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25/08/2020 | FRANCE | N°19LY03239

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 25 août 2020, 19LY03239


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Vert Epsilon et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 5 avril 2018 par laquelle le conseil municipal de Neuvecelle a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune, ensemble la décision du 27 juillet 2018 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1806010 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 août 2019 et un m

moire complémentaire enregistré le 15 mars 2020, qui n'a pas été communiqué, la SARL Vert E...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Vert Epsilon et M. C... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 5 avril 2018 par laquelle le conseil municipal de Neuvecelle a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune, ensemble la décision du 27 juillet 2018 rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1806010 du 20 juin 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 19 août 2019 et un mémoire complémentaire enregistré le 15 mars 2020, qui n'a pas été communiqué, la SARL Vert Epsilon et M. C... B..., représentés par la SELARL CDMF Avocats Affaires Publiques, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 juin 2019 ;

2°) d'annuler cette délibération du 5 avril 2018, et la décision rejetant leur recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Neuvecelle la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est entaché d'irrégularité, en ce qu'il s'est fondé sur des pièces non soumises au débat contradictoire ;

- les modifications apportées au projet après enquête publique ont eu pour effet de porter atteinte à l'économie générale du projet, de sorte qu'une nouvelle enquête était nécessaire ;

- le classement en zone UEc des parcelles AS 403 et 404, le classement du hameau de Valère et du secteur du Flon en zone UC ne procèdent pas de l'enquête publique ;

- le rapport de présentation est insuffisant, s'agissant de l'explicitation des choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables (PADD), le règlement et les orientations d'aménagement et de programmation ; l'étude de la consommation foncière au cours des dernières années est insuffisante ; le rapport de présentation ne définit pas suffisamment les objectifs chiffrés de modération de consommation des espaces ; le rapport de présentation ne contient aucun élément quant aux capacités de stationnement des véhicules et vélos ;

- l'insuffisance du rapport de présentation soumis à enquête publique a été de nature à entacher d'illégalité l'enquête publique ;

- le classement en zone 2AU des parcelles cadastrées AH 127 et 128 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; il est incohérent avec les orientations fixées par le PADD, et est incompatible avec l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) n° 2 ;

- le classement de ces parcelles est entaché d'un détournement de pouvoir et de procédure.

Par un mémoire enregistré le 14 janvier 2020, la commune de Neuvecelle, représentée par Me H..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

La clôture d'instruction a été fixée au 29 juin 2020, par une ordonnance en date du 3 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- et les observations de Me D... substituant Me A... pour la SARL Vert Epsilon et M. C... B... ainsi que celles de Me H... pour la commune de Neuvecelle ;

Considérant ce qui suit :

1. Par délibération du 5 avril 2018, le conseil municipal de Neuvecelle a approuvé la révision générale du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune. La SARL Vert Epsilon et M. B... relèvent appel du jugement du 20 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette délibération.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges, qui se sont bornés à faire état des objectifs définis par les délibérations des 23 février et 30 avril 2015 prescrivant l'adoption du PLU tels qu'ils ont été rappelés par la délibération litigieuse adoptant le PLU, se seraient fondés sur des pièces non produites au dossier, en méconnaissance du principe du contradictoire. Par ailleurs, si les requérants font valoir que les premiers juges ont écarté à tort le moyen tiré de la nécessité d'organiser une nouvelle enquête publique au regard des modifications apportées au projet de PLU en se fondant sur les objectifs initialement définis, un tel moyen se rattache au bien-fondé de la décision juridictionnelle et non à sa régularité.

Sur la légalité de la délibération du 5 avril 2018 :

3. En premier lieu, selon l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme, à l'issue de l'enquête, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire enquêteur, est approuvé par le conseil municipal. Il est loisible à l'autorité administrative compétente de modifier le plan local d'urbanisme après l'enquête publique, sous réserve, d'une part, que ne soit pas remise en cause l'économie générale du projet et, d'autre part, que cette modification procède de l'enquête publique, ces deux conditions découlant de la finalité même de la procédure de mise à l'enquête publique.

