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09/07/2020 | FRANCE | N°18LY02726

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 09 juillet 2020, 18LY02726


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association interdépartementale agréée de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets sur les eaux du domaine public et M. E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 11 avril 2016 par laquelle le préfet de la Savoie a refusé de renouveler les licences de pêche aux engins et aux filets à compter du 1er janvier 2017 sur les eaux du lac du Bourget, ensemble la décision du 1er août 2016 rejetant le recours gracieux de l'association.

Par un jugement n° 1605523 du 2

8 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procéd...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association interdépartementale agréée de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets sur les eaux du domaine public et M. E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 11 avril 2016 par laquelle le préfet de la Savoie a refusé de renouveler les licences de pêche aux engins et aux filets à compter du 1er janvier 2017 sur les eaux du lac du Bourget, ensemble la décision du 1er août 2016 rejetant le recours gracieux de l'association.

Par un jugement n° 1605523 du 28 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 juillet 2018 et un mémoire enregistré le 19 décembre 2019, l'association interdépartementale agréée de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets sur les eaux du domaine public, représentée par Me Da Costa (SELAS Da Costa -Dos Reis), avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 mai 2018 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de la Savoie du 11 avril 2016 et du 1er août 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions litigieuses ont été adoptées au terme d'une procédure irrégulière, à défaut de consultation préalable de la commission technique départementale prévue par l'article R. 435-14 du code de l'environnement ;

- les décisions litigieuses ont été adoptées au terme d'une procédure irrégulière, à défaut pour l'ADAPAEF d'avoir été préalablement invitée à présenter ses observations ;

- les articles 18 et 30 du décret du 10 novembre 1994, depuis codifiés aux articles R. 436-24 et suivants du code de l'environnement, qui ont supprimé la possibilité de déroger à l'interdiction pour les pêcheurs amateurs de pêcher aux engins et filets dans les eaux de première catégorie et dans certains grands lacs intérieurs, sont contraires aux principes constitutionnels de clarté, d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ;

- une telle suppression ne pouvait être décidée par le pouvoir réglementaire, en application de l'article L. 436-5 du code de l'environnement et de l'article 4 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen ;

- une telle suppression est disproportionnée ;

- les décisions litigieuses méconnaissent l'article 37 et la section 2 du cahier des charges pour l'exploitation du droit de pêche de l'Etat ;

- les décisions litigieuses sont irrégulières dès lors qu'elles remettent en cause des actes créateurs de droit et ont une portée rétroactive contraire à l'article 2 du code civil ;

- elles méconnaissent la note du 28 janvier 2016 du ministre en charge de l'écologie.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 novembre 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il expose que les moyens soulevés sont soit inopérants, soit infondés et doivent être écartés.

Par ordonnance du 3 décembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 10 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code de l'environnement ;

- le décret n° 58-873 du 16 septembre 1958 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... D..., première conseillère ;

- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 11 avril 2016, le préfet de la Savoie a refusé de renouveler les licences de pêche amateur aux engins et aux filets qui étaient jusqu'alors délivrées aux membres de l'association interdépartementale agréée de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets sur les eaux du domaine public dans les eaux du lac du Bourget. L'association relève appel du jugement du 28 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision, ensemble celle du 1er août 2016 rejetant son recours gracieux.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'environnement : " I. - Le droit de pêche appartient à l'Etat et est exercé à son profit : 1° Dans le domaine public de l'Etat défini à l'article 1er du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure, sous réserve des cas dans lesquels le droit de pêche appartient à un particulier en vertu d'un droit fondé sur titre ; 2° Dans les parties non salées des cours d'eau et canaux non domaniaux affluant à la mer, qui se trouvaient comprises dans les limites de l'inscription maritime antérieurement aux 8 novembre et 28 décembre 1926. Ces parties sont déterminées par décret (...) ". L'article L. 436-5 du même code dispose que : " Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions dans lesquelles sont fixés, éventuellement par bassin : (...) 4° Les dimensions des filets, engins et instruments de pêche dont l'usage est permis ; (...) 6° Les filets, engins et instruments de pêche qui sont interdits comme étant de nature à nuire au peuplement des eaux visées par le présent titre ; 7° Les procédés et modes de pêche prohibés ; (...)10° Le classement des cours d'eau, canaux et plans d'eau en deux catégories : a) La première catégorie comprend ceux qui sont principalement peuplés de truites ainsi que ceux où il paraît désirable d'assurer une protection spéciale des poissons de cette espèce ; b) La seconde catégorie comprend tous les autres cours d'eau, canaux et plans d'eau soumis aux dispositions du présent titre ". L'article R. 434-25 du code de l'environnement prévoit que : " Les pêcheurs amateurs aux engins et aux filets exerçant sur les eaux du domaine public doivent adhérer à l'association agréée de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets sur les eaux du domaine public du département dans lequel ils pratiquent cette pêche (...) ". Aux termes de l'article R. 435-2 du même code : " Les eaux mentionnées à l'article L. 435-1 sont divisées en lots. Dans chaque lot, sans préjudice des décisions de mise en réserve, le droit de pêche exercé par les pêcheurs amateurs aux lignes, par les pêcheurs amateurs aux engins et aux filets dans les eaux du domaine public et par les pêcheurs professionnels en eau douce fait l'objet d'exploitations distinctes ". L'article R. 435-10 dudit code prévoit que : " I.- Les locataires de droit de pêche et les titulaires de licences s'engagent à se conformer aux prescriptions du cahier des charges pour l'exploitation du droit de pêche de l'Etat, établi par le préfet, après avis du directeur départemental ou, le cas échéant, régional des finances publiques ou, à Saint-Pierre-et-Miquelon, du directeur des finances publiques (...) ". Son article R. 436-24 prévoit que : " I.- Dans les eaux de la 2e catégorie mentionnées au 1° de l'article L. 435-1, les membres des associations départementales agréées de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets sur les eaux du domaine public peuvent pêcher au moyen d'engins, de filets et de lignes dont la nature, les dimensions et le nombre sont définis dans le cadre de la location du droit de pêche de l'Etat. II.- Seuls peuvent être autorisés : 1° Plusieurs filets de type Araignée ou de type Tramail, d'une longueur cumulée maximum de 60 mètres, ou un carrelet de 25 mètres carrés de superficie au maximum, ou un filet de type Coulette dont l'écartement des branches est inférieur ou égal à 3 mètres, ou un filet de type Coul de 1,50 mètre de diamètre maximum ; 2° Un épervier ; 3° Trois nasses ; 4° Des bosselles à anguilles, des nasses de type anguillère, à écrevisses, à lamproie, au nombre total de six au maximum, dont au plus trois bosselles à anguilles ou nasses de type anguillère ; 5° Des balances à écrevisses, des balances à crevettes, au nombre total de six au maximum ; 6° Des lignes de fond munies pour l'ensemble d'un maximum de dix-huit hameçons ; 7° Trois lignes de traînes munies au plus de deux hameçons chacune ; (...) 9° Quatre lignes montées sur canne et munies chacune de deux hameçons au plus ou de trois mouches artificielles au plus ". Enfin, en application de l'article R. 436-36 du même code : " Le ministre chargé de la pêche en eau douce fixe la liste des grands lacs intérieurs et des lacs de montagne pour lesquels le préfet peut établir par arrêté une réglementation spéciale pouvant porter dérogation aux prescriptions des articles R. 436-6, R. 436-7, R. 436-15, R. 436-16, R. 436-18, R. 436-21, R. 436-23, R. 436-26 et au 5° du I de l'article R. 436-32 (...) ".

3. En premier lieu, il résulte de la combinaison des dispositions des articles R. 436-24 et R. 436-36 du code de l'environnement précédemment rappelées que les membres des associations départementales agréées de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets sur les eaux du domaine public ne peuvent pêcher au moyen d'engins, de filets et de lignes que dans les eaux de la seconde catégorie sans que le préfet ne puisse y déroger. Contrairement à ce que prétend l'association requérante, en mentionnant notamment la détermination des " dimensions des filets, engins et instruments de pêche dont l'usage est permis " et " le classement (...) des plans d'eau ", l'article L. 436-5 du code de l'environnement habilitait le pouvoir réglementaire à définir les catégories de pêcheurs autorisés à pêcher et les moyens utilisables, le cas échéant à titre dérogatoire, selon les catégories d'eaux en cause. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la suppression de la possibilité pour le préfet de déroger à l'interdiction pour les pêcheurs amateurs de pratiquer la pêche aux engins et filets dans les eaux de première catégorie, laquelle résulte d'un décret du 23 décembre 1985, excéderait la compétence du pouvoir réglementaire. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen doit également être écarté.

