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25/08/2020 | FRANCE | N°19LY00736

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 25 août 2020, 19LY00736


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... E... a demandé, dans le dernier état de ses écritures, le 26 octobre 2018, au tribunal administratif de Lyon :

1°) de condamner la commune de Saint-Genest-Lerpt à lui verser la somme de 200 000 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la date de la réception de la demande indemnitaire préalable du 28 décembre 2016, et la capitalisation des intérêts ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Genest-Lerpt la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761

-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1703574 du 21 décembre 2018, le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... E... a demandé, dans le dernier état de ses écritures, le 26 octobre 2018, au tribunal administratif de Lyon :

1°) de condamner la commune de Saint-Genest-Lerpt à lui verser la somme de 200 000 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la date de la réception de la demande indemnitaire préalable du 28 décembre 2016, et la capitalisation des intérêts ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Genest-Lerpt la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1703574 du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Lyon, après avoir pris acte du désistement de Mme E..., a rejeté la demande de M. E....

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 22 février 2019, M. E..., représenté par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il rejette sa demande ;

2°) de condamner la commune de Saint-Genest-Lerpt à lui verser la somme de 200 000 euros outre les intérêts au taux légal à compter de la date de la réception de la demande indemnitaire préalable du 28 décembre 2016, et la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Genest-Lerpt la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est propriétaire voisin de la construction de M. et Mme I... ;

- par jugement du tribunal administratif de Lyon du 3 janvier 2012 confirmé par arrêt de la cour du 18 décembre 2012, le permis de construire n° 042223 08L0025 accordé à M. I... le 27 octobre 2008 par la commune de Saint-Genest-Lerpt a été déclaré illégal au motif notamment du non-respect des articles UC 7 et UC 10 du plan d'occupation des sols de la commune et a été annulé ; les permis modificatifs présentés par M. I... ont été rejetés par arrêtés du maire de la commune de Saint-Genest-Lerpt des 29 juillet 2009 et 1er février 2011 ;

- l'expertise judiciaire mandatée par le tribunal de grande instance de Saint-Etienne établit que le volume autorisé par le permis de construire illégale dépasse le gabarit fixé par l'article UC 7 du plan d'occupation des sols et que la construction qui a été réalisée par les époux I..., qui reste dans le volume mentionné dans le permis de construire du 27 octobre 2008 bien que plus réduite dans ses proportions finales du fait de la réalisation sur la façade d'espaliers méconnaît les règles du plan d'occupation des sols et dépasse toujours largement le gabarit fixé par cet article UC 7 du plan d'occupation des sols ; les tentatives menées en 2009 par M. I... de permis modificatifs ont été refusées pour non respect du plan d'occupation des sols quant aux hauteurs et distances séparatives ; l'arrêté de refus du 29 juillet 2009 portant sur un projet rectificatif mentionne ainsi des hauteurs de 5,5 m, 7 m et 6,50 m et conclut au non-respect des distances séparatives de l'article UC 7 du plan d'occupation des sols dès lors que la distance par rapport aux limites séparatives doit être au moins égale à la hauteur du bâtiment ; le " bénéfice irrégulier " tiré de l'illégalité du permis de construire ayant permis la construction réalisée représente plus d'un étage et englobe toute la terrasse supérieure ; cet étage et cette terrasse sont directement la cause des vues plongeantes, des pertes d'ensoleillement et de la perte de la valeur pénale de sa propriété ; M. I..., a pu, du fait de ce permis de construire illégal, au demeurant non retiré par la commune, ne pas respecter les distances du plan d'occupation des sols et réaliser des façades en espalier avec de larges vues plongeantes sur sa propriété ;

- le projet I... était matériellement et juridiquement impossible à autoriser par rapport au plan d'occupation des sols ; des vues plongeantes directes ont été créées à quelques mètres seulement des pièces de vie de la maison d'habitation, de la piscine, et de leurs terrasses, engendrant de la promiscuité alors que de tels équipements ont été conçus et réalisés pour faire face au handicap moteur cérébral de son fils qui a besoin d'un accompagnement permanent ; la construction I... provoque des pertes d'ensoleillement, du verdissement des toitures, des terrasses et piscine ; l'expertise en matière de masques solaires reconnaît les pertes d'ensoleillement ; il y a lieu de majorer ses pertes d'ensoleillement dès lors que l'expertise retient à tort l'existence d'ombres alors que de telles ombres n'existaient plus avant la construction de la maison des époux I... ;

- les troubles anormaux et la perte de jouissance de sa propriété liés à la présence illégale de la construction Kounif peuvent être estimés raisonnablement à 80 000 euros entre décembre 2009 et décembre 2016 ;

- le chiffrage de 130 000 euros de la perte de valeur vénale est justifié par les attestations produites ; ce préjudice est réel, certain et actuel ;

- il demande 10 000 euros au titre de son préjudice moral ;

- s'il demeure actuellement pour des raisons familiales en dehors de la propriété, il est propriétaire indivis avec son épouse de cette propriété.

Une mise en demeure de produire dans un délai d'un mois, a été adressée au conseil de la commune de Saint-Genest-Lerpt le 2 octobre 2019 par l'application Télérecours, avec accusé de réception du même jour.

Par un mémoire, enregistré le 20 mai 2020, M. E... maintient ses conclusions.