4. Si les requérants font état des nombreuses modifications apportées au projet de PLU, il ressort des pièces du dossier que celles-ci ont porté le plus souvent sur des ajustements ou des ajouts limités au règlement et au rapport de présentation. S'agissant du zonage, les quelques modifications ont porté sur un faible nombre de parcelles, les surfaces devant être urbanisées ayant augmenté d'un hectare, soit une superficie très faible par rapport à la taille et aux caractéristiques de la commune. Si les requérants font valoir que le projet adopté prévoit de retarder l'urbanisation du secteur de Milly, qui avait été identifié par le PADD comme un des trois secteurs porteurs d'aménagement à dynamiser, il ressort des pièces du dossier qu'il ne s'agit que d'un décalage de deux années de l'ouverture à l'urbanisation de ce secteur. De même, si l'OAP n° 6 a été supprimée, celle-ci ne portait que sur un terrain d'une superficie de 3,4 hectares, où n'était envisagée que la construction de sept logements. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que, par leur nature ou leur ampleur, eu égard à leurs effets propres ou combinés, les modifications apportées au projet de PLU en aient modifié l'économie générale. Par suite, le moyen tiré de ce qu'une nouvelle enquête publique était requise pour ce motif doit être écarté.

5. Procèdent de l'enquête publique les modifications faisant suite à des observations des personnes publiques associées ou du public, alors même qu'elles n'ont pas été proposées par le commissaire enquêteur. Par suite, les requérants ne sauraient utilement faire valoir que des observations non reprises par le commissaire enquêteur ont été faites au projet de PLU. Il ressort des pièces du dossier que, malgré des observations faites en cours d'enquête publique, le zonage du secteur de Valère n'a pas été modifié. Par ailleurs, la suppression de l'OAP n° 6 et le classement des parcelles concernées en zone U procèdent d'observations formulées en cours d'enquête publique et notamment, sur ce dernier point, par leur propriétaire. Enfin, la modification de zonage des parcelles du secteur du Flon, pour lesquelles un permis d'aménager avait été délivré, peut être regardée comme procédant des observations de l'Etat, qui avait suggéré d'organiser l'aménagement du secteur en y instituant une orientation d'aménagement et de programmation.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme : " Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement./ Il s'appuie sur un diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques et des besoins répertoriés en matière de développement économique, de surfaces et de développement agricoles, de développement forestier, d'aménagement de l'espace, d'environnement, notamment en matière de biodiversité, d'équilibre social de l'habitat, de transports, de commerce, d'équipements et de services./ Il analyse la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers au cours des dix années précédant l'approbation du plan ou depuis la dernière révision du document d'urbanisme et la capacité de densification et de mutation de l'ensemble des espaces bâtis, en tenant compte des formes urbaines et architecturales. Il expose les dispositions qui favorisent la densification de ces espaces ainsi que la limitation de la consommation des espaces naturels, agricoles ou forestiers. Il justifie les objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain compris dans le projet d'aménagement et de développement durables au regard des objectifs de consommation de l'espace fixés, le cas échéant, par le schéma de cohérence territoriale et au regard des dynamiques économiques et démographiques./ Il établit un inventaire des capacités de stationnement de véhicules motorisés, de véhicules hybrides et électriques et de vélos des parcs ouverts au public et des possibilités de mutualisation de ces capacités. ".

7. Il ressort des pièces du dossier que le rapport de présentation explique de manière détaillée les choix retenus pour établir le PADD, le règlement et les OAP. Il présente la consommation foncière pour les constructions à usage d'habitat entre 2004 et 2016, et procède à une analyse globale de la consommation foncière depuis 1999 selon les secteurs agricoles, urbanisés et naturels. De même, il justifie l'objectif chiffré de consommation d'espace retenu par le PADD, soit un potentiel à urbaniser à échéance du PLU de cinq hectares, au regard notamment de la dynamique démographique de la commune et des objectifs fixés par le schéma de cohérence territoriale, et indique de manière détaillée les modalités de mise en oeuvre de cet objectif. Enfin, et contrairement à ce que soutiennent les requérants, il présente les capacités de stationnement publique et privée sur la commune. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance du rapport de présentation doit être écarté.

