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25/08/2020 | FRANCE | N°18LY02672

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 25 août 2020, 18LY02672


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... F...-I... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

1°) d'annuler la décision du 26 mai 2015 par laquelle le président du syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération clermontoise a mis fin à sa mise à disposition, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

2°) de condamner le syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération clermontoise à lui verser la somme de 80 000 euros en réparation du préjudice moral, du préjudice

de carrière et des troubles dans les conditions d'existence qu'elle a subis du fait de c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... F...-I... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

1°) d'annuler la décision du 26 mai 2015 par laquelle le président du syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération clermontoise a mis fin à sa mise à disposition, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

2°) de condamner le syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération clermontoise à lui verser la somme de 80 000 euros en réparation du préjudice moral, du préjudice de carrière et des troubles dans les conditions d'existence qu'elle a subis du fait de cette résiliation fautive et du harcèlement moral subi.

Par un jugement n° 1502178 du 14 mai 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 juillet 2018, Mme F...-I..., représentée par Me B... (H... et associés), avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 14 mai 2018 ;

2°) d'annuler la décision du président du syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération clermontoise du 26 mai 2015, ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

3°) de condamner le syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération clermontoise à lui verser la somme de 80 000 euros ;

4°) de mettre à la charge du syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération clermontoise une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision mettant fin à sa mise à disposition a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière, à défaut d'avoir été prise avec son accord ;

- cette décision procède d'une erreur d'appréciation ;

- cette décision procède d'un détournement de procédure ;

- cette décision illégale est constitutive d'une faute propre à engager la responsabilité du syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération clermontoise ;

- le syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération clermontoise a également commis une faute tenant au harcèlement moral dont elle a été victime ;

- ce harcèlement moral lui a causé un préjudice moral, un préjudice de carrière et des troubles dans ses conditions d'existence qui doivent être évalués à 80 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 février 2019, le syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération clermontoise, représenté par Me K... (J... avocats), avocat, conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme F...-I... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il expose que :

- les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme F...-I... sont irrecevables, étant dirigées contre une mesure d'ordre intérieur ;

- subsidiairement, les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 18 décembre 2019, Mme F...-I... conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens.

Elle soutient en outre que sa requête n'est pas dirigée contre une mesure d'ordre intérieur et est, par suite, recevable.

Par ordonnance du 20 décembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 22 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... G..., première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

- et les observations de Me B..., avocat, représentant Mme F...-I..., et de Me K..., avocat, représentant le syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération clermontoise ;

Considérant ce qui suit :

1. Par contrat à durée indéterminée signé le 12 février 2010, Mme F...-I... a été recrutée par la communauté d'agglomération Clermont Communauté, depuis devenue la communauté urbaine puis la métropole Clermont Auvergne Métropole, comme directeur général adjoint en charge des transports, des déplacements et de la mobilité durable, en vue d'être mise à disposition du syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération clermontoise (" SMTC ") pour y occuper les fonctions de directeur général. Une convention a été conclue à cette fin le 12 février 2010 et renouvelée le 11 février 2013 pour une durée de trois ans. Avant le terme de celle-ci, le président du SMTC a décidé de mettre fin à cette mise à disposition, par décision du 26 mai 2015. Mme F...-I... relève appel du jugement du 14 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision, ensemble celle de la décision de rejet implicitement née du silence conservé sur son recours gracieux du 23 juillet 2015, ainsi que ses conclusions indemnitaires.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 35-1 du décret susvisé du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale : " I. - L'agent contractuel employé pour une durée indéterminée peut, avec son accord, être mis à disposition. (...) VI. - La durée de la mise à disposition ne peut excéder trois ans. Elle peut être renouvelée dans la même limite, sans que sa durée totale ne puisse excéder dix ans. La mise à disposition peut prendre fin, avant l'expiration de sa durée, à la demande de l'agent, de l'administration d'origine ou de l'administration ou de l'organisme d'accueil, sous réserve des règles de préavis prévues par la convention de mise à disposition. (...) ". Reprenant ces dispositions, la convention de mise à disposition conclue le 11 février 2013 entre la communauté d'agglomération Clermont-Communauté et le SMTC a ainsi prévu, en son article 6 intitulé " fin de la mise à disposition " : " La mise à disposition de Mme F... I... peut prendre fin : / - avant le terme fixé à l'article 1 de la présente convention, à la demande de l'intéressée ou de l'établissement d'accueil ou d'origine / - soit par accord entre les parties, soit à l'initiative de l'une d'entre elles, dans ce dernier cas, la dénonciation doit faire l'objet d'un préavis motivé de trois mois (...) ".

3. Il résulte tant des dispositions rappelées ci-dessus que de la convention conclue le 11 février 2013 entre le président de Clermont Communauté et le président du syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération clermontoise, que la mise à disposition de Mme F...-I... pouvait prendre fin sur décision de l'établissement d'accueil, sans qu'une telle décision ne soit subordonnée à l'accord préalable de l'intéressée. Par suite, Mme F...-I..., qui ne peut dès lors utilement se prévaloir du principe de parallélisme des formes et procédures, n'est pas fondée à soutenir que la décision mettant fin à sa mise à disposition aurait été adoptée au terme d'une procédure irrégulière.