Il ajoute que :

- il est toujours marié, il n'existe pas de contrat de mariage avec son épouse, et se trouve dans le cadre du régime légal de la communauté de biens réduite aux acquêts, à défaut de contrat de mariage préalable à son union, le tènement dont s'agit, de même que la maison d'habitation et les dépendances qu'ils ont fait construire sur ces terrains, constituent par conséquent des biens de la communauté ; avec son épouse, ils en sont toujours propriétaires en indivision ;

- est sans incidence pour apprécier la perte de valeur vénale de leur bien, le fait que les tiers à un permis de construire illégal n'ait pas l'intention de le vendre ;

- il y a lieu de tenir compte pour le calcul de la hauteur du sol existant avant remblai, c'est-à-dire du terrain naturel ; les représentations dans les projets modificatifs de M. I... incluent un remblai déposé par ce dernier aux fins de surélever le terrain naturel et faussant ainsi les calculs ; la présence du remblai a été constatée et décrite lors des expertises judiciaires ; le " bénéfice " irrégulier de construction procuré à M. I... par le permis de construire illégal du 27 octobre 2008 ne correspond pas seulement à ce qui est hachuré sur les plans dès lors qu'il convient d'enlever également la hauteur représentative du remblai ; ceci correspond à l'étage et à toute la terrasse supérieure, mais également à une grande partie du rez-de-chaussée et de sa terrasse, si bien qu'en réalité ce corps principal du bâtiment n'aurait jamais pu être construit si la commune avait respecté son propre plan d'occupation des sols ;

- le corps principal du bâtiment, avec ses étages et terrasses, est directement la cause de la création des vues plongeantes, des pertes d'ensoleillement, et de la perte de valeur vénale.

Par un mémoire, enregistré le 3 juin 2020, la commune de Saint-Genest-Lerpt conclut au rejet de la requête et la mise à la charge de M. E... d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir du requérant ; la seule qualité de voisin ne lui confère pas une qualité lui donnant intérêt à agir ; s'il est propriétaire de la maison, il ne l'occupe pas actuellement ; seuls les occupants permanents à savoir son épouse et son fils pourraient se prévaloir de troubles anormaux de jouissance et de nuisances s'ils étaient avérés ;

- les premiers juges ont à bon droit estimé que la construction en litige finalement édifiée était conforme au plan d'occupation des sols ; si le permis initial ne respectait pas le plan d'occupation des sols, la construction réelle est moins haute et les distances par rapport aux limites séparatives ont augmenté ; le requérant se prévaut des éléments figurant sur les demandes de permis modificatifs et non sur ce qui a été réalisé ; les calculs du requérant sont erronés ; le permis illégal n'a pas été réalisé ;

- la juridiction administrative n'est pas compétente pour traiter de la perte d'ensoleillement et de la création de vues plongeantes et des préjudices liés à des troubles de voisinage ; le voisin lésé par une construction doit saisir le juge civil s'il souhaite obtenir réparation ;

- les moyens de non-conformité de la construction de M. I... avec le plan d'occupation des sols de la commune et de l'existence d'un lien de causalité entre l'illégalité de la construction et les préjudices allégués ne sont pas fondés ; la faute invoquée par le requérant tirée de l'absence de prononcé d'un arrêté d'interruptif de travaux sur le fondement de l'article 480-1 du code de l'urbanisme n'est pas une faute de la commune dès lors que la mission fondée sur cet article est exercée au nom de l'État ; la décision de la commune d'accorder un permis illégal mais non exécuté ne constitue pas une faute en lien avec les préjudices invoqués ; le lien de causalité n'est pas établi dès lors que le projet illégal de construction n'a pas été réalisé ;

- le requérant ne pourrait prétendre qu'à la réparation des préjudices ayant un lien direct avec la violation des règles d'urbanisme en vigueur et dans la seule mesure où les nuisances subies excéderaient celles qui auraient résulté d'une construction conforme au plan d'occupation des sols ; en l'espèce, il n'y a pas de lien de causalité et le requérant n'établit pas l'existence d'inconvénients résultant de la construction illégale qui excéderait ceux qui résulteraient d'une construction conforme aux règles d'urbanisme ; la création de vues plongeantes et la perte d'intimité ne résultent pas du permis indûment accordé ; il n'est pas démontré qu'une construction plus éloignée de cinq mètres n'aurait pas induit des vues plongeantes ; les vues sont accentuées par la configuration du terrain ; l'avis de la société Verilhac de 2016 sur un préjudice de perte d'intimité n'est pas assimilable à une expertise contradictoire ; les études sur les masques solaires ne prennent pas en compte une construction qui serait conforme au plan d'occupation des sols ; la première étude fait état d'ombres déjà présentes ; la perte d'ensoleillement est minime ; le propriétaire doit fournir des preuves de la perte de valeur vénale ; la dépréciation n'est pas liée à l'irrégularité de la construction édifiée ; la circonstance que le propriétaire ne veuille pas vendre rend le préjudice éventuel et par suite non-indemnisable ;

- il n'existe pas de préjudice moral ;

- les moyens non repris en appel ne peuvent pas être examinés par la cour.

Par des mémoires, enregistrés les 7 juin et 24 juin 2020, M. E... maintient ses conclusions.

