Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
I°) M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la délibération du 9 mai 2016 par laquelle le conseil municipal de Saint-Cirgues-en-Montagne a mis à jour le tableau de classement des voies communales et des chemins ruraux en y intégrant le chemin n° 15 dit " des Eoliennes ".
Par un jugement n° 1608213 du 19 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon rejeté sa demande.
II°) Mmes H... et G... E... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la délibération du 9 mai 2016 par laquelle le conseil municipal de Saint-Cirgues-en-Montagne a mis à jour le tableau de classement des voies communales et des chemins ruraux.
Par un jugement n° 1608079 du 13 novembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette délibération en tant qu'elle classe en chemin rural le chemin de Fioulebise au château des Eperviers.
Procédure devant la cour
I°) Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 18LY03563 les 20 septembre 2018 et 22 mai 2020, M. B..., représenté par la SCP Deygas Perrachon et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1608213 du 19 juillet 2018 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) d'annuler la délibération du 9 mai 2016 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Cirgues-en-Montagne une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il appartient à la cour de surseoir à statuer jusqu'à ce que le juge judiciaire se soit prononcé sur la propriété du chemin en litige ; il a d'ailleurs saisi le juge judiciaire de cette question ;
- la délibération est entachée de contrariété, la commune ayant fait une confusion entre les voies communales à caractère de chemin et les chemins ruraux ;
- cette délibération est illégale en ce qu'elle méconnaît l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ; le maire, par ailleurs propriétaire d'un tènement traversé par le chemin en cause, n'aurait pas dû présider la séance du conseil municipal ; il est également propriétaire d'un gîte rural desservi par ce chemin ;
- elle est illégale en ce qu'elle intègre au nombre des voies communales un chemin d'exploitation dont la commune n'est pas propriétaire ; ce même chemin n'est pas davantage un chemin rural ;
- la délibération en litige l'a privé de sa propriété sans indemnisation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2020, la commune de Saint-Cirgues-en-Montagne, représentée par la SCP Beraud-Lecat-Bouchet-Boucault, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- le chemin est affecté à l'usage du public et est donc présumé lui appartenir jusqu'à preuve du contraire ; M. B... ne produit aucun titre de propriété ;
- ce chemin ne sert pas exclusivement à la communication entre divers fonds agricoles ou exploitations mais permet de relier différentes voies publiques et hameaux ; il ne présente donc pas le caractère d'un chemin d'exploitation ;
- l'absence de publicité de la convocation au conseil municipal n'est pas de nature à entraîner la nullité de la délibération ;
- la qualification de chemin rural n'est pas de nature à imputer les frais d'entretien supportés par le maire sur le budget de la commune ; la délibération n'est pas illégale du fait qu'il a présidé la séance du conseil municipal ;
- la délibération n'avait pas à être précédée d'une enquête publique ;
- l'objet de la délibération qui porte sur l'ajout du chemin dans la catégorie des chemins ruraux est clair ; la qualification de voie communale dans le corps de la délibération relève d'une erreur matérielle sans conséquence juridique.
II°) Par une requête, enregistrée sous le n° 19LY00127 le 14 janvier 2019, la commune de Saint-Cirgues-en-Montagne, représentée par la SCP Beraud-Lecat-Bouchet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1608079 du 13 novembre 2018 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de rejeter la demande de première instance de Mmes E... ;
3°) de mettre à la charge des intimées une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le chemin en litige est un chemin ouvert à la circulation publique et répertorié comme chemin de randonnée pédestre ; il ne sert pas exclusivement à la communication entre différents fonds agricoles ou à leur exploitation et ne présente pas le caractère d'un chemin d'exploitation ; ce chemin fait l'objet de surveillance et d'entretien de sa part ;
- ce chemin est présumé lui appartenir en application de l'article L. 161-3 du code rural et de la pêche maritime ;
- la délibération en litige n'est au demeurant entachée d'aucun vice de procédure ni de détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juillet 2019, Mmes E..., représentées par la SELARL CDMF-Avocats, Affaires publiques, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Cirgues-en-Montagne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir que :
- la commune n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'éléments de nature à établir l'affectation du chemin litigieux à l'usage du public ; ce chemin a pour unique vocation la desserte des différentes propriétés forestières qu'il borde ; compte tenu de l'implantation d'éoliennes, l'accès au site est interdit au public sauf aux ayants droit ; aucun itinéraire de randonnée pédestre n'emprunte ce chemin ;
- elles apportent la preuve de la qualification de chemin d'exploitation, propriété indivise des propriétaires riverains ;
- la délibération en litige méconnaît en tout état de cause l'article L. 161-6 du code rural ainsi que les articles L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques et les articles L. 141-1 et suivants du code de la voirie routière ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un détournement de pouvoir.
