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29/09/2020 | FRANCE | N°18LY02008

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 29 septembre 2020, 18LY02008


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'ordonner à la communauté de communes Bièvre Isère de lui verser la somme de 15 300 euros, à parfaire, en réparation du préjudice matériel, et de 8 000 euros au titre du préjudice moral que lui a causé son affectation en région parisienne ;

2°) d'ordonner à la communauté de communes Bièvre Isère de lui verser la somme de 40 000 euros, à parfaire, en réparation du préjudice de carrière et de retraite subi.

Par un

jugement n° 1502345 du 6 avril 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'ordonner à la communauté de communes Bièvre Isère de lui verser la somme de 15 300 euros, à parfaire, en réparation du préjudice matériel, et de 8 000 euros au titre du préjudice moral que lui a causé son affectation en région parisienne ;

2°) d'ordonner à la communauté de communes Bièvre Isère de lui verser la somme de 40 000 euros, à parfaire, en réparation du préjudice de carrière et de retraite subi.

Par un jugement n° 1502345 du 6 avril 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 juin 2018, M. C..., représenté par Me Messerly, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 6 avril 2018 ;

2°) de condamner la communauté de communes Bièvre Isère à lui verser 63 300 euros en réparation des préjudices que lui a causés son défaut de titularisation au 1er septembre 2012 ;

3°) de mettre à la charge de la communauté de communes Bièvre Isère une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la communauté de communes Bièvre Isère a commis une faute en s'abstenant de statuer sur sa situation à l'issue de sa période de stage et de le titulariser ;

- cette faute lui a causé des préjudices matériels qui s'élèvent à 15 300 euros, un préjudice moral qui doit être évalué à 8 000 euros et un préjudice de carrière et de perte de droits à pension d'un montant de 40 000 euros, en lui faisant perdre le bénéfice d'une bonification, laquelle lui aurait permis d'éviter une mutation en région parisienne, et en ne permettant pas la prise en compte des services accomplis antérieurement au titre du régime des retraites de la fonction publique.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 12 avril 2019 et le 15 octobre 2019, la communauté de communes Bièvre Isère, représentée par Me B... (H... avocats Cadoz-Lacroix-Rey-Verne), avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle expose que :

- la requête est irrecevable, dès lors qu'elle soulève un litige distinct de celui de première instance ;

- à titre subsidiaire, les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par deux mémoires enregistrés le 20 mai 2019 et le 31 octobre 2019, M. C... conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens.

Il soutient en outre que sa requête d'appel est recevable dès lors qu'elle ne soulève pas de litige distinct de celui de première instance.

Un mémoire a été produit le 14 novembre 2019 par la communauté de communes Bièvre Isère et, dépourvu d'éléments nouveaux, n'a pas été communiqué.

Par ordonnance du 5 novembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 20 novembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 ;

- le décret n° 2010-329 du 22 mars 2010 ;