Il ajoute que :

- les écritures en défense de la commune sont irrecevables faute d'une habilitation régulière du maire ;

- il demande la réparation de ses préjudices personnels jusqu'au 28 décembre 2016 ; sont sans incidence le fait qu'il ne réside plus après cette date au domicile familial et que son épouse se soit désistée de sa demande indemnitaire ;

- les plans de coupe qu'il a fournis dont celui réalisée par l'expert judiciaire démontrent que le profil de la façade du sous-sol de la construction effectivement réalisée coïncide avec celle du permis de construire du 27 octobre 2008 qui a été déclaré illégal par la cour ; lesdits plans situent bien la façade du sous-sol entre 4,30 m et 4,33 m de la limite séparative avec les parcelles AD 433, 435 E... ; il s'agit dans les deux cas de demande de permis de construire de régularisation de la construction effectivement réalisée ; cette construction a été réalisée grâce au permis de construire illégal délivré ; la construction réalisée se situe dans l'enveloppe illégale du permis de construire ; la commune ne démontre pas qu'une construction aurait pu être autorisée et réalisée conformément aux règles du plan d'occupation des sols ; aucune construction ne pouvait être autorisée et réalisée en respectant les règles du plan d'occupation des sols comme le montre la coupe schématique réalisée par l'expert judiciaire ;

- la commune et son maire pouvaient en application de l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme saisir la juridiction civile en 2012 ou le 28 décembre 2016 d'une demande à fin d'ordonner la démolition de la construction en litige ; ils se sont volontairement abstenus d'agir, ce qui est constitutif d'une faute ; cette décision de ne pas agir constitue un détournement de pouvoir car elle a permis d'occuper à M. I... et à sa famille d'occuper la construction en litige depuis décembre 2009 ; le maintien de cette construction illégale avec ses étages et terrasses est directement à l'origine des vues plongeantes, des pertes d'ensoleillement et de la perte de valeur vénale ;

- le fait pour la commune et son maire de refuser de respecter et de ne pas faire respecter le plan d'occupation des sols communal et de refuser d'agir dans le cadre d'une action en démolition engage la responsabilité sans faute de la commune dès lors que ceci lui a causé un préjudice certain, grave et particulier ayant un caractère anormal et spécial ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'inaction de la commune à faire respecter le plan d'occupation des sols et n'a pas statué alors qu'il était fondé ;

- son action devant la juridiction judiciaire en appel et devant la cour de cassation a échoué.

Par courriers du 26 juin 2020, les parties ont été informées de ce que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office suivants : - les conclusions du requérant fondées sur une faute de la commune à ne pas avoir saisi le tribunal de grande instance en vue de faire ordonner la démolition en application de l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme sont mal dirigées dès lors qu'au 1er janvier 2016, antérieurement à la demande indemnitaire, la métropole de Saint-Etienne, dont la commune est membre, devenue une communauté urbaine était la seule compétente à pouvoir saisir le tribunal de grande instance (les travaux étant indiqués comme achevés en décembre 2009, l'action civile est prescrite) ; - les conclusions de M. E... sur une faute à ne pas avoir fait respecter les prescriptions règlementaires du plan d'occupation des sols et une faute à avoir permis la délivrance d'un permis de construire illégal sont mal dirigées, la responsabilité de l'État étant seule susceptible d'être engagée ;- les conclusions du requérant fondées sur l'article 480-1 du code de l'urbanisme à l'encontre de la commune sont mal dirigées, le maire exerçant cette mission au nom de l'État.

Par un mémoire, enregistré le 29 juin 2020 en réponse aux moyens d'ordre public, M. E..., présente de nouvelles conclusions tendant à l'annulation des décisions implicites par lesquelles la commune de Saint-Genest-Lerpt, Saint-Étienne métropole et l'État ont rejeté sa demande indemnitaire, à la condamnation solidaire ou in solidum de la commune de Saint Genest-Lerpt, Saint-Étienne métropole et l'État, ou qui des trois mieux le devra, à lui verser la somme totale de 200 000 euros en réparation de ses divers préjudices tels que décrits dans les motifs de ses diverses écritures, à la condamnation en outre solidairement ou in solidum la commune de Saint-Genest-Lerpt, Saint-Étienne métropole et l'État, ou qui des trois mieux le devra, au paiement d'intérêts au taux légal sur la somme totale à compter de la demande préalable indemnitaire du 28 décembre 2016 et à la capitalisation des intérêts qui produiront eux-mêmes intérêts. Il formule aussi des conclusions aux fins de condamnation solidaire ou in solidum de la commune de Saint-Genest-Lerpt, Saint-Étienne métropole et l'État, ou qui des trois mieux le devra,à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il ajoute que :

- sa demande indemnitaire préalable a été reçue en mairie de Saint Genest Lerpt le 29 décembre 2016 et que celle-ci aurait dû transmettre celle-ci à l'administration compétente et qu'une décision implicite de rejet de sa demande indemnitaire est née de l'écoulement du temps ;

- la responsabilité de la commune est engagée pour la faute commise à avoir délivré un permis illégal ;

- les décisions du maire de ne pas agir et de ne pas prendre un arrêté interruptif de travaux en application de l'article L. 480-1 et suivants du code de l'urbanisme constituent en l'espèce des fautes détachables de sa mission d'agent de l'État et engagent ainsi la responsabilité de la commune ; ces décisions sont entachées d'un détournement de pouvoir ; il existe une volonté de nuire ;

