la population totale est inférieure à 20 000 habitants. Contrairement à ce que soutient Mme E..., le maire de la commune de Chalancon, commune de 44 habitants et relevant de la communauté de communes du Diois présentant une population totale inférieure à 20 000 habitants, pouvait requérir les services de l'Etat pour l'instruction de la déclaration de travaux en litige.
11. En troisième lieu, Mme E... ne peut utilement se prévaloir de son statut d'exploitant agricole ou de l'intérêt pour le dynamisme de la commune que représente son installation sur le territoire pour soutenir que l'autorisation aurait dû lui être accordée sur le fondement de l'article L. 111-1-2 4° du code de l'urbanisme.
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme dans sa version alors en vigueur : " Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. Lorsqu'un projet fait l'objet d'une déclaration préalable, l'autorité compétente doit s'opposer à sa réalisation lorsque les conditions mentionnées au premier alinéa ne sont pas réunies. ".
13. Alors même que la construction comporterait des fils d'électriques, il ressort des pièces du dossier, notamment d'un courriel d'avril 2015 émanant de l'exploitant des réseaux d'électricité sur la commune et confirmant l'absence de desserte au droit de la parcelle, que le terrain d'assiette des travaux projetés n'est pas relié au réseau d'électricité. Or, le maire pouvait en se fondant sur ce seul motif et sans qu'y fasse obstacle la circonstance, à la supposer établie, que la requérante dispose d'une source d'eau potable en site propre, s'opposer aux travaux litigieux.
14. En cinquième lieu, Mme E... soutient que la maire en sa qualité d'ex-épouse d'un exploitant voisin avec qui elle a de multiples contentieux, avait un intérêt personnel pour s'opposer aux travaux. Toutefois et ainsi qu'il a été dit au point 13, l'opposition aux travaux litigieuse n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation pour l'application des dispositions précitées au point 12. Dès lors, le moyen, qui n'est pas fondé, doit être écarté, de même que celui tiré du détournement de pouvoir, pour les mêmes motifs.
15. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par voie de conséquence être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... E... et au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Copie en sera adressée à la commune de Chalancon.
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2020 à laquelle siégeaient :
M. Thierry Besse, président ;
Mme G... D..., première conseillère ;
Mme F... C..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.
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N° 18LY02441
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