- le décret n° 2011-605 du 30 mai 2011 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... F..., première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me Messerly, avocat, représentant M. C..., et de Me Creveaux (SELARL Itinéraires Droit Public), avocat, représentant la communauté de communes de Bièvre Isère ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a été recruté en qualité d'éducateur territorial des activités physiques et sportives stagiaire par la communauté de communes Bièvre Isère, avant de rejoindre la fonction publique d'Etat comme professeur stagiaire d'éducation physique et sportive, à compter du 1er septembre 2012. Par un jugement du 28 mars 2014, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 5 juillet 2016, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du président de la communauté de communes Bièvre Isère du 20 août 2012 ayant refusé de reconnaître son recrutement comme stagiaire à compter du 1er septembre 2011 et celle du 26 septembre 2012 le radiant des cadres de la fonction publique territoriale. M. C... relève appel du jugement du 6 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à ce que la communauté de communes Bièvre Isère soit condamnée à lui verser une indemnisation en réparation des préjudices que lui auraient causés l'illégalité de ces décisions et son absence de titularisation au sein de la fonction publique territoriale.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article 12 du décret du 30 mai 2011 susvisé portant statut particulier du cadre d'emplois des éducateurs territoriaux des activités physiques et sportives : " I. _ Les candidats inscrits sur la liste d'aptitude prévue aux articles 6 et 10 et recrutés sur un emploi d'une des collectivités ou établissements publics mentionnés à l'article 2 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée sont respectivement nommés éducateur territorial des activités physiques et sportives stagiaire et éducateur territorial des activités physiques et sportives principal de 2e classe stagiaire selon les modalités définies à l'article 10 du décret du 22 mars 2010 susvisé. (...) II. _ Le classement et la titularisation des candidats interviennent selon les modalités définies respectivement au chapitre III et à l'article 12 du décret du 22 mars 2010 susvisé ". Selon l'article 10 du décret du 22 mars 2010 portant dispositions statutaires communes à divers cadres d'emplois de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique territoriale dans sa rédaction alors applicable : " Les candidats inscrits sur les listes d'aptitude prévues aux 1° des articles 4 et 6 et recrutés sur un emploi d'une des collectivités territoriales ou établissements publics mentionnés à l'article 2 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée sont nommés stagiaires pour une durée d'un an dans les conditions prévues par le décret du 4 novembre 1992 susvisé. (...) ". L'article 12 de ce même décret prévoit que : " I. _ La titularisation des stagiaires intervient, par décision de l'autorité territoriale, à l'issue du stage mentionné aux articles 10 et 11 (...). II. _ Lorsque la titularisation n'est pas prononcée, le stagiaire est soit licencié, s'il n'avait pas auparavant la qualité de fonctionnaire, soit réintégré dans son cadre d'emplois, corps ou emploi d'origine. III. _ Toutefois, l'autorité territoriale peut, à titre exceptionnel, décider que la période de stage est prolongée d'une durée maximale de neuf mois pour les stagiaires mentionnés à l'article 10 (...) ". L'article 5 du décret du 4 novembre 1992 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale prévoit que : " Le fonctionnaire territorial stagiaire peut être licencié pour insuffisance professionnelle lorsqu'il est en stage depuis un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 12 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le grade est distinct de l'emploi. (...) Toute nomination ou toute promotion dans un grade qui n'intervient pas exclusivement en vue de pourvoir à un emploi vacant et de permettre à son bénéficiaire d'exercer les fonctions correspondantes est nulle (...) ".

4. Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire. Pour apprécier la légalité d'une décision de refus de titularisation, il incombe au juge de vérifier qu'elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, qu'elle n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, qu'elle ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir et que, si elle est fondée sur des motifs qui caractérisent une insuffisance professionnelle mais aussi des fautes disciplinaires, l'intéressé a été mis à même de faire valoir ses observations.

5. Il résulte de l'instruction que M. C... a été recruté en qualité d'éducateur territorial des activités physiques et sportives stagiaire par la communauté de communes Bièvre Isère, avant de rejoindre la fonction publique d'Etat comme professeur stagiaire d'éducation physique et sportive, à compter du 1er septembre 2012. Par un jugement du 28 mars 2014, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 5 juillet 2016, le tribunal administratif de Grenoble a notamment annulé la décision du président de la communauté de communes Bièvre Isère du 20 août 2012 ayant refusé de reconnaître son recrutement comme stagiaire à compter du 1er septembre 2011. Il résulte de ces décisions juridictionnelles devenues définitives que M. C... avait ainsi débuté le stage d'un an, obligatoire en application des dispositions précitées, le 1er septembre 2011. Si ce stage était dès lors parvenu à échéance le 31 août 2012, M. C... a conservé sa qualité de stagiaire, en l'absence de décision de titularisation, jusqu'à la date à laquelle il a été mis fin à ses fonctions, par sa radiation des cadres de la fonction publique territoriale par décision du 26 septembre 2012.