- la commune de Saint-Genest-Lerpt et son maire se sont volontairement abstenus, jusqu'au transfert de la compétence plan local d'urbanisme à Saint-Étienne métropole le 31 décembre 2015, d'utiliser l'action civile de l'article L 480-14 du code d'urbanisme, action destinée à obtenir la démolition de la construction litigieuse ; cette abstention illégale, entachée notamment de détournements de pouvoir, constitue elle-même une décision fautive engageant la responsabilité de cette collectivité ;

- la commune de Saint-Genest-Lerpt et son maire ont commis de nouvelles fautes en ne transmettant pas sa demande préalable à Saint-Étienne métropole, alors au surplus que le maire, M. J... D..., était vice-président de Saint-Étienne métropole ;

- le fait pour cette collectivité et son maire de ne pas avoir agi civilement en démolition de la construction illégale sur le fondement de l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme, alors pourtant que la commune était encore compétente en matière de plan local d'urbanisme jusqu'au 31 décembre 2015 engage également la responsabilité sans faute de la commune ; c'est à tort que le tribunal n'a pas répondu à ce moyen et a ainsi omis d'y statuer alors qu'il était fondé ;

- la demande indemnitaire adressée à la commune devait également être regardée comme adressée au maire en tant qu'agent de l'État et qu'en l'absence de décision expresse de l'État, sa demande indemnitaire doit être regardée comme ayant été rejetée par l'État ; il appartenait au tribunal administratif de Lyon, saisi d'une action indemnitaire après le rejet de sa réclamation préalable, de regarder ses conclusions tendant à l'obtention de dommages et intérêts en réparation de fautes commises par le maire en qualité d'agent de l'État comme également dirigées contre ce dernier et de communiquer la requête tant à la commune qu'à l'autorité compétente au sein de l'État ; cette erreur des premiers juges doit entraîner l'annulation du jugement ;

- Saint-Étienne métropole s'est bien volontairement abstenue, depuis le transfert de compétence du plan local d'urbanisme le 31 décembre 2015, d'utiliser l'action civile de l'article L. 480-14 du code d'urbanisme, action destinée à obtenir la démolition de la construction litigieuse ; cette abstention est entachée de détournement de pouvoir et est par suite fautive ; le fait pour la métropole de ne pas avoir agi induit sa responsabilité sans faute dès lors qu'il a subi un préjudice grave et particulier en raison de son caractère anormal et spécial ; c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas transmis sa requête à Saint-Étienne métropole ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G..., première conseillère,

- les conclusions de M. Vallechia, rapporteur public,

- et les observations de Me H... pour M. E... ainsi que celles de Me F... pour la commune de Saint-Genest-Lerpt ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 juillet 2020, présentée pour la commune de Saint-Genest-Lerpt.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté en date du 27 octobre 2008, le maire de Saint-Genest-Lerpt a accordé à M. I... un permis de construire n° 042223 08L0025. Mme E..., propriétaire indivise avec son époux de la propriété jouxtant celle de M. I..., puis son fils, M. K... E... occupant de cette maison, ont demandé chacun l'annulation de ce permis. Par jugement n°s 0902106, 0902386 du 3 janvier 2012, le tribunal administratif de Lyon a annulé ce permis de construire. Par un arrêt du 18 décembre 2012, devenu définitif, la cour a confirmé ce jugement d'annulation de ce permis de construire aux motifs notamment de la méconnaissance des articles UC 7 et UC 10 du plan d'occupation des sols de la commune concernant les règles de distance par rapport aux limites séparatives et aux règles de hauteur. Mme E... et son époux M. C... E... ont introduit le 26 décembre 2016 une demande indemnitaire auprès de la commune de Saint-Genest-Lerpt aux fins de se voir indemniser de différents chefs de préjudices liés à la construction illégale de la maison de M. et Mme I... laquelle a été achevée à la fin de l'année 2009. Suite au refus implicite de la commune de faire droit à cette demande indemnitaire, ils ont saisi le tribunal administratif de Lyon aux fins de voir condamner la commune de Saint-Genest-Lerpt à réparer les préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison de l'illégalité de ce permis et du comportement fautif du maire dans la gestion de ce dossier. Suite au désistement de Mme E..., par jugement du 21 décembre 2018 le tribunal administratif a rejeté la demande à fin d'indemnisation de ce dernier. M. E... fait appel de ce jugement et formule également dans ses dernières écritures des conclusions à fin de condamnation solidaire ou in solidum de la commune de Saint-Genest-Lerpt, de l'État et de Saint Étienne métropole.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

2. En premier lieu, les tiers à un permis de construire illégal peuvent rechercher la responsabilité de la personne publique au nom de laquelle a été délivré le permis, si le projet de construction est réalisé. Ils ont droit, sous réserve du cas dans lequel le permis a été régularisé, à obtenir réparation de tous les préjudices qui trouvent directement leur cause dans les illégalités entachant la décision. A cet égard, la perte de valeur vénale des biens des demandeurs constitue un préjudice actuel susceptible d'être indemnisé, sans qu'ait d'incidence la circonstance qu'ils ne feraient pas état d'un projet de vente. Contrairement à ce que soutient la commune de Saint-Genest-Lerpt, la juridiction administrative est bien compétente pour traiter ce litige de plein contentieux portant sur la responsabilité pour faute de la commune à avoir délivré un permis de contruire illégal lequel n'a pas été régularisé. Par suite, l'exception d'incompétence opposée en défense ne peut qu'être écartée.

