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25/08/2020 | FRANCE | N°19LY03071

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 25 août 2020, 19LY03071


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... D... I... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 16 août 2018 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1807959 du 14 mai 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par

une requête, enregistrée le 2 août 2019, M. D... I..., représenté par la SCP B...-Zouine, demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... D... I... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 16 août 2018 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1807959 du 14 mai 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 2 août 2019, M. D... I..., représenté par la SCP B...-Zouine, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 mai 2019 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 16 août 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " avec récépissé l'autorisant à travailler ou de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la notion de nom patronymique et de prénom n'est pas réellement établie aux Comores ; il est M. E... D... I..., comme en attestent son passeport et sa carte d'identité en cours de validité ; il y a identité de personne entre M. D... I... et M. A... D... ; c'est à tort que le tribunal n'a pas tenu compte de l'arrêt du Conseil d'Etat du 24 octobre 2012 concernant M. A... D... et des preuves de présence en France à ce nom ;

- le refus de titre de séjour a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet a méconnu l'autorité de la chose jugée en refusant de reconnaître l'identité d'Ali D... ;

- le refus de titre de séjour a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors qu'eu égard à la date de sa demande, seul le médecin de l'agence régionale de santé et non le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) était compétent pour émettre un avis ; c'est à tort que le tribunal a estimé qu'il n'avait pas été privé d'une garantie, alors que les dispositions de l'article L. 313-11 permettaient au préfet de tenir compte de circonstances humanitaires exceptionnelles et que cette possibilité a été supprimée par la loi du 7 mars 2016 ; en tout état de cause, le préfet n'a pas produit l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII ;

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le refus de titre de séjour procède d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est privée de base légale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en conséquence de l'illégalité des décisions précédentes.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône, qui n'a pas produit de mémoire.

Par une décision du 27 août 2019, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. D... I....

La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 13 mai 2020 par une ordonnance du 28 avril 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F... C..., première conseillère ;

- et les observations de Me B... pour M. E... D... I... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D... I..., de nationalité comorienne, relève appel du jugement du 14 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône du 16 août 2018 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, le requérant soutient que son identité est M. E... D... I..., de nationalité comorienne. Le requérant soutient être également M. A... D..., à propos duquel le Conseil d'Etat a rendu un arrêt le 24 octobre 2012. Alors que cet arrêt n'a pas pour objet de trancher la question de l'état-civil du requérant, le moyen selon lequel le préfet aurait méconnu l'autorité de la chose jugée par le Conseil d'Etat en refusant de reconnaître l'identité d'Ali D... doit être écarté.

3. En deuxième lieu, en vertu de l'article L. 31314 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 3121 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans.

4. Le préfet oppose la circonstance que les documents présentés au nom de M. A... D... ne peuvent être pris en compte pour justifier de la présence de l'intéressé en France pour la période de 2008 à 2013. Le requérant déclare dans sa requête être né en 1942. Cette année de naissance figure sur sa demande de titre de séjour, sur la copie intégrale d'acte de naissance, produites par le préfet devant le tribunal, ainsi que sur le passeport et la carte d'identité produites devant la cour, cette dernière mentionnant le 31 décembre 1942 comme date de naissance de l'intéressé. Il ne produit aucun élément probant tendant à démontrer qu'il serait M. A... D..., ressortissant comorien né le 27 avril 1957, à propos duquel le Conseil d'Etat a rendu son arrêt du 24 octobre 2012, alors même qu'il a présenté le 9 novembre 2016 sa demande de titre de séjour en prétendant être né à cette date. Le requérant ne saurait se borner à soutenir que le tribunal administratif de Lyon aurait dans un jugement du premier juin 2016 validé les périodes couvertes par des documents libellés au nom de M. A... D..., alors que l'autorité relative de chose jugée qui s'attache à ce jugement de rejet ne s'imposait pas au préfet dans le cadre de l'instruction d'une nouvelle demande de titre de séjour. Le moyen selon lesquels le préfet aurait entaché le refus de titre de séjour en litige d'un vice de procédure faute de saisine de la commission du titre de séjour doit dès lors être écarté.

