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06/08/2020 | FRANCE | N°19LY03834

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 06 août 2020, 19LY03834


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La communauté de communes du Pays de Gex a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler la décision du 19 février 2013, confirmée le 16 juillet suivant sur recours gracieux, du directeur de la délégation Rhône-Alpes de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse, d'exclure deux stations d'épuration du dispositif d'aide à la performance des systèmes d'assainissement collectif, d'autre part, d'annuler la délibération du 27 juin 2013 du conseil d'administration de cette agence modifian

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La communauté de communes du Pays de Gex a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler la décision du 19 février 2013, confirmée le 16 juillet suivant sur recours gracieux, du directeur de la délégation Rhône-Alpes de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse, d'exclure deux stations d'épuration du dispositif d'aide à la performance des systèmes d'assainissement collectif, d'autre part, d'annuler la délibération du 27 juin 2013 du conseil d'administration de cette agence modifiant la délibération du 25 octobre 2012 relative à cette aide, et enfin, d'enjoindre à l'agence de rétablir, sur le fondement de son précédent règlement d'intervention, les conditions de fixation de la prime épuratoire des systèmes d'assainissement collectif, y compris pour les collectivités dont les effluents sont traités en Suisse.

Par un jugement n° 1307010 du 11 février 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 16LY01072 du 10 avril 2018, la cour administrative d'appel de Lyon, sur l'appel de la communauté de communes du Pays de Gex, a annulé ce jugement en tant qu'il rejetait les conclusions à fin d'annulation des décisions des 19 février et 16 juillet 2013, annulé ces décisions et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par une décision n° 421372 du 9 octobre 2019, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon dans toutes ses dispositions et lui a renvoyé l'affaire, désormais enregistrée sous le n° 19LY03834, pour qu'elle y statue de nouveau.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 mars 2016 et le 17 février 2017, la communauté de communes du Pays de Gex, représentée par la SELARL Cabinet d'avocats Philippe A... et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 11 février 2016 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler la décision du 19 février 2013 du directeur de la délégation Rhône-Alpes de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse, celle du 16 juillet 2013 du directeur du département des données redevances et relations internationales de cette même agence ainsi que la délibération du 27 juin 2013 du conseil d'administration modifiant celle du 25 octobre 2012.

3°) de mettre à la charge de l'agence de l'eau une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté pour tardivité ses conclusions dirigées contre la délibération du 27 juin 2013 qui n'a pas fait l'objet de mesures de publicité suffisantes ;

- cette délibération, qui n'est pas confirmative de celle du 25 octobre 2012, lui fait grief ;

- c'est également à tort que les premiers juges ont estimé que les décisions des 19 février et 16 juillet 2013 ne lui faisaient pas grief ; la première parce qu'elle exclut du dispositif d'aide à la performance épuratoire les stations implantées hors de France, alors que la délibération du 25 octobre 2012 ne le prévoit pas ; la seconde parce qu'elle rejette son recours gracieux à l'encontre de la décision du 19 février 2013 qui fait elle-même grief ;

- la délibération du 27 juin 2013 a été adoptée à l'issue d'une procédure irrégulière en l'absence d'avis conforme du comité de bassin ; elle n'a en outre été signée que par le seul président du conseil d'administration alors qu'il revient au directeur général le soin d'authentifier les décisions du conseil d'administration ;

- cette délibération méconnaît les conventions en matière de coopération transfrontalière ; elle est illégale en ce qu'elle fixe des critères d'éligibilité des primes à la performance épuratoire sans lien avec l'objet de l'aide et elle méconnaît le principe d'égalité de traitement des usagers du service public de l'assainissement ;

- les décisions des 19 février et 16 juillet 2013 sont illégales du fait de l'illégalité des délibérations des 25 octobre 2012 et 27 juin 2013 qui n'ont pas été précédées de l'avis conforme du comité de bassin, méconnaissent les conventions transfrontalières de coopération et posent des critères discriminatoires d'éligibilité à la prime ;

- ces décisions ne pouvaient être utilement motivées par l'impossibilité pour l'agence d'obtenir les informations nécessaires au calcul de la prime dès lors qu'elle fait partie de la commission internationale de la protection du Léman (CIPL), qu'il lui était loisible d'organiser des contrôles et qu'elle disposait des rapports de performance des stations en cause ;

- ces décisions ne pouvaient pas non plus être valablement motivées par l'absence de caractère incitatif de la prime à son égard alors qu'elle continue de financer les coûts d'exploitation et d'amortissement des deux stations d'épuration ;