Sur la recevabilité des conclusions à fin de condamnation de l'État et de Saint-Étienne métropole :

3. Les conclusions de M. E... à l'encontre de l'État et de Saint-Étienne métropole, nouvelles en appel, ayant été présentées en réponse aux moyens d'ordre public soulevés en appel par la cour et après inscription de l'affaire au rôle et avis d'audience sont irrecevables.

Sur les fins de non-recevoir :

4. En premier lieu, par délibération du 25 mai 2020, le conseil municipal de la commune de Saint-Genest-Lerpt a autorisé le maire " [à] intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal : / - En toute matière pour les actions en défense (...) ". Par suite, le mémoire en défense de la commune, représentée par son maire en exercice, est recevable.

5. En second lieu, il résulte de l'instruction que M. E..., qui est toujours propriétaire indivis du ténément immobilier et occupait cette maison jusqu'en 2016, date de la demande indemnitaire adressée à la commune de Saint-Genest-Lerpt a intérêt et qualité à demander la réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la construction de M. et Mme I... réalisée à la suite de la délivrance de ce permis de construire illégal du 27 octobre 2008.

Sur la responsabilité pour faute tenant à l'illégalité du permis délivré le 27 octobre 2008 :

6. Il est constant que la cour pour annuler le permis en litige délivré le 27 octobre 2008, par la commune de Saint-Genest-Lerpt a constaté dans son arrêt du 18 décembre 2012 que la hauteur de la maison autorisée par ce permis de construire dépassait les 9 m en contradiction de l'article UC 10 du plan d'occupation des sols sur les règles de hauteur et que n'étaient pas respectées les dispositions de l'article UC 7 concernant la distance par rapport aux limites séparatives prenant comme référence la règle de hauteur laquelle devait être au moins égale à la hauteur du bâtiment alors que les distances acceptées par la commune dans le cadre de ce permis de construire étaient comprises entre 4,12 et 4,71 mètres. De telles illégalités internes constituent des fautes de nature à engager la responsabilité de la commune.

7. M. E... se prévaut de telles illégalités internes au soutien de sa demande indemnitaire. Il fait ainsi valoir qu'à la suite et dans le cadre du permis de construire délivré le 27 octobre 2008, par la commune de Saint-Genest-Lerpt, M. I... a construit une maison dont la hauteur et la distance par rapport aux limites séparatives enfreignent les dispositions des articles UC 7 et UC 10 et du plan d'occupation des sols et sont à l'origine de vues plongeantes sur sa propriété à savoir sa maison, sa terrasse et sa piscine, laquelle était notamment utilisée dans le cadre du suivi médical de Jérôme E..., fils handicapé de M. E..., de pertes d'ensoleillement et du verdissement de la toiture et de la terrasse. Il indique que de tels éléments consécutifs à ces illégalités fautives ont induit un préjudice de jouissance et des troubles dans ses conditions d'existence depuis 2009, date d'entrée dans les lieux de M. I... et de sa famille et ce jusqu'à sa demande indemnitaire préalable du 28 décembre 2016, une perte de la valeur vénale de sa propriété et un préjudice moral.

En ce qui concerne les " vues plongeantes " :

8. La commune, allègue que la construction qui a été réalisée par les époux I... ne correspond pas à celle qui avait été autorisée par le permis qui a été annulé définitivement par l'arrêt de la cour du 18 décembre 2012, que la construction réelle est moins haute et les distances par rapport aux limites séparatives ont augmenté par rapport à un tel permis annulé et que notamment du fait de la position en surplomb de la maison des I..., le requérant n'établit pas l'existence d'inconvénients résultant de la construction illégale qui excéderait ceux qui résulteraient d'une construction conforme aux règles d'urbanisme. La commune en conclut que cette construction telle que réalisée et terminée fin 2009 par les époux I... n'a pas induit des vues plongeantes supérieures à celles qui auraient pu exister dans le cadre d'une construction respectant la règlementation du plan d'occupation des sols. La commune se prévalait également en première instance de la circonstance qu'il n'existait pas de lien de causalité entre les préjudices allégués de " vues plongeantes " et l'illégalité du permis dès lors que de tels préjudices seraient seulement imputables aux travaux réalisés par les époux I... y compris ceux que ces derniers auraient effectués en méconnaissance du permis de construire délivré. Toutefois, il résulte de l'instruction et notamment du courrier du 18 octobre 2010 de l'expert judiciaire mandaté par le tribunal de grande instance de Saint-Etienne lequel mentionne que la construction réalisée effectivement par les époux I... à la suite de la délivrance du permis de construire du 27 octobre 2008 est non-conforme aux dispositions du plan d'occupation des sols et notamment à l'article UC 7 dudit plan d'occupation des sols, de la pièce établie par ce même expert simulant les gabarits d'une construction conforme au plan d'occupation des sols qui n'est pas utilement contestée par le commune et qui établit que la construction telle qu'autorisée par ce permis de construire illégal et que la construction en espaliers finalement réalisée par les époux I... dans le cadre de l'autorisation d'urbanisme illégale méconnaissent les gabarits conformes au plan d'occupation des sols, de la pièce simulant un plan de recul de la construction des époux I... à la distance de 9 m qui démontre que, si les dispositions UC 7 et UC 10 et du plan d'occupation des sols avaient été respectées par le pétitionnaire, la construction envisagée par les époux I... aurait été matériellement impossible ainsi que des photographies présentes au dossier, que les parties de la construction des époux I... illégalement autorisées et qui ont été réellement construites situées au-dessus du rez-de-chaussée de la construction emportent, du fait notamment des larges baies vitrées y étant positionnées ainsi que de la terrasse réalisée, des vues plongeantes importantes sur la maison, la terrasse et la piscine de la famille E.... De telles vues plongeantes sont à l'origine d'une forte atteinte à l'intimité de la propriété E... et portent une atteinte sensiblement plus grave que celle qui aurait résulté d'une construction conforme au plan d'occupation des sols. Par suite, dans les conditions décrites, le lien de causalité entre le préjudice lié à la perte d'intimité du fait de telles vues plongeantes importantes et l'illégalité du permis de construire accordé par la commune doit être regardé comme établi