8. En troisième lieu, les requérants font valoir que le rapport de présentation arrêté par le conseil municipal de Neuvecelle et soumis à enquête publique, qui a été complété sur de nombreux points suite aux observations des personnes publiques associées, était insuffisamment détaillé. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces insuffisances aient pu être de nature à fausser l'appréciation du public ni à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 151-20 du code de l'urbanisme : " Les zones à urbaniser sont dites " zones AU ". Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs destinés à être ouverts à l'urbanisation./ Lorsque les voies ouvertes au public et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone et que des orientations d'aménagement et de programmation et, le cas échéant, le règlement en ont défini les conditions d'aménagement et d'équipement, les constructions y sont autorisées soit lors de la réalisation d'une opération d'aménagement d'ensemble, soit au fur et à mesure de la réalisation des équipements internes à la zone prévus par les orientations d'aménagement et de programmation et, le cas échéant, le règlement./ Lorsque les voies ouvertes au public et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU n'ont pas une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone, son ouverture à l'urbanisation est subordonnée à une modification ou à une révision du plan local d'urbanisme comportant notamment les orientations d'aménagement et de programmation de la zone. ".

10. La cohérence exigée au sein du PLU entre le règlement et le PADD, qui s'apprécie à l'échelle du territoire couvert par le plan, impose que le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le PADD, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du PLU à une orientation ou un objectif du PADD ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

11. Il appartient par ailleurs aux auteurs d'un PLU de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par ce PLU, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

12. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées AH 127 et 128, d'une vaste superficie et non bâties, ont été classées en zone 2AUc, soit une zone devant être ouverte à l'urbanisation à l'échéance du schéma de cohérence territoriale. Si le secteur est équipé, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'OAP n° 2 couvrant le secteur, que les auteurs du PLU ont entendu reporter l'ouverture à l'urbanisation de cette zone, afin de tenir compte de la halte ferroviaire à créer dans le cadre du projet de RER Sud Léman que devait préciser le futur schéma de cohérence territoriale. La matérialité de ce projet ressort des pièces du dossier, contrairement à ce que soutiennent les requérants. Par ailleurs, le développement de cette infrastructure figure parmi les orientations du PADD de la commune. Dans ces conditions, et alors que le secteur d'En Poëse où est situé le projet n'est pas identifié comme un des secteurs d'urbanisation prioritaire par le PADD, le classement des parcelles en zone 2AUc n'est pas incohérent avec celui-ci. Il n'est pas non plus incohérent avec la définition d'une orientation et d'aménagement et de programmation, qui ne suppose pas nécessairement une urbanisation immédiate. Enfin, eu égard au parti d'urbanisme retenu, le classement de ces parcelles en zone 2AUC ne procède d'aucune erreur manifeste d'appréciation.

13. En dernier lieu, et alors que le classement en zone d'urbanisation différée des parcelles répond à l'objectif d'intégrer la future halte ferroviaire dans l'aménagement du secteur, le détournement de pouvoir et de procédure allégué n'est pas établi.

14. Il résulte de ce qui précède que la SARL Vert Epsilon et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Sur les frais d'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Neuvecelle, qui n'est pas partie perdante, verse aux requérants la somme qu'ils demandent au titre des frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Neuvecelle en application des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Vert Epsilon et de M. B... est rejetée.

Article 2 : La SARL Vert Epsilon et M. B... verseront à la commune de Neuvecelle la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Vert Epsilon, à M. C... B... et à la commune de Neuvecelle.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2020 à laquelle siégeaient :

Mme G... I..., présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme F... E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 25 août 2020.

2

N° 19LY03239

md


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03239
Date de la décision : 25/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme. Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU).


Composition du Tribunal
Président : Mme MARGINEAN-FAURE
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : CDMF-AVOCATS AFFAIRES PUBLIQUES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-08-25;19ly03239 ?
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