- ces décisions ne pouvaient pas davantage être motivées par la réparation d'une prétendue iniquité subie par les communes connectées à des stations d'épuration sur le territoire national.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2017, l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse, représentée par la SELARL Legitima, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la communauté de communes du Pays de Gex d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable à défaut d'habilitation du président de la communauté de communes pour saisir la juridiction d'appel ;

- la demande de première instance, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, était irrecevable dès lors que les conclusions dirigées contre la délibération du 27 juin 2013 sont tardives et que cette délibération pas plus que les courriers des 19 février et 16 juillet 2013 ne font grief ;

- en tout état de cause, l'exclusion des deux stations d'épuration concernées de la prime de performance est justifiée.

Par un mémoire, enregistré le 12 novembre 2019, la communauté de communes du Pays de Gex, devenue communauté d'agglomération du Pays de Gex, représentée par la SELARL Cabinet d'avocats Philippe A... et associés, maintient ses conclusions en annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 février 2016, des décisions des 19 février et 16 juillet 2013 et de la délibération du 27 juin 2013 et demande à la cour de mettre à la charge de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse une somme de 5 000 euros au titre des frais du litige.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'ont jugé le tribunal administratif et la cour, la délibération du 27 juin 2013, qui n'avait pas fait l'objet de mesures de publicité suffisantes, a un caractère décisoire en ce qu'elle modifie la délibération du 25 octobre 2012 ;

- le Conseil d'Etat n'a pas remis en cause l'appréciation de la cour quant au caractère décisoire des courriers des 19 février et 16 juillet 2013 ;

- il ne fait pas de doute que la délibération du 27 juin 2013 devait être précédée de l'avis conforme du comité de bassin et qu'elle est entachée des illégalités internes évoquées dans ses précédents mémoires ;

- c'est à bon droit que la cour a jugé que les décisions des 19 février et 16 juillet 2013 étaient illégales du fait de l'absence d'avis conforme du comité de bassin concernant la délibération du 25 octobre 2012 ;

- la délibération du 25 octobre 2012 est entachée des mêmes vices de fond que celle du 27 juin 2013 ; les décisions des 19 février et 16 juillet 2013, qui se fondent sur cette délibération illégale, doivent être annulées par voie de conséquence ;

- les motifs de la décision du 19 février 2013 sont inexistants et illégaux.

Par un mémoire, enregistré le 4 février 2020, l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse, représentée par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens.

Elle fait valoir en outre que :

- l'analyse faite par la cour des courriers des 19 février et 16 avril 2013 ne pourra qu'être remise en cause à la lumière des conclusions du rapporteur public sous la décision du 9 octobre 2019 du Conseil d'Etat ; ces courriers n'ont pas le caractère d'actes décisoires ;

- en tout état de cause, il résulte des termes de la décision de renvoi que les délibérations sur lesquelles se fondent ces courriers n'avaient pas à être prises après consultation du comité de bassin.

Par une ordonnance du 9 janvier 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 10 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... ;

- les conclusions de Mme Vaccaro-Planchet, rapporteur public ;

- les observations de Me A..., représentant la communauté d'agglomération du Pays de Gex.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 25 octobre 2012, le conseil d'administration de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse a fixé, dans le cadre de son dixième programme pluriannuel d'intervention pour les années 2013 à 2018, les conditions générales d'attribution de la prime de performance épuratoire aux maîtres d'ouvrage des stations de traitement des eaux usées. La communauté de communes du Pays de Gex, devenue communauté d'agglomération, a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler, d'une part, la lettre du 19 février 2013 du directeur de la délégation Rhône-Alpes de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse l'informant de ce que cette aide ne lui serait plus versée à compter de 2013 au titre de deux stations situées sur le territoire suisse, ainsi que la lettre du 16 juillet 2013 du directeur des données, redevances et relations internationales de l'agence l'invitant à remplir le formulaire de déclaration de prime pour 2013, et d'autre part, la délibération du 27 juin 2013 du conseil d'administration de l'agence rétablissant cette aide au titre de la seule année 2013. Par un jugement du 11 février 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par un arrêt du 10 avril 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce jugement en tant qu'il rejetait les conclusions de la communauté de communes dirigées contre les décisions des 19 février et 16 juillet 2013. Par une décision du 9 octobre 2019, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt en toutes ses dispositions et a renvoyé l'affaire à la cour pour qu'elle soit à nouveau jugée.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Contrairement à ce qui est soutenu par l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse, le président de la communauté de communes du Pays de Gex a été régulièrement habilité pour relever appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 11 février 2016 par la délibération du 30 avril 2015 par laquelle le conseil communautaire autorise le président à " intenter au nom de la communauté de communes toute action en justice ", cette délégation valant " pour toutes les procédures en première instance, en appel et en cassation tant devant les juridictions administratives que civiles ou pénales. ".