En ce qui concerne la perte d'ensoleillement :

9. L'étude produite en première instance par M. E..., sur les masques solaires et la perte d'ensoleillement liée à la hauteur illégale de la construction des époux I... et du non-respect des distances séparatives par rapport au plan d'occupation des sols fait état pour la maison des E... d'une perte d'ensoleillement de 1 heure à 1 heure 30 par jour entre 16 h 30 et 18 h 00 entre le 21 avril et le 21 août et d'une perte d'ensoleillement pour la piscine entre 1 heure à 2 heures sur des périodes allant du 21 mars au 21 avril puis du 21 août au 21 septembre et puis du 21 septembre au 21 octobre. Le requérant fait encore valoir que cette étude minore la perte d'ensoleillement dès lors que les ombres liées à la végétation et aux arbres et arbustes concernant le non-respect des limites séparatives par les époux I... ont été insuffisamment prises en compte pour calculer la perte d'ensoleillement provoquée par cette construction. La commune, qui oppose que l'étude précitée fait mention d'ombres n'étant pas en lien avec la construction I..., ne remet pas utilement en cause les données précitées de l'étude sur la perte d'ensoleillement qui sont dues à la hauteur illégale de la construction. Compte tenu de tels éléments qui démontrent une atteinte sensiblement plus grave que celle qui aurait résulté d'une construction conforme au plan d'occupation des sols, le lien de causalité entre l'illégalité fautive d'un tel permis de construire et cette perte d'ensoleillement doit là encore être regardé comme établi.

En ce qui concerne " le verdissement " :

10. Il ne résulte pas, par contre, de l'instruction que le " verdissement " de la toiture et de la terrasse soient en lien avec l'illégalité de ce permis de construire.

11. Eu égard à ce qui a été dit plus haut, M. E... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont exclu un lien de causalité entre les illégalités internes fautives du permis annulé relatives à la méconnaissance des règles de hauteur et de distance et les préjudices subis du fait des " vues plongeantes " sur sa propriété entrainant une perte d'intimité et des pertes d'ensoleillement.

Sur les autres fautes imputées au maire et à la commune de Saint-Genest-Lerpt :

S'agissant de l'application des articles L. 480-1 et L. 480-2 du code de l'urbanisme :

12. Aux termes de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige: " Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 160-1 et L. 480-4, ils sont tenus d'en faire dresser procès verbal. Copie du procès-verbal constatant une infraction est transmise sans délai au ministère public. " Aux termes de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au litige : " Dans le cas de constructions sans permis de construire ou d'aménagement sans permis d'aménager, ou de constructions ou d'aménagement poursuivis malgré une décision de la juridiction administrative suspendant le permis de construire ou le permis d'aménager, le maire prescrira par arrêté l'interruption des travaux ainsi que, le cas échéant, l'exécution, aux frais du constructeur, des mesures nécessaires à la sécurité des personnes ou des biens ; copie de l'arrêté du maire est transmise sans délai au ministère public. Dans tous les cas où il n'y serait pas pourvu par le maire et après une mise en demeure adressée à celui-ci et restée sans résultat à l'expiration d'un délai de vingt -quatre heures, le représentant de l'État dans le département prescrira ces mesures et l'interruption des travaux par un arrêté dont copie sera transmise sans délai au ministère public. "

13. En premier lieu, lorsqu'il lui est demandé de mettre en oeuvre les pouvoirs qu'il tient des articles L. 480-1 et L. 480-2 du code de l'urbanisme, le maire agit au nom de l'État. Par suite, les conclusions du requérant tiré d'une faute commise par le maire à être resté inactif et à ne pas avoir dressé de procès-verbal ou à ne pas avoir interrompu les travaux sont mal dirigées, seule la responsabilité de l'État étant susceptible d'être engagée.

14. En second lieu, le requérant qui invoquait en première instance un détournement de pouvoir de la part du maire au profit de M. I... fait valoir en appel que le maire de la commune a commis des fautes détachables de la mission lui étant confiée en qualité d'agent de l'État ouvrant droit à indemnisation dès lors que la décision de ne pas interrompre les travaux serait entachée d'un détournement de pouvoir et d'une volonté de nuire. Toutefois, il est constant que l'annulation du permis de construire du 27 octobre 2008 pour illégalité par rapport aux dispositions du plan d'occupation des sols n'a été confirmée à la suite du jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 décembre 2011 que par arrêt devenu définitif de la cour du 18 décembre 2012 soit après la fin des travaux laquelle a eu lieu comme l'indique le requérant en décembre 2009. Il ne résulte pas de l'instruction que cette décision du maire de ne pas émettre un arrêté d'interruption des travaux avant que ceux-ci soient terminés en décembre 2009 laquelle est une simple faculté en l'absence d'une décision de la justice administrative de suspendre le permis de construire accordé soit entachée du détournement allégué ou d'une volonté de nuire vis-à-vis du requérant. Le moyen tiré de l'existence de fautes détachables du maire susceptibles d'engager la responsabilité de la commune de Saint-Genest-Lerpt doit par suite être écarté.