6. En prononçant cette radiation, le président de la communauté de communes doit être regardé comme ayant implicitement mais nécessairement refusé de titulariser l'intéressé. La communauté de communes Bièvre Isère n'invoque aucune circonstance tendant à caractériser une insuffisance professionnelle de l'intéressé, ou des fautes disciplinaires susceptibles de justifier ce refus de titularisation. Il résulte au contraire de l'instruction que sa première évaluation, intervenue le 25 novembre 2011, s'est avérée tout à fait satisfaisante et qu'aucun reproche n'a été formulé à son égard jusqu'à la fin de son stage. En outre, si M. C... avait fait part de son intention de ne plus occuper son emploi postérieurement à sa nomination dans la fonction publique d'Etat comme professeur stagiaire d'éducation physique et sportive, le principe d'interdiction des nominations pour ordre, énoncé par l'article 12 précédemment rappelé de la loi du 13 juillet 1983, qui ne s'applique qu'aux nominations des agents dans un emploi et à leur promotion dans un grade, ne faisait pas obstacle à la titularisation d'un agent tel que M. C..., déjà nommé dans un emploi et l'ayant effectivement occupé jusqu'alors. Enfin la circonstance, invoquée pour justifier sa radiation des cadres de la fonction publique territoriale, qu'il aurait abandonné son poste, laquelle a, au demeurant, été considérée comme non établie par le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 mars 2014 et l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 5 juillet 2016, est postérieure au terme de son stage et ne pouvait justifier le refus de le titulariser. Ainsi, le refus de titularisation de l'intéressé doit être regardé comme fautif.

7. Toutefois, si M. C... soutient que ce refus de titularisation l'a privé du bénéfice d'une bonification de 1 000 points à faire valoir lors du mouvement de mutation des professeurs d'éducation physique et sportive et ainsi d'une affectation, dès la rentrée 2013, dans l'académie de Grenoble, il résulte de la note de service publiée au bulletin officiel spécial n° 8 du 8 novembre 2012 relative aux mutations 2013 qu'il produit, que cette bonification est accordée aux " stagiaires précédemment titulaires d'un corps autre que ceux des personnels enseignants, d'éducation et d'orientation " " pour l'académie correspondant à l'ancienne affectation avant réussite au concours ". Le stage effectué par M. C... au sein de la communauté de communes Bièvre Isère devant normalement prendre fin le 31 août 2012, sa titularisation ne pouvait prendre effet avant le 1er septembre 2012, date à laquelle il a été nommé en qualité de professeur stagiaire. Par suite, il n'était pas titulaire de la fonction publique territoriale antérieurement au commencement de son stage dans la fonction publique d'Etat. Dès lors, il ne pouvait revendiquer le bénéfice de cette bonification sur le fondement de cette note de service, sans que puisse être utilement invoqué l'arrêté du 3 juillet 2017 l'affectant dans l'académie de Grenoble à compter du 1er septembre 2017 dépourvu de toute précision à cet égard.

8. Par ailleurs, M. C... soutient que ce refus de titularisation l'a privé du droit à faire valider, au titre de ses droits à pension, sept années de service effectuées entre 2002 et 2009 dans la fonction publique territoriale, dès lors que cette validation n'a été ouverte qu'aux agents titularisés avant le 1er janvier 2013. Toutefois, outre que seule une perte de chance de pouvoir bénéficier de ce dispositif ne pourrait être retenue, compte tenu des conditions et du délai de dépôt de la demande auxquels ce dispositif était subordonné, M. C... n'évoque ni les retenues sur traitement auxquelles ce dispositif donnait lieu, ni le montant de la retraite de base et de la retraite complémentaire auxquels les années de service ainsi effectuées donnent droit en application du régime général, en l'absence même de validation. Dans ces conditions, il ne démontre pas qu'il aurait tiré bénéfice de la mise en oeuvre de ce dispositif de validation, ni, par suite, le caractère certain du préjudice qu'il invoque.

9. Enfin, les deux chefs de préjudice ainsi invoqués étant liés à la date à laquelle M. C... était en droit d'être titularisé dans la fonction publique territoriale, et plus particulièrement par la communauté de communes Bièvre Isère, ils ne présentent pas de lien direct avec l'illégalité des décisions du président de la communauté de communes Bièvre Isère du 20 août 2012 ayant refusé de reconnaître son recrutement comme stagiaire à compter du 1er septembre 2011 et du 26 septembre 2012 le radiant des cadres de la fonction publique territoriale.

10. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes Bièvre Isère, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. C.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... le paiement des frais exposés par la communauté de communes Bièvre Isère au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la communauté de communes Bièvre Isère tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... C... et à la communauté de communes Bièvre Isère.

Délibéré après l'audience du 1er septembre 2020, à laquelle siégeaient :

Mme E... A..., présidente de chambre,

M. Pierre Thierry, premier conseiller,

Mme D... F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.

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N° 18LY02008


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02008
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Entrée en service - Nominations - Titularisation.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL ITINERAIRES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-09-29;18ly02008 ?
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