Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La commune de Jons a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le département du Rhône à lui verser une somme de 242 682,10 euros en réparation du préjudice qu'elle soutient avoir subi du fait de l'illégalité des délibérations des 18 mai 2010, 1er octobre 2010, 3 septembre 2014 et 28 octobre 2014.
Par un jugement n° 1410299 du 12 avril 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 12 juin 2018 et des mémoires enregistrés le 29 avril 2019 et le 2 décembre 2019, la commune de Jons, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 12 avril 2018 ;
2°) de condamner le département du Rhône à lui verser la somme de 242 682,10 euros ;
3°) de mettre à la charge du département du Rhône une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu à tous ses arguments ;
- les délibérations en cause sont entachées d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation dans la définition des critères de la nouvelle répartition du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle provenant de l'écrêtement des bases de l'aéroport Lyon Saint-Exupéry au profit des communes concernées et défavorisées ;
- la délibération du 18 mai 2010 qui intègre la commune de Diémoz au titre des communes concernées est entachée d'une erreur de fait ;
- les délibérations en cause méconnaissent le principe de sécurité juridique en modifiant brusquement et substantiellement les conditions de répartition au profit des communes défavorisées ;
- elle évalue son préjudice en tant que commune concernée pour les années 2010 à 2014 à la somme de 225 315 euros ;
- elle évalue son préjudice en tant que commune défavorisée pour les années 2010 à 2014 à la somme de 17 367,10 euros.
- ces préjudices sont directement imputables aux délibérations illégales des commissions départementale et interdépartementale.
Par des mémoires en défense enregistrés les 14 mars et 17 septembre 2019, le département du Rhône, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la commune de Jons la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 7611 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le département du Rhône ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général des impôts ;
- le décret n° 88-988 du 17 octobre 1988 ;
- la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E...,
- les conclusions de Mme C...,
- et les observations de Me B..., représentant la commune de Jons et celles de Me D... représentant le département du Rhône.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Jons relève appel du jugement du 12 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département du Rhône à lui verser une somme de 242 682,10 euros en réparation du préjudice qu'elle soutient avoir subi du fait de l'illégalité des délibérations des 18 mai 2010 puis 3 septembre 2014 de la commission commune aux départements du Rhône et de l'Isère procédant à la répartition des ressources du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle provenant de l'écrêtement des bases de l'aéroport Lyon Saint-Exupéry pour l'année 2009 ainsi que des délibérations des 1er octobre 2010 et 28 octobre 2014 de la commission permanente du conseil général du Rhône répartissant au profit des communes défavorisées du département du Rhône une fraction des sommes affectées à ce fonds.
2. Les décisions de la commission interdépartementale commune aux départements du Rhône et de l'Isère du 18 mai 2010 et de la commission permanente du conseil général du Rhône en date du 1er octobre 2010 ont été annulées par le tribunal administratif de Lyon par un jugement devenu définitif n° 1102193-1102196 du 4 avril 2013.
3. La commission interdépartementale commune aux départements du Rhône et de l'Isère s'est réunie le 3 septembre 2014 et a retenu une répartition identique à celle précédemment adoptée le 18 mai 2010. Une somme de 40 059 euros a ainsi été attribuée à la commune de Jons. Sur le fondement de cette décision, la commission permanente du conseil général du Rhône a, par une délibération du 28 octobre 2014, dressé la liste des communes défavorisées du département et réparti entre elles la somme de 575 707 euros. Une somme de 8 859,63 euros a été reversée à ce titre à la commune de Jons. Par l'arrêt n° 18LY02177 de ce jour, la Cour a confirmé l'annulation de ces décisions.
4. Si la commune de Jons demande la condamnation du département du Rhône à l'indemniser du préjudice subi du fait de l'illégalité de ces décisions, le préjudice qu'elle invoque et qu'elle évalue à la somme de 242 682,10 euros, correspond à la différence entre les sommes qu'elle percevait jusqu'en 2010 et celles perçues à compter de 2010 au titre de l'année 2009.