S'agissant de l'application de l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme :

15. Aux termes de l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme : " La commune ou l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d'urbanisme peut saisir le tribunal de grande instance en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d'un ouvrage édifié ou installé sans l'autorisation exigée par le présent livre, en méconnaissance de cette autorisation ou, pour les aménagements, installations et travaux dispensés de toute formalité au titre du présent code, en violation de l'article L. 421-8. L'action civile se prescrit en pareil cas par dix ans à compter de l'achèvement des travaux. "

16. Le requérant soutient dans ses dernières écritures que la commune de Saint-Genest-Lerpt a commis une faute en ne saisissant pas le tribunal de grande instance d'une demande en vue de faire ordonner la démolition ou la mise en conformité de la construction de M. et Mme I.... Il allégue également que ce refus de saisir le tribunal de grande instance est entaché d'un détournement de pouvoir. Toutefois il ne résulte de l'instruction ni que le requérant ait demandé explicitement à la commune de Saint-Genest-Lerpt avant ou lors de sa demande indemnitaire préalable du 28 décembre 2016 de faire usage de la possibilité lui étant ouverte par cet article L. 480-14 du code de l'urbanisme de saisir le tribunal de grande instance aux fins de faire cesser une situation illicite née de l'illégalité de la construction des époux I... à la suite de l'arrêt dévenu définitif de la cour du 18 décembre 2012 annulant le permis de construire accordé le 27 octobre 2008 ni que la commune ait opposé un tel refus à M. E.... Par suite, en l'absence, en l'état actuel de l'instruction, de preuve sur l'existence d'un tel refus de la part de la commune à la suite d'une demande du requérant antérieure à sa demande indemnitaire introduite devant le tribunal administratif de Lyon, le requérant ne saurait se prévaloir d'un lien de causalité entre les préjudices dont il se prévaut et l'illégalité fautive du refus allégué.

17. L'action ouverte à la commune par les dispositions précitées n'a pas d'autre objet que de lui permettre d'obtenir la réparation d'un préjudice qui lui est propre et de faire cesser une situation illicité. Dès lors, l'abstention de la commune de Saint-Genest-Lerpt à exercer une telle action ne peut avoir directement causé un préjudice à M. et Mme E....

Sur la faute alléguée relative à l'absence de transmission de la demande indemnitaire à l'État :

18. Le contentieux a été lié par la décision implicite de rejet du maire née de l'écoulement du temps à la suite de la réclamation indemnitaire préalable de M. E... du 28 décembre 2016 qui porte sur l'illégalité de la délivrance du permis de construire du 27 octobre 2008 et sur l'illégalité du rejet de son recours gracieux du 3 décembre 2008 ne comporte aucune mention tendant à l'engagement de la responsabilité de l'État du fait des agissements du maire agissant au nom de l'État et en qualité d'agent de l'État. Par suite, la commune de Saint-Genest-Lerpt, qui n'était pas tenue de transmettre cette demande indemnitaire telle que rédigée à l'État, n'a pas commis de faute.

Sur la faute alléguée relative à l'absence de transmission de la demande indemnitaire à Saint-Étienne métropole :

19. Le contentieux a été lié par la décision implicite de rejet du maire née de l'écoulement du temps à la suite de la réclamation indemnitaire préalable de M. E... du 28 décembre 2016 qui porte sur l'illégalité de la délivrance du permis de construire du 27 octobre 2008 et sur l'illégalité du rejet de son recours gracieux du 3 décembre 2008 ne comporte aucune mention concernant une attitude fautive de la commune à ne pas avoir demandé la destruction de la construction en litige de M. et Mme I... au regard des dispositions de l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme. Par suite, et à supposer que Saint-Étienne métropole ait été compétente pour faire application de l'article L. 480-14 du code de l'urbanisme, la commune de Saint-Genest-Lerpt qui n'était pas tenue de transmettre cette demande indemnitaire telle que rédigée à Saint-Étienne métropole n'a pas commis de faute.

20. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. E... à fin de condamnation solidaire ou in solidum de la commune, de l'État et de Saint-Étienne métropole ne peuvent être accueillies. M. E... est seulement fondé à soutenir que la responsabilité de la commune de Saint-Genest-Lerpt est engagée pour la faute commise à avoir délivré le permis illégal du 27 octobre 2008 lequel a permis la construction en litige de M. et Mme I... laquelle est à l'origine des préjudices de perte d'intimité et de perte d'ensoleillement décrits aux points 8 et 9.

Sur le fait du tiers et la prétendue conformité de la construction aux nouvelles règles d'urbanisme :

21. La commune n'est pas fondée à soutenir que le préjudice serait sans lien avec l'illégalité fautive invoquée par M. E... mais trouverait sa cause dans l'inconformité des travaux avec le permis annulé dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. I... aurait eu le même comportement s'il n'avait pas bénéficié d'un permis illégal. La commune n'est pas davantage fondée à invoquer la prétendue conformité de la construction aux nouvelles règles d'urbanisme en vigueur dans la commune dès lors qu'aucune mesure de régularisation n'est intervenue depuis la notification de l'arrêt de la cour du 18 décembre 2012, devenu définitif.