Sur la régularité du jugement :

En ce qui concerne la délibération du 27 juin 2013 :

3. Aux termes du point 1.1 de l'article 1er de la délibération du conseil d'administration de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse du 25 octobre 2012 : " Dans le cadre de son 10ème programme, l'Agence de l'eau attribue pour les années 2013 à 2018 sur sa circonscription administrative : / - des aides à la performance épuratoire des systèmes d'assainissement collectif assises sur la pollution d'origine domestique dont l'apport au milieu naturel est supprimé ou évité (...) ". Le point 1.2 du même article précise que " L'aide est attribuée au maître d'ouvrage d'une station de traitement des eaux usées de capacité nominale supérieure à 12kg/j de DBO5 située sur la circonscription administrative de l'agence et appartenant à un système d'assainissement collectif. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le conseil d'administration de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse a décidé de n'attribuer, au titre des années 2013 à 2018, une prime de performance épuratoire qu'aux seuls maîtres d'ouvrage des stations de traitement des eaux usées situées sur le territoire de la circonscription administrative de l'agence en excluant de ce dispositif, les stations situées en dehors de ce périmètre et en particulier à l'étranger.

4. Il ressort des pièces du dossier qu'en réponse aux réactions des collectivités territoriales et de leurs groupements concernés, le conseil d'administration de l'agence a, par une délibération du 27 juin 2013, complété sa précédente délibération du 25 octobre 2012, en y ajoutant un point 2.8 intitulé " cas particulier des stations d'épuration situées en dehors de la circonscription administrative de l'agence ", rétablissant, à titre transitoire pour la seule année 2013, les primes accordées aux maîtres d'ouvrage de dispositifs de transfert, situés sur la circonscription administrative de l'agence lorsque des effluents sont traités dans une station d'épuration située en dehors de la circonscription administrative de l'agence. Ces dispositions précisent, conformément à la décision prise le 25 octobre 2012, que " pour les années 2014 à 2018, l'aide à la performance épuratoire n'est plus versée au titre des effluents traités dans une station d'épuration située en dehors de la circonscription administrative de l'agence. " Il en résulte, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Lyon, que cette délibération constitue, pour l'année 2013, une mesure favorable à la communauté de communes du Pays de Gex dont les effluents sont traités par deux stations d'épuration situées dans le canton de Genève, sur le territoire suisse. Pour les années 2014 à 2018, la délibération du 27 juin 2013 ne fait que confirmer le principe posé par celle du 25 octobre 2012 du versement de la prime de performance épuratoire au titre des seules stations de traitement des eaux usées situées dans la circonscription administrative de l'agence. Il s'ensuit que c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté les conclusions de la communauté de communes dirigées contre la délibération du 27 juin 2013 en ce que cette dernière ne lui fait pas grief.

En ce qui concerne les courriers des 19 février et 16 juillet 2013 :

5. En premier lieu, la lettre du 19 février 2013 du directeur de la délégation Rhône-Alpes de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse a pour objet d'informer le président de la communauté de communes du Pays de Gex de l'adoption de la délibération du 25 octobre 2012, des motifs ayant conduit le conseil d'administration à exclure du versement de la prime de performance épuratoire les stations de traitement des eaux usées situées en dehors de sa circonscription administrative et à en tirer les conséquences sur la situation de la communauté de communes au regard de cette prime pour les années 2013 à 2018 au titre des stations d'épuration situées en Suisse. Ce courrier constitue donc une mesure d'application de la délibération du 25 octobre 2012 du conseil d'administration de l'agence et revêt le caractère, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Lyon, d'une décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

6. En second lieu, le courrier du 16 juillet 2013 du directeur du département des données, redevances et relations internationales de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse, a non seulement pour objet d'informer le président de la communauté de communes du Pays de Gex de la reconduction, décidée à titre exceptionnel pour 2013 par le conseil d'administration de l'agence, de la prime de performance épuratoire aux maîtres d'ouvrage du bassin faisant traiter leurs effluents dans des stations d'épuration situées en dehors de la circonscription administrative de l'agence mais doit être également regardé comme rejetant le recours gracieux de la communauté de communes présenté le 4 avril 2013 en tant qu'il concerne les deux stations d'épuration situées sur le territoire suisse pour la période comprise entre 2014 et 2018, conformément à la délibération du 25 octobre 2012. Ce courrier constitue donc, comme celui du 19 février 2013, et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Lyon, une mesure d'application de la délibération du 25 octobre 2012 et revêt le caractère d'une décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir.