5. L'annulation des délibérations litigieuses des 18 mai et 1er octobre 2010 a été prononcée pour un vice de procédure. L'annulation des délibérations des 3 septembre et 28 octobre 2014 a été prononcée compte tenu de l'incompétence de la commission interdépartementale, due à la circonstance que le département de l'Isère n'avait pas procédé à une demande de répartition interdépartementale du produit du fonds de péréquation. Ainsi, ce vice d'incompétence résulte dans les circonstances de l'espèce d'un vice de procédure.
6. Lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité pour un vice de procédure d'une décision administrative, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer, en premier lieu, la nature de cette irrégularité procédurale puis, en second lieu, de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, la même décision aurait pu être légalement prise dans le cadre d'une procédure régulière.
7. Il résulte de l'instruction que les délibérations litigieuses prévoient que les communes situées dans les zones A et B du plan d'exposition au bruit (PEB), correspondant aux zones de bruit fort, reçoivent une partie du montant à répartir au titre du critère de proximité sur la base d'un ratio de 1 et que les communes dont des locaux d'habitation sont situés dans la zone C du PEB, zone de bruit modéré, reçoivent une partie du montant à répartir au titre de ce critère sur la base d'un ratio de 0,5. La référence au zonage établi par le PEB permet ainsi de prendre en considération les nuisances générées par l'aéroport. Ce critère n'est en outre pas exclusif, dès lors que le critère d'hébergement, qui permet une répartition entre les communes qui hébergent au moins 10 salariés de l'établissement, représentant avec leur famille au moins 1 % de la population totale de la commune et les communes accueillant des ouvrages nécessaires au fonctionnement de l'aéroport et créateurs de nuisances, est intégré à hauteur de 30 % pour la répartition des produits du fonds départemental. Dans ces conditions, et alors même que la commune de Jons, classée en zone C, subirait des contraintes aussi importantes que les communes classées en zones A et B concernant la limitation des constructions, la superficie de son territoire couvert par le PEB, la population concernée et les autres nuisances subies, elle n'est pas fondée à soutenir que les critères de répartition ne seraient pas adaptés, alors même qu'ils n'intègrent pas le plan de prévention du bruit dans l'environnement (PPBE) approuvé le 25 octobre 2011.
8. L'exercice du pouvoir réglementaire implique pour son détenteur la possibilité de modifier à tout moment les normes qu'il définit sans que les personnes auxquelles sont, le cas échéant, imposées de nouvelles contraintes puissent invoquer un droit au maintien de la réglementation existante. En principe, les nouvelles normes ainsi édictées ont vocation à s'appliquer immédiatement, dans le respect des exigences attachées au principe de non-rétroactivité des actes administratifs. La commune de Jons n'avait ainsi aucun droit acquis au maintien des sommes qui lui étaient précédemment accordées. Ainsi que l'a relevé le tribunal, elle ne démontre pas que des mesures transitoires étaient nécessaires. Par suite, la commune de Jons n'est pas fondée à soutenir que le principe de sécurité juridique aurait été méconnu.
9. Les éléments produits ne suffisent pas à établir que le pylône prévu sur le territoire de la commune de Diémoz pour les besoins du fonctionnement de l'aéroport n'aurait pas été réalisé. Le moyen tiré de ce que les délibérations litigieuses seraient entachées d'une erreur de fait doit dès lors être écarté.
10. Compte tenu de ce qui précède, et notamment de la nature et de la gravité de l'irrégularité dont sont entachées les délibérations litigieuses, la même décision aurait pu être légalement prise dans le cadre d'une procédure régulière.
11. Il résulte de ce qui précède que la commune de Jons n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande indemnitaire.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du département du Rhône, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre la somme de 2 000 euros à la charge de la commune de Jons à verser au département du Rhône au titre des frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de Jons est rejetée.
Article 2 : La commune de Jons versera la somme de 2 000 euros au département du Rhône en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Jons et au département du Rhône.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2020, à laquelle siégeaient :
M. d'Hervé, président,
Mme E..., premier conseiller,
Mme Lesieux, premier conseiller.
Lu en audience publique le 6 août 2020.
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N° 18LY02197