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06/08/2020 | FRANCE | N°19LY00524

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 06 août 2020, 19LY00524


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions des 4 et 12 janvier 2017 par lesquelles la présidente de l'université Jean Monnet de Saint-Étienne a rejeté sa demande de protection fonctionnelle et de condamner ladite université à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis et de 2 134 euros de frais de procédure.

Par jugement n° 1701721 lu le 28 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure deva

nt la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 février, 19 avril et 13 d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions des 4 et 12 janvier 2017 par lesquelles la présidente de l'université Jean Monnet de Saint-Étienne a rejeté sa demande de protection fonctionnelle et de condamner ladite université à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices subis et de 2 134 euros de frais de procédure.

Par jugement n° 1701721 lu le 28 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 février, 19 avril et 13 décembre 2019, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 28 novembre 2018 ;

2°) d'annuler les décisions des 4 et 12 janvier 2017 susvisées ;

3°) d'enjoindre à la présidente de l'université Jean Monnet de Saint-Étienne de lui accorder la protection fonctionnelle ;

4°) de condamner l'université Jean Monnet de Saint-Étienne à lui verser les sommes de 10 000 euros en réparation de ses préjudices et de 6 333 euros pour les frais de procédure engagés ;

5°) de mettre à la charge de l'université Jean Monnet de Saint-Étienne une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'omission à statuer sur le moyen tiré de la violation de l'article L. 4121-2 du code du travail ;

- les décisions de refus d'octroi de la protection fonctionnelle sont entachées de vice de procédure dès lors que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail n'a pas été consulté ;

- elles méconnaissent les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elles sont entachées de détournement de pouvoir ;

- la responsabilité de l'université Jean Monnet doit être engagée en raison de l'illégalité fautive de ces décisions et du harcèlement moral qu'il a subi.

Par mémoire enregistré le 14 novembre 2019, l'université Jean Monnet de Saint-Étienne, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. E... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État ;

- le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 fixant les dispositions statutaires communes applicables aux enseignants-chercheurs et portant statut particulier du corps des professeurs des universités et du corps des maîtres de conférences ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,

- les observations de Me C... pour l'université Jean Monnet de Saint-Étienne ;

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., professeur des universités affecté au sein de l'université Jean Monnet de Saint-Étienne, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation des décisions des 4 et 12 janvier 2017 de la présidente de l'université rejetant sa demande de protection fonctionnelle ainsi que sa demande de condamnation de l'université à l'indemniser des préjudices subis.

2. Si le silence gardé par l'administration sur un recours gracieux ou hiérarchique fait naître une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement se substitue à la première décision. Il en résulte que les conclusions à fin d'annulation présentées contre la décision implicite née le 4 janvier 2017 refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle à M. E... doivent être regardées comme dirigées contre la décision explicite du 12 janvier 2017.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il ressort du dossier de première instance que M. E... ne s'est référé à l'article L. 4121-2 du code du travail qu'au soutien de son moyen tiré de l'absence de consultation du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Le tribunal ayant examiné ce moyen, il n'avait pas à se prononcer sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 4121-2 du code du travail dont il n'était pas saisi. Par suite, le jugement n'est entaché d'aucune irrégularité sur ce point.

Sur le fond du litige :

4. En premier lieu, aucune disposition n'impose à l'autorité compétente de recueillir l'avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail sur les demandes de protection fonctionnelle. Par suite, le moyen tiré du défaut de consultation de cette instance doit être écarté comme inopérant.

5. En deuxième lieu, les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée établissent à la charge de l'administration une obligation de protection de tout agent dans l'exercice de ses fonctions, à laquelle il ne peut être dérogé que pour des motifs d'intérêt général, afin de faire cesser les attaques auxquelles celui-ci est exposé et de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis. Dans la mesure où est en litige le refus de protéger un agent contre un harcèlement moral prohibé par l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 susvisée, il revient au demandeur de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement. Il incombe alors à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge et, par voie de conséquence, l'examen de la légalité du refus de protection au regard de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

6. M. E... soutient avoir subi, depuis 2005, au sein de l'université Jean Monnet de Saint-Étienne, dans laquelle il exerçait les fonctions de professeur en science des matériaux, des faits constitutifs de harcèlement moral qui justifiaient que lui soit accordée la protection fonctionnelle.