7. Il résulte de ce qui précède que le jugement du 11 février 2016 du tribunal administratif de Lyon doit être annulé en tant seulement qu'il a rejeté pour irrecevabilité les conclusions de la communauté de communes du Pays de Gex dirigées contre les décisions des 19 février et 16 juillet 2013. Il y a lieu pour la cour d'évoquer dans cette seule mesure et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la communauté de communes devant le tribunal administratif de Lyon.

Sur la légalité des décisions des 19 février et 16 juillet 2013 :

8. En premier lieu, par une délibération n° 2008-16 du 18 septembre 2008, le conseil d'administration de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse a, en application des dispositions des articles R. 213-39 et R. 213-40 du code de l'environnement, délégué la gestion des aides attribuées au directeur général de l'agence, lequel a par des décisions cadres des 30 août 2012 et 31 mai 2013, délégué sa signature à M. C... D..., directeur de la délégation Rhône-Alpes, pour signer les lettres d'informations personnalisées prises en matière de gestion d'aides et à Yannick Prebay, directeur du département des données redevances et relations internationales, pour signer les courriers relatifs au recours gracieux dans les domaines relevant de ses compétences. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence des signataires des courriers des 19 février et 16 juillet 2013 doit être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 213-9-1 du code de l'environnement dans sa rédaction en vigueur : " (...) le programme pluriannuel d'intervention de chaque agence de l'eau détermine les domaines et les conditions de son action et prévoit le montant des dépenses et des recettes nécessaires à sa mise en oeuvre. / (...) / Les délibérations du conseil d'administration de l'agence de l'eau relatives au programme pluriannuel d'intervention et aux taux des redevances sont prises sur avis conforme du comité de bassin, dans le respect des dispositions encadrant le montant pluriannuel global de ses dépenses et leur répartition par grand domaine d'intervention, qui font l'objet d'un arrêté conjoint des ministres chargés de l'environnement et des finances, pris après avis du Comité national de l'eau. ". L'article D. 213-23 du même code précise que, lorsqu'il est consulté sur le programme pluriannuel d'intervention ou le taux des redevances en application de l'article L. 213-9-1, le comité de bassin se prononce dans un délai d'un mois à compter de sa saisine. Enfin, l'article R. 213-39 du même code dispose que " Le conseil d'administration des agences de l'eau règle, par ses délibérations, les affaires de l'établissement. Il délibère notamment sur : (...) 2° Les programmes généraux d'activité, et notamment les programmes pluriannuels d'intervention prévus à l'article L. 213-9-1 ; (...) ; 4° Les taux des redevances prévues à l'article L. 213-10 ; (...) ; 7° Les conditions générales d'attribution des subventions et des concours financiers aux personnes publiques et privées ; (...) ".

10. Si, dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une mesure d'application d'un acte réglementaire, la légalité des règles fixées par celui-ci, la compétence de son auteur et l'existence d'un détournement de pouvoir peuvent être utilement critiquées, il n'en va pas de même des conditions d'édiction de cet acte, les vices de forme et de procédure dont il serait entaché ne pouvant être utilement invoqués que dans le cadre du recours pour excès de pouvoir dirigé contre l'acte réglementaire lui-même et introduit avant l'expiration du délai de recours contentieux.

11. Il résulte des dispositions citées au point 9 que l'obligation de recueillir l'avis conforme du comité de bassin s'applique aux seules délibérations portant sur l'adoption ou la modification du programme pluriannuel d'intervention ou sur le taux des redevances, et que les délibérations prises dans le cadre des orientations des programmes pluriannuels d'intervention qui portent sur les conditions générales d'attribution des subventions et des concours financiers aux personnes publiques et privées ne sont pas soumises à cette obligation. Par suite, le moyen, soulevé par voie d'exception, relatif à la compétence de l'auteur de l'acte, tiré de l'absence d'avis conforme du comité de bassin sur la délibération du 25 octobre 2012 du conseil d'administration de l'agence relative aux aides à la performance épuratoire décidées dans le cadre du 10ème programme pluriannuel d'intervention de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse doit être écarté comme non fondé.

