La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/08/2020 | FRANCE | N°19LY02705

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 25 août 2020, 19LY02705


Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 22 février 2019 par lequel le préfet de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet, dans les quinze jours et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation et d'effacer son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Sche

ngen.

Par jugement n° 1902250 lu le 27 juin 2019, le magistrat désigné par l...

Vu les procédures suivantes :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 22 février 2019 par lequel le préfet de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet, dans les quinze jours et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation et d'effacer son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par jugement n° 1902250 lu le 27 juin 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal a annulé l'arrêté du 22 février 2019 et a enjoint au préfet de l'Ain de délivrer à Mme A... une autorisation provisoire de séjour dans les huit jours suivant la notification du jugement puis de réexaminer sa situation dans les deux mois.

Procédure devant la cour

I) Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 juillet 2019 et 27 janvier 2020, sous le n° 19LY02705, le préfet de l'Ain demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 27 juin 2019 ;

2°) de rejeter la demande de Mme A... devant le tribunal administratif de Lyon.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le principe du contradictoire a été méconnu et en ce que le premier juge a, en estimant que les décisions étaient entachées d'erreur manifeste d'appréciation, dénaturé les éléments du dossier ;

- c'est à tort que le magistrat désigné s'est fondé sur un moyen inopérant, relatif aux craintes de Mme A... en cas de retour dans son pays d'origine, pour annuler la mesure d'éloignement ;

- il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... serait personnellement exposée à un risque d'atteinte à son intégrité physique en cas de retour en Guinée ;

- la décision en litige n'a pas pour effet de séparer Mme A... de ses enfants ;

- elle n'est pas entachée d'un défaut d'examen ni d'une insuffisance de motivation ;

- ses décisions ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 3 de la convention de New York ni celles des articles 8 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- aucune erreur manifeste d'appréciation ne peut être retenue quant au délai de départ volontaire.

Par mémoire enregistré le 15 janvier 2020, Mme C... A..., représentée par Me B..., renouvelant ses demandes de première instance, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 à charge pour ce dernier de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé et que les décisions attaquées sont entachées d'un défaut d'examen de sa situation et sont insuffisamment motivées ; la fixation du pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; les décisions en litige méconnaissent les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ; le délai de départ volontaire de trente jours est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 9 octobre 2019.

II) Par une requête et un mémoire enregistrés les 12 juillet 2019 et 27 janvier 2020, sous le n° 19LY02707, le préfet de l'Ain demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1902250 lu 27 juin 2019.

Il soutient que :

- le principe du contradictoire a été méconnu et le premier juge a, en estimant que ses décisions étaient entachées d'erreur manifeste d'appréciation, dénaturé les éléments du dossier ;

- il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... serait personnellement exposée à un risque d'atteinte à son intégrité physique en cas de retour en Guinée.

Par mémoire enregistré le 15 janvier 2020, Mme C... A..., représentée par Me B... conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

Mme C... A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 9 octobre 2019.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller,

- les observations de Me B... pour Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A..., ressortissante guinéenne née en 1975, déclare être entrée en France en août 2017 afin de demander l'asile avec deux de ses enfants mineurs. Suite au rejet définitif de sa demande d'asile par la cour nationale du droit d'asile du 6 décembre 2018, le préfet de l'Ain, par un arrêté du 22 février 2019, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet de l'Ain, par sa requête enregistrée sous le n° 19LY02705, relève appel du jugement du 27 juin 2019 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 22 février 2019 et lui a enjoint de délivrer à Mme A... une autorisation provisoire de séjour puis de réexaminer sa situation. Par sa requête enregistrée sous le n° 19LY02707, le préfet demande à la cour d'ordonner le sursis à l'exécution de ce jugement.

