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09/07/2020 | FRANCE | N°19LY03983

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 09 juillet 2020, 19LY03983


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... E... alias M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions en date du 13 mai 2019 par lesquelles le préfet de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a désigné un pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 1903808 du 30 septembre 2019, la magistrate désignée par la présidente du tribunal ad

ministratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requêt...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... E... alias M. A... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions en date du 13 mai 2019 par lesquelles le préfet de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a désigné un pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 1903808 du 30 septembre 2019, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 29 octobre 2019, M. A... E... alias M. C... E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 septembre 2019 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler les décisions du 13 mai 2019 par lesquelles le préfet de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a désigné un pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet a commis une erreur sur son identité et par suite sur sa durée de présence dans son pays d'origine ;

- les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ont été méconnues ;

- des circonstances humanitaires justifiaient que l'interdiction de retour ne soit pas prononcée ;

- il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- le préfet n'a pas tenu compte de sa situation personnelle et a entaché sa décision d'interdiction de retour d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2020, le préfet de l'Ain conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme I..., présidente-assesseure ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C... E..., né le 12 mai 1989 de nationalité congolaise alias M. A... E..., de nationalité angolaise, né le 14 juillet 1967, déclare être entré en France le 10 novembre 2014 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour. Le préfet de l'Ain a prescrit à M. A... E..., par des décisions du 30 mai 2019, une obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a désigné un pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois. M. E... se disant de nationalité congolaise et se prénommer Samy relève appel du jugement qui a rejeté sa demande d'annulation des décisions du 30 mai 2019.

2. En premier lieu, si M. E... soutient que le préfet de l'Ain a commis une erreur sur son identité, il admet avoir utilisé les deux identités notamment lors de son entrée sur le territoire français et n'apporte aucune pièce probante permettant d'établir l'erreur alléguée. Le préfet de l'Ain a instruit sa demande en tenant compte de cette situation en précisant notamment qu'il est père d'un enfant né en France et qu'il se prévaut d'un concubinage avec une ressortissante angolaise, mère de cet enfant. Par suite, l'arrêté litigieux n'est pas entaché d'un défaut d'examen de la situation de M. E....

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

4. Il est constant que l'épouse de M. E..., dont il n'établit pas être séparé, et ses cinq enfants résident au Congo. En produisant des attestations de son père et de sa soeur, il n'établit pas qu'il n'a plus de liens avec ces derniers. Si M. E... fait valoir être père d'une enfant née en France et que la mère de cette dernière, sa compagne, de nationalité angolaise, est titulaire d'une carte de résident et également parent d'une enfant qui a la qualité de réfugié, il n'établit pas, en produisant seulement, comme en première instance, une simple attestation de sa compagne peu circonstanciée, entretenir des liens avec cette dernière et leur enfant ou subvenir à ses besoins. Ainsi, dans ces circonstances, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale et à l'intérêt supérieur de son enfant une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision, et méconnaîtrait par suite les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Pour les mêmes motifs, le requérant n'est pas non plus fondé à soutenir que le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

5. En troisième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...). La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. E... a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 16 décembre 2015 qu'il n'a pas exécutée. Il s'est vu refuser, sur ce fondement, tout délai de départ volontaire pour exécuter la mesure d'éloignement prise à son encontre. Sur ce seul motif, le préfet pouvait prononcer une interdiction de retour sur le territoire sur le fondement des dispositions précitées. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que la décision portant obligation de quitter le territoire ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation. M. E... ne justifie pas notamment subvenir aux besoins de sa fille, de sa mère et des enfants de cette dernière. En se bornant à soutenir qu'il est francophone, intégré et a des liens familiaux et privés sur le territoire, il ne fait état d'aucune circonstance humanitaire justifiant que l'autorité administrative ne prononçât pas d'interdiction de retour. Par ailleurs, s'il ne représente pas une menace pour l'ordre public, il conserve des liens dans son pays d'origine, son épouse, ses cinq enfants, son père et sa soeur. Dans ces conditions, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet de l'Ain a, par la décision litigieuse, décidé de lui faire interdiction de retour en France pendant six mois.

7. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 4, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de l'Ain a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la requête présentée par M. E... doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E... alias M. C... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme G... B..., présidente de chambre,

Mme I..., présidente-assesseure,

Mme F... H..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2020.

2

N° 19LY03983


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03983
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : GRIMALDI - MOLINA et ASSOCIÉS - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-07-09;19ly03983 ?
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