4. En deuxième lieu, il résulte de l'article 2 de cette même convention que Mme F...-I... était mise à disposition du SMTC à hauteur de 30 heures par semaine, continuant ainsi à exercer ses fonctions à hauteur de 15 % de son temps de travail environ au sein de Clermont Communauté. Par courrier du 7 mai 2015, le président du SMTC a sollicité l'accord du président de la communauté d'agglomération pour une mise à disposition à temps plein, lequel lui a été refusé par courrier du 21 mai 2015. Mme F...-I..., qui ne conteste pas sérieusement l'ampleur des projets du SMTC, ni, par suite, l'ampleur des tâches relevant des fonctions du directeur général, prétend elle-même avoir dû consacrer à ces fonctions l'équivalent d'un temps plein. Ainsi, elle ne démontre pas que la volonté du SMTC d'instaurer un poste de directeur général à temps plein était injustifiée. Un tel poste à temps plein a d'ailleurs été effectivement institué par la suite, sans que Mme F...-I... n'y postule. N'établissant nullement la réalité d'une " concertation " entre la communauté d'agglomération et le SMTC, l'intéressée ne peut utilement mettre en cause le bienfondé du refus du président de la communauté d'agglomération de consentir une mise à disposition à temps plein pour contester la décision du président du SMTC. Elle ne peut davantage utilement invoquer la qualité de son travail, lequel n'est nullement remis en cause par la décision litigieuse. Dans ces circonstances, Mme F...-I... n'est pas fondée à soutenir que la décision du président du SMTC de mettre fin à sa mise à disposition serait étrangère à l'intérêt du service ni, par suite, qu'elle procèderait d'une erreur manifeste d'appréciation.

5. En troisième lieu, comme indiqué ci-dessus, la décision du président du SMTC de mettre fin à la mise à disposition de Mme F...-I... était motivée par sa volonté d'instaurer un poste de directeur général à plein temps, poste qui a été effectivement institué ultérieurement et auquel Mme F...-I... n'a pas postulé. Par ailleurs, alors même qu'un désaccord a opposé Mme F...-I... et le président du SMTC à compter de la fin de l'année 2014 quant à la conclusion d'un avenant à un contrat de service public, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision litigieuse procèderait d'une volonté d'évincer Mme F...-I..., dès lors notamment que les courriers ou courriers électroniques qu'elle produit à cette fin sont pour certains intervenus au cours de son absence pour congé maladie, et ainsi susceptibles de s'expliquer par la nécessité d'organiser son remplacement, et sont en outre pour l'essentiel postérieurs à la demande de mise à disposition à temps complet du 7 mai 2015. Ainsi en est-il du courrier du 19 mai 2015 faisant état d'un comité de pilotage des Assises de la mobilité organisé pendant son absence, au demeurant par la communauté d'agglomération. Par ailleurs, le litige relatif aux délégations de signature qu'elle invoque n'est apparu, d'après les pièces qu'elle produit, qu'au mois de juillet 2015. Il en est de même des " alertes " invoquées par Mme F...-I... qui résulteraient de courriers électroniques intervenus à compter de la fin du mois de juin 2015 et mettant en cause, non l'intéressée, mais le directeur financier de l'établissement. Par ailleurs, ni la volonté du président du SMTC de l'évincer, ni celle de s'adresser directement à d'autres cadres plutôt qu'elle, ne ressort des courriers électroniques produits, au demeurant établis à compter de la fin du mois de juin 2015. Ainsi, le moyen tiré d'un détournement de procédure doit être écarté.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

6. En premier lieu, la décision du président du SMTC du 26 mai 2015 n'étant pas entachée d'illégalité, Mme F...-I... n'est pas fondée à s'en prévaloir à l'appui de ses conclusions indemnitaires.

7. En second lieu, aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) ".

8. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

9. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui.

10. Pour soutenir qu'elle aurait été victime de harcèlement moral, Mme F...-I... fait valoir qu'elle aurait été évincée de réunions de travail, qu'elle aurait été discréditée et déconsidérée auprès des cadres du SMTC et que sa santé psychique en aurait été altérée. Toutefois, si un désaccord a opposé Mme F...-I... et le président du SMTC à compter de la fin de l'année 2014 quant à la conclusion d'un avenant au contrat de service public conclu avec T2C, aucune pièce ne tend à démontrer que ce désaccord aurait constitué un dénigrement de sa personne. Par ailleurs, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 5 du présent arrêt, les courriers électroniques qu'elle produit tant à l'égard des Assises de la mobilité que des réunions du conseil d'administration de T2C ne permettent nullement d'établir qu'elle aurait été évincée de ces réunions par le président du SMTC. Elle n'est par ailleurs nullement mise en cause ou discréditée dans les différents courriers qu'elle produit. Enfin, il ne ressort pas des pièces médicales du dossier que la dépression dont elle souffre serait en relation avec le comportement du président du SMTC, ces pièces, notamment les notes manuscrites établies à compter du 4 mars 2014 et le certificat médical établi le 10 avril 2015, faisant essentiellement état d'un stress post-traumatique subi en 2012 et de difficultés relationnelles avec des agents de la communauté d'agglomération. Ainsi, les éléments soumis à la cour par Mme F...-I... ne permettent pas de présumer l'existence du harcèlement moral qu'elle allègue. Les conclusions à fin d'indemnisation qu'elle présente sur ce fondement ne peuvent par suite qu'être rejetées.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme F...-I... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du SMTC, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme F...-I.... Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière une somme de 700 euros au titre des frais exposés par le SMTC.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme F...-I... est rejetée.

Article 2 : Mme F...-I... versera au syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération clermontoise une somme de 700 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... F...-I... et au syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération clermontoise.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme E... A..., présidente de chambre,

M. Pierre Thierry, premier conseiller,

Mme C... G..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 25 août 2020.

2

N° 18LY02672


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02672
Date de la décision : 25/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : DMMJB AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-08-25;18ly02672 ?
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