2. Les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., alors âgée de quarante-deux ans, est entrée sur le territoire français accompagnée de deux de ses enfants mineurs seulement dix-huit mois avant l'intervention de l'arrêté en litige et ne fait état d'aucune attache privée et familiale en France. Par ailleurs, et alors que sa demande d'asile a été définitivement rejetée par la cour nationale du droit d'asile, si Mme A... soutient que son époux dont elle serait sans nouvelle était membre d'un parti d'opposition et a été interpellé en 2013, période à compter de laquelle elle aurait subi des menaces et des agressions physiques, aucune pièce du dossier ne vient corroborer ses assertions. De plus, si Mme A... soutient avoir subi des sévices sexuels en 2016, de tels sévices ont été perpétrés au Sénégal et ne présentent aucun lien avec l'activité militante de son époux, de sorte que l'intéressée ne justifie pas être exposée à des mauvais traitements en cas de retour en Guinée où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante-deux ans et où elle conserve nécessairement des attaches personnelles. Enfin, si deux des enfants de Mme A... démontrent une volonté d'intégration scolaire notamment, l'ensemble de ces circonstances n'est pas de nature à démontrer qu'en faisant obligation de quitter le territoire français à Mme A..., le préfet de l'Ain aurait entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

4. Il résulte de ce qui qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que le préfet de l'Ain est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté attaqué motif pris de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché l'obligation de quitter le territoire français.

5. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par les parties tant devant le tribunal administratif de Lyon que devant la cour.

6. En premier lieu, l'arrêté en litige comporte les considérations de droit et de faits sur lesquelles il est fondé et est ainsi suffisamment motivé au regard des exigences qu'imposent les articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Ain se soit abstenu d'examiner la situation personnelle de Mme A... avant le prononcé de la mesure d'éloignement en litige. La circonstance que l'arrêté indique qu'un des fils mineurs de l'intéressée résiderait en Guinée alors qu'il a été confié à des tiers au Sénégal n'est pas de nature à démontrer l'existence du défaut d'examen allégué.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ". Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

9. Compte tenu notamment de la date de son entrée sur le territoire et de ses conditions de séjour telles que rappelées au point 3, l'obligation de quitter le territoire français opposée ne peut être regardée comme attentatoire à la vie privée et familiale de Mme A... alors au contraire que le maintien de l'intéressée sur le territoire français contribue à pérenniser l'éclatement de son foyer compte tenu de la présence d'un de ses enfants mineurs hors de France. Par ailleurs, il ne ressort d'aucun élément du dossier que la mesure d'éloignement en litige ait pour objet ou pour effet de séparer Mme A... de deux de ses fils mineurs scolarisés sur le territoire français, ni de priver ces derniers de la possibilité de poursuivre leur scolarité hors de France. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée porte atteinte à l'intérêt supérieur de ses enfants et méconnaît ainsi les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfants.

10. En quatrième lieu, s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi, Mme A... ne démontre pas la réalité et l'actualité des risques de mauvais traitements dans son pays d'origine en raison de l'appartenance de son époux au parti de l'Union des Forces démocratiques de Guinée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

11. En dernier lieu, aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. - L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Le délai de départ volontaire accordé à l'étranger peut faire l'objet d'une prolongation par l'autorité administrative pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas (...) ". La seule circonstance que deux des fils alors mineurs de la requérante étaient scolarisés à la date de l'arrêté en litige du 22 février 2019, emportant l'exécution de la mesure d'éloignement opposée à leur mère en cours d'année scolaire, n'est pas de nature à permettre, à titre exceptionnel, l'octroi d'un délai de départ volontaire d'une durée supérieure à trente jours. Mme A... n'est dès lors pas fondée à soutenir que la décision lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

12. Il résulte de ce qui précède que le préfet est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné du tribunal administratif a annulé sa décision 22 février 2019 prononçant à l'encontre de Mme A... une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination. Mme A... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Ain, pris le 22 février 2019. La demande qu'elle a présentée à cette fin doit être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, les demandes aux fins d'injonction, d'astreinte et celles de son avocat tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

13. Le présent arrêt statuant sur la requête du préfet de l'Ain dirigée contre le jugement attaqué, les conclusions de la requête n° 19LY02707 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1902250 du 27 juin 2019 du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande de Mme A... devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête du préfet de l'Ain enregistrée sous le n° 19LY02707.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 6 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

M. Arbaretaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 août 2020.

N°s 19LY02705, 19LY02707

al


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY02705
Date de la décision : 25/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : PAQUET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-08-25;19ly02705 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award