Sur l'indemnisation :

22. En premier lieu, dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste évaluation du préjudice de jouissance et des troubles aux conditions d'existence de M. E... en lien direct avec la perte d'intimité de sa propriété et de la perte d'ensoleillement pour la période allant de décembre 2009 à décembre 2016, seule période dont M. E... demande l'indemnisation, en l'évaluant pour ces sept années à 25 000 euros. Il y a lieu par suite de condamner la commune de Saint-Genest-Lerpt à verser une somme de 25 000 euros à M. E....

23. En deuxième lieu, pour justifier de la perte de valeur vénale de sa propriété liée à l'illégalité de ce permis de construire, M. E... se prévaut de deux attestations d'agences immobilières en date des 20 août 2013 et 22 juin 2016 faisant état de la dépréciation de la valeur de sa propriété du fait des vues plongeantes depuis la maison des époux I... entrainant une perte d'intimité et d'une perte d'ensoleillement. La circonstance évoquée par la commune que ces deux évaluations n'auraient pas été réalisées dans le cadre d'une expertise contradictoire ne saurait en tant que telle remettre utilement en cause les éléments techniques et les mentions sur la perte de valeur vénale directement en lien avec la contruction des époux I.... La perte de valeur vénale ainsi induite a été évaluée dans l'attestation du 20 août 2013 à hauteur de 100 000 euros dans sa fourchette basse et de 120 000 euros dans sa fourchette haute. L'estimation datant du 22 juin 2016, en faisant état d'une valeur comprise entre 320 000 et 350 000 euros de la propriété établit une légère baisse du marché immobilier par rapport à l'évaluation réalisée en 2013. Contrairement à ce qui est indiqué en première instance par la commune, la réparation d'un préjudice de perte de valeur vénale liée à la faute commise par cette dernière à avoir délivré un permis de construire illégal n'est pas conditionnée à une action de vente du bien. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu du contenu de ces deux attestations et de la date de leur rédaction, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice de perte de valeur vénale en l'estimant à 90 000 euros et en condamnant par suite la commune de Saint-Genest-Lerpt à verser cette somme de 90 000 euros à M. E....

24. En troisième lieu, M. E... se prévaut également d'un préjudice moral lié aux démarches menées vis-à-vis de la commune de Saint-Genest-Lerpt pour faire reconnaître l'illégalité de ce permis de construire et en demander l'annulation. Il résulte de l'instruction que comme indiqué par M. E..., ce dernier a mené auprès de la commune différentes démarches se traduisant notamment par un recours gracieux du 3 décembre 2008, qui a été rejeté par la commune, contestant de manière étayée et détaillée la légalité du permis de construire délivré le 27 octobre 2008 et invoquant la méconnaissance de l'article UC 7 du plan d'occupation des sols, moyen qui a été retenu aussi bien par le tribunal administratif que par la cour. Dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu notamment des répercussions sur la vie familiale du requérant à la suite de telles démarches qui se sont soldées par un rejet de la part de la commune, il sera fait une juste appréciation de son préjudice moral et des troubles spécifiques à ses conditions d'existence liés au rejet de son recours gracieux du 3 décembre 2008 et aux démarches contentieuses induites auprès de la juridiction administrative aux fins de se voir indemniser en fixant à 3 000 euros la somme devant lui être versée à ce titre par la commune de Saint-Genest-Lerpt.

25. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur sa régularité, que le jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 décembre 2018 portant rejet de la demande indemnitaire de M. E... doit être annulé et la commune de Saint-Genest-Lerpt doit être condamnée à verser à M. E... en réparation de ses préjudices une somme de 118 000 euros.

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

26. M. E... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 118 000 euros à compter du 29 décembre 2016, date indiquée par la commune et non contestée par le requérant de la réception de son courrier portant demande indemnitaire préalable apporté à la mairie le 28 décembre 2016.

27. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Si, à la date où elle est demandée, les intérêts sont dus depuis moins d'une année, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée par M. E... le 26 octobre 2018. Il y a donc lieu de capitaliser les intérêts au 26 octobre 2019, date à laquelle une année d'intérêts a été due, et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Sur les frais liés au litige :

28. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Genest-Lerpt le versement à M. E... d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter les conclusions formulées par la commune de Saint-Genest-Lerpt, partie perdante, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à l'encontre de M. E....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 décembre 2018 est annulé.

Article 2 : La commune de Saint-Genest-Lerpt est condamnée à verser à M. E... une somme de 118 000 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 29 décembre 2016. Les intérêts échus à la date du 26 octobre 2019, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : La commune de Saint-Genest-Lerpt est condamnée à verser à M. E... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et à la commune de Saint-Genest-Lerpt.

Copie en sera adressée au préfet de la Loire, au ministre de l'intérieur, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 9 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme A..., présidente-assesseure;

Mme G... première conseillère.

Lu en audience publique, le 25 août 2020.

2

N° 19LY00736

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00736
Date de la décision : 25/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-03-04-04 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Régime d'utilisation du permis. Permis modificatif.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : GAUCHER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-08-25;19ly00736 ?
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