5. En troisième lieu, la décision en litige mentionne que le préfet a consulté le collège des médecins de l'OFII. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette consultation n'aurait pas été effective. Toutefois, ainsi que le soutient le requérant, sa demande ayant été déposée antérieurement au 1er janvier 2017, elle relevait des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction antérieure à celle issue du 3° de l'article 13 de la loi n° 2016-274, lesquelles prévoient que la décision du préfet se fonde non pas sur un avis émis par un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration mais par un médecin de l'agence régionale de santé. Dès lors, le refus de titre de séjour en litige a été pris au terme d'une procédure irrégulière.

6. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

7. D'une part, il résulte des rédactions successives du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des arrêtés du 9 novembre 2011 et du 27 décembre 2016 susvisés que les avis médicaux émis par le médecin de l'agence régionale de santé et le collège de médecins du service médical de l'OFII diffèrent tant dans leur méthodologie que dans leur objet, notamment en ce qui concerne l'accès aux soins. Cependant, si cette différence d'approche, qui donne désormais compétence au collège de médecins de l'OFII pour apprécier d'une manière plus approfondie l'offre de soins disponible dans le pays d'origine de chacun des intéressés, ainsi que les conditions d'accès effectif à ces soins, est susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise par l'autorité préfectorale, c'est uniquement dans le cas où l'avis médical au vu duquel cette décision a été prise se prononce sur le point de savoir si l'intéressé pourra accéder à un traitement approprié dans son pays d'origine. En l'espèce, le préfet du Rhône a fondé son appréciation sur l'avis émis par le collège de médecins de l'OFFI qui a estimé qu'un défaut de prise en charge médicale de M. D... I... ne devrait pas entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui n'a pas eu en l'espèce à se prononcer sur les possibilités d'accès effectif par l'intéressé à un traitement approprié dans son pays d'origine. Il en résulte que l'irrégularité de procédure à l'issue de laquelle ce refus de séjour a été pris n'a pas eu d'influence sur le sens de cette décision.

8. D'autre part, si les nouvelles dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient plus la faculté, pour le directeur général de l'agence régionale de santé, d'émettre un avis complémentaire motivé s'il estimait qu'il y avait lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le requérant ne fait état d'aucune circonstance humanitaire exceptionnelle qui aurait pu conduire à l'émission d'un tel avis. M. D... I... n'est ainsi pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé à ce titre d'une garantie.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. - 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

10. Si M. D... I... fait valoir qu'il réside en France depuis plus de trente ans à la date de la décision attaquée, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le requérant n'établit pas être M. A... D..., ni, par suite, l'ancienneté et la continuité de son séjour en France depuis dix ans. Le requérant est célibataire, n'invoque aucun membre de sa famille présent en France, alors qu'il a indiqué dans sa demande de titre de séjour que ses six enfants majeurs résident aux Comores. Si M. D... I..., âgé de soixante-seize ans à la date de la décision attaquée, soutient qu'il doit bénéficier de soins en France, il n'invoque aucune pathologie particulière. Dans ces conditions, les moyens tirés de la violation des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle du requérant.

11. En cinquième lieu, il résulte des circonstances de fait précédemment énoncées que le requérant ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 313-14 qui permettraient de regarder le préfet du Rhône comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de l'admettre à titre exceptionnel au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale ", " salarié " ou " travailleur temporaire ".

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

12. Pour les motifs exposés au point 10, les moyens tirés de ce que l'obligation de quitter le territoire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

Sur les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination :

13. Il résulte de ce qui précède que M. D... I... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination.

14. Il résulte de ce qui précède que M. D... I... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application, au bénéfice de son avocat, des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... I... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... I... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2020 à laquelle siégeaient :

Mme G... H..., présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme F... C..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 25 août 2020.

2

N° 19LY03071

dm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03071
Date de la décision : 25/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MARGINEAN-FAURE
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-08-25;19ly03071 ?
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