7. En outre, aux termes de l'article 2 du décret du 6 juin 1984 susvisé : " (...) Dans l'accomplissement des missions relatives à l'enseignement et à la recherche, [les enseignants-chercheurs] jouissent, conformément aux dispositions de l'article L. 952-2 du code de l'éducation, d'une pleine indépendance et d'une entière liberté d'expression, sous les réserves que leur imposent, conformément aux traditions universitaires et aux dispositions du code de l'éducation, les principes de tolérance et d'objectivité (...) " Aux termes de l'article 4 du même décret : " (...) Tout enseignant-chercheur doit avoir la possibilité de participer aux travaux d'une équipe de recherche dans des conditions fixées par le conseil d'administration, le cas échéant, dans un établissement autre que son établissement d'affectation (...) ". Aux termes de l'article 7 dudit décret : " Les fonctions des enseignants, chercheurs s'exercent dans les domaines énumérés aux articles L. 123-3 et L. 952-3 du code de l'éducation et L. 112-1 du code de la recherche. / I.- Le temps de travail de référence, correspondant au temps de travail arrêté dans la fonction publique, est constitué pour les enseignants-chercheurs : 1° Pour moitié, par les services d'enseignement déterminés par rapport à une durée annuelle de référence égale à 128 heures de cours ou 192 heures de travaux dirigés ou pratiques ou toute combinaison équivalente en formation initiale, continue ou à distance (...) 2° Pour moitié, par une activité de recherche prise en compte pour le suivi de carrière (...) III.- Dans le respect des principes généraux de répartition des services définis par le conseil d'administration (...), le président (...) de l'établissement arrête les décisions individuelles d'attribution de services des enseignants-chercheurs dans l'intérêt du service, après avis motivé, du directeur de l'unité de recherche de rattachement et du directeur de la composante formulé après consultation du conseil de la composante (...) / (...) Le service d'un enseignant-chercheur peut être modulé pour comporter un nombre d'heures d'enseignement inférieur ou supérieur au nombre d'heures de référence mentionné au I. / (...) / La modulation de service ne peut aboutir à ce qu'un enseignant-chercheur n'exerce qu'une mission d'enseignement ou qu'une mission de recherche et à ce que le service d'enseignement soit inférieur à 42 heures de cours magistral ou à 64 heures de travaux pratiques ou dirigés, ou toute combinaison équivalente (...) ".

8. Il résulte des termes mêmes des dispositions précitées que l'indépendance reconnue aux enseignants-chercheurs protège l'expression intellectuelle de leurs travaux, sans préjudice des pouvoirs d'orientation et d'organisation reconnus au président et au conseil d'administration de l'établissement. Il suit de là que les changements d'organisation induits par le rapprochement du laboratoire de rhéologie des matières plastiques de l'université Jean Monnet de Saint-Étienne, au sein duquel M. E... était affecté en qualité de directeur du groupe de recherche, et le laboratoire ingénierie des matériaux polymères du CNRS et de l'université Claude Bernard Lyon 1, relevaient de l'exercice des pouvoirs du conseil d'administration de l'université et ne sauraient, dès lors être regardés comme attentatoires à l'indépendance de M. E... ni, a fortiori, comme faisant présumer des faits de harcèlement moral auquel celui-ci devait être soustrait par application du régime de la protection fonctionnelle.

9. En outre, M. E... qui a refusé d'intégrer la nouvelle structure ainsi créée, ne saurait soutenir avoir été victime d'une mise à l'écart. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier qu'un bureau et une salle de recherche ont été mis à sa disposition, sans que M. E... ait sollicité auprès de l'université d'autres matériels ou d'autres locaux. S'il soutient que ses heures d'enseignement ont été réduites pour la seule année 2016-2017, il ne ressort pas des pièces versées que les heures d'enseignement de cours magistraux et de travaux dirigés ou pratiques qui lui ont été confiées ne répondaient pas aux exigences des dispositions de l'article 7 du décret du 6 juin 1984 précitées. Les tentatives d'intimation dont il allègue avoir été victime ne sont corroborées par aucune pièce du dossier. Enfin, s'il ressort des pièces produites que lors de campagnes de promotion au grade de professeur 1ère classe en 2010, 2011 et 2013 il a été noté " B ", il n'apporte aucun élément de nature à démontrer que cette notation ne reflétait pas sa manière de servir et surtout en quoi ses chances de promotion auraient été volontairement et indument obérées par sa hiérarchie. Dans ces conditions, l'ensemble des éléments du dossier ne permettent pas de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens des dispositions précitées de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983. Par suite, c'est sans méconnaître les textes précités que la présidente de l'université Jean Monnet de Saint-Étienne lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle en l'absence d'un tel harcèlement. La présidente de l'université ne détenant, par ailleurs, aucun pouvoir d'appréciation dès lors que les conditions d'octroi de la protection fonctionnelle sont réunies, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté comme inopérant.

10. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient M. E..., la décision en litige n'est pas fondée sur des considérations étrangères à l'objet des articles 6 quinquiès et 11 de la loi du 13 juillet 1983. Le moyen tiré du détournement de pouvoir doit donc être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation des décisions des 4 et 12 janvier 2017 rejetant sa demande de protection fonctionnelle. Par suite, les conclusions qu'il présente aux mêmes fins en appel doivent être rejetées ainsi que, en l'absence de toute faute de nature à engager la responsabilité de l'université Jean Monnet de Saint-Étienne, ses conclusions indemnitaires et ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les frais liés au litige :

12. Il résulte de ce qui vient d'être énoncé que les conclusions présentées par M. E... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... une somme à verser à l'université Jean Monnet de Saint-Étienne au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'université Jean Monnet de Saint-Étienne au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... et à l'université Jean Monnet de Saint-Étienne.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2020 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Rémy-Néris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 août 2020.

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N° 19LY00524


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00524
Date de la décision : 06/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10-005 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Garanties et avantages divers. Protection contre les attaques.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : MAZZA

Origine de la décision
Date de l'import : 25/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-08-06;19ly00524 ?
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