12. En troisième lieu, aux termes du V de l'article L. 213-10-3 du code de l'environnement : " Lorsqu'un dispositif permet d'éviter la détérioration de la qualité des eaux, une prime est versée au maître d'ouvrage public ou privé de ce dispositif ou à son mandataire. Elle est calculée en fonction de la quantité de pollution d'origine domestique dont l'apport au milieu naturel est supprimé ou évité. La prime peut être modulée pour tenir compte du respect des prescriptions imposées au titre d'une police de l'eau. (...) ".

13. La communauté de communes du Pays de Gex soutient que, par la délibération du 25 octobre 2012 et les décisions des 19 février et 16 juillet 2013 prises pour son application, l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse refuse de reconnaître la performance épuratoire du dispositif de transfert d'une partie substantielle des eaux usées du territoire gessien vers des stations genevoises alors qu'elle a financé et encouragé ce dispositif dans le cadre de conventions transfrontalières. Néanmoins, si les décisions en litige impliquent que, pour les années 2014 à 2018, l'aide à la performance épuratoire n'est plus versée à la communauté de communes au titre des effluents traités dans les stations d'épuration d'Aïre et de Bois de Bay, situées dans le canton de Genève en Suisse, ces décisions n'ont pas pour objet de remettre en cause la coopération transfrontalière entre la communauté de communes et l'Etat de Genève s'agissant du traitement des eaux usées gessiens par des stations d'épuration genevoises.

14. En quatrième lieu, ces décisions, en ce qu'elles ne privent pas la communauté de communes du Pays de Gex de la possibilité de poursuivre la coopération transfrontalière avec le canton de Genève, ne portent pas davantage atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales ni au libre choix des modes de gestion des services publics locaux et ne créent pas de rupture d'égalité entre les usagers dès lors que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que des situations différentes soit traitées de manière différente.

15. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier, et en particulier du courrier du 19 février 2013, que les décisions d'exclure les stations d'épuration d'Aïre et de Bois de Bay du dispositif de prime de performance épuratoire au titre des années 2014 à 2018 est motivée par les circonstances que l'agence de l'eau Rhone-Méditerranée-Corse ne dispose pas de l'exhaustivité des informations nécessaires à la conduite du calcul de cette prime, que les critères nationaux de conformité du système d'assainissement ne peuvent être vérifiés, que le caractère incitatif de la prime pour une amélioration des performances est sans effet et que cette " disposition ne s'applique pas aux communes connectées à des stations d'épuration sur le territoire national, ce qui crée une iniquité. ".

16. Il résulte des dispositions du V de l'article L. 213-10-3 du code de l'environnement citées au point 12 que seul le maître d'ouvrage public ou privé d'un dispositif de traitement des eaux usées peut prétendre au bénéfice d'une prime de performance épuratoire. La circonstance que la communauté de communes du Pays de Gex était maître d'ouvrage du dispositif de transfert des eaux usées de son territoire vers deux stations d'épuration genevoises au financement desquelles elle a participé ne lui ouvre pas droit, si ce n'est à titre dérogatoire, au bénéfice de la prime de performance épuratoire, dès lors qu'elle n'est pas décisionnaire pour les travaux d'amélioration des performances de ces stations d'épuration. Au demeurant, la situation géographique de ces dispositifs de traitement prive les services de la police de l'eau de la possibilité de procéder aux contrôles de conformité à la réglementation nationale, et même européenne, alors que les collectivités, maîtres d'ouvrage de dispositifs de traitement des eaux usées situées dans la circonscription de l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse, font l'objet de tels contrôles et peuvent, le cas échéant, subir des réductions substantielles de leur prime de performance. C'est par suite sans méconnaître les dispositions du V de l'article L. 213-10-3 du code de l'environnement, ni entacher ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation que l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse a exclu les stations d'épuration d'Aïre et de Bois de Bay du dispositif de la prime de performance épuratoire au titre des années 2014 à 2018.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la communauté d'agglomération du Pays de Gex n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions des 19 février et 16 juillet 2013.

Sur les frais liés au litige :

18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1307010 du 11 février 2016 du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'annulation des décisions des 19 février et 16 juillet 2013.

Article 2 : La demande présentée par la communauté de communes du Pays de Gex devant le tribunal administratif de Lyon et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération du Pays de Gex et à l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée-Corse.

Délibéré après l'audience du 10 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 août 2020.

2

N° 19LY03834


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03834
Date de la décision : 06/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Eaux - Gestion de la ressource en eau - Organismes de gestion.

Procédure - Introduction de l'instance - Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN et THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 25/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-08-06;19ly03834 ?
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