Un mémoire produit pour la commune de Saint-Cirgues-en-Montagne, enregistré le 1er avril 2020, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la voirie routière ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lesieux ;
- les conclusions de Mme Vaccaro-Planchet, rapporteur public ;
- les observations de Me Litzler, représentant M. F... B... et celles de Me Martin, représentant Mmes H... et G... E....
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 9 mai 2016, le conseil municipal de la commune de Saint-Cirgues-en-Montagne (07) a approuvé la mise à jour du tableau de classement des chemins ruraux et voies communales. Sous le n° 18LY03563, M. B... relève appel du jugement du 19 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette délibération en tant qu'elle intègre dans la liste des chemins ruraux, sur une longueur de 3 500 mètres, le chemin de Fioulebise au château des Eperviers, renommé " chemin des éoliennes ", jouxtant les parcelles dont il est propriétaire. Sous le n° 19LY00127, la commune de Saint-Cirgues-en-Montagne relève appel du jugement du 13 novembre 2018 par lequel le même tribunal a annulé dans cette même mesure la délibération du 9 mai 2016, à la demande de Mmes E..., propriétaires d'autres parcelles jouxtant ce chemin.
2. Ces requêtes présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
3. Aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. ". Selon l'article L. 161-2 de ce code : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. (...) ". Aux termes de l'article L. 161-3 du même code : " Tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé. ".
4. La commune de Saint-Cirgues-en-Montagne fait valoir que le chemin de Fioulebise au château des Eperviers, désormais dit " des éoliennes ", est présumé lui appartenir dès lors en particulier qu'il permet d'accéder au parc éolien de la commune et qu'il n'est ainsi pas seulement destiné à désenclaver les fonds qu'il dessert. Pour renverser cette présomption, M. B... et Mmes E... revendiquent chacun la propriété indivise du chemin en cause, en se prévalant, en particulier, d'un acte notarié de partage d'indivision établi en 1969 et 1970 qui énonce que le tènement des Narces, dont sont issues par division foncière les parcelles leur appartenant, intégrait le chemin litigieux, lequel faisait dès lors partie de l'indivision. S'il résulte de cet acte que le partage des parcelles constitutives du tènement des Narces s'est effectué de part et d'autre du chemin de Fioulebise au château des Eperviers, aucune pièce du dossier ne permet de tenir pour acquis de manière certaine et manifeste, la propriété ou l'absence de propriété du chemin au bénéfice des propriétaires des parcelles issues du partage en général, et de M. B... et Mmes E... en particulier. Par suite, l'appréciation du bien-fondé de la contestation tirée de ce que le chemin en cause, identifié comme un chemin rural de la commune de Saint-Cirgues-en-Montagne par la délibération du 9 mai 2016, constituerait la propriété indivise des propriétaires des parcelles le jouxtant, présente une difficulté sérieuse dont l'appréciation relève de la seule compétence du juge judiciaire.
5. Aux termes de l'article R. 771-2 du code de justice administrative : " Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction judiciaire, la juridiction administrative initialement saisie la transmet à la juridiction judiciaire compétente. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle. "
6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt, qu'il y a lieu, en application des dispositions précitées de l'article R. 771-2 du code de justice administrative, de saisir le tribunal de grande instance de Privas, au demeurant déjà saisi par M. B..., et de surseoir à statuer sur la requête de ce dernier et celle de la commune de Saint-Cirgues-en-Montagne jusqu'à ce que la juridiction judiciaire se soit prononcée sur la question préjudicielle relative à la propriété de l'assiette du chemin de Fioulebise au château des Eperviers, objet de la délibération en litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur les requêtes n° 18LY03563 de M. B... et 19LY00127 de la commune de Saint-Cirgues-en-Montagne jusqu'à ce que le tribunal de grande instance de Privas se soit prononcé sur la propriété de l'assiette du chemin de Fioulebise au château des Eperviers.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B..., à la commune de Saint-Cirgues-en-Montagne, à Mmes H... et G... E... et au tribunal de grande instance de Privas.
Délibéré après l'audience du 10 juillet 2020, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président de chambre,
Mme Michel, président-assesseur,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 août 2020.
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N° 18LY03563, 19LY00127