4. En deuxième lieu, l'association requérante ne saurait utilement invoquer la motivation, selon elle confuse et contradictoire, du jugement attaqué pour soutenir que la suppression de cette faculté pour le préfet de déroger à l'interdiction pour les pêcheurs amateurs de pratiquer la pêche aux engins et filets dans les eaux de première catégorie porterait atteinte à l'objectif constitutionnel de clarté, d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme. En outre, elle définit elle-même clairement la portée de cette suppression, en indiquant que désormais les pêcheurs aux engins et aux filets ne peuvent être autorisés à titre dérogatoire à pêcher dans les plans d'eau de première catégorie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'objectif constitutionnel de clarté, d'accessibilité et d'intelligibilité de la norme doit être écarté.

5. En troisième lieu, dans la mesure où les pêcheurs amateurs ne pouvaient précédemment être autorisés à pratiquer la pêche aux engins et filets dans les eaux de première catégorie qu'à titre dérogatoire et où les eaux de première catégorie nécessitent, selon l'article L. 436-5 du code de l'environnement, une protection particulière en vue de la préservation des truites qui les peuplent, l'association requérante ne démontre pas que la suppression de cette possibilité pour le préfet d'y déroger serait disproportionnée, en se bornant à invoquer les autorisations dont continuent à disposer les pêcheurs professionnels, lesquels se trouvent dans une situation différente de celle des pêcheurs amateurs, au vu notamment, outre de leur situation de professionnel de la pêche, de l'engagement à participer à la gestion durable des ressources piscicoles qu'ils doivent souscrire et du nombre limité de licences qui leur sont destinées. En outre, cette suppression n'a pas pour effet de mettre fin à la pratique de la pêche amateur aux engins et aux filets, laquelle reste autorisée dans les eaux de deuxième catégorie. Dans ces conditions, le moyen tiré du caractère disproportionné de la suppression par le pouvoir réglementaire de toute possibilité de déroger à l'interdiction de la pêche amateur aux engins et aux filets dans les eaux de première catégorie doit être écarté.

6. En quatrième lieu, les décisions litigieuses n'ayant pas de portée rétroactive et ne procédant pas au retrait de décisions créatrices de droit précédemment délivrées, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de sécurité juridique doit, en tout état de cause, être écarté.

7. En cinquième lieu, l'association requérante ne peut utilement se prévaloir de la note du 28 janvier 2016 du ministre en charge de l'écologie, laquelle est dépourvue de portée réglementaire.

8. En sixième lieu, si le cahier des charges pour l'exploitation du droit de pêche de l'Etat, approuvé par arrêté préfectoral du 28 juin 2016 en vertu des articles R. 435-10 et R. 435-11 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à compter du 1er janvier 2017, mentionne, en introduction de la section 2 de son chapitre V, que " la pêche aux engins et filets n'est autorisée que sur le lac du Bourget ", son article 37 précise que celle-ci est exercée par les membres de l'association de pêche professionnelle. Ainsi, ce cahier des charges ne prévoit pas l'exercice de la pêche aux engins et filets par des pêcheurs amateurs. Par suite, l'association requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir que les décisions en litige seraient contraires à ces dispositions.

9. Enfin, le lac du Bourget étant classé en première catégorie en vertu de l'article 71 du décret du 16 septembre 1958 déterminant le classement des cours d'eau en deux catégories, le préfet de la Savoie était dès lors tenu de ne pas renouveler les licences jusqu'alors irrégulièrement délivrées aux pêcheurs amateurs aux engins et aux filets. Le préfet de la Savoie s'étant ainsi trouvé en situation de compétence liée, les moyens tirés de vices de procédure tenant au défaut de consultation préalable de la commission technique départementale de la pêche prévue par l'article R. 435-14 du code de l'environnement et de l'absence d'invitation préalable à présenter à ses observations doivent être écartés comme inopérants.

10. Il résulte de tout ce qui précède que l'association interdépartementale agréée de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets sur les eaux du domaine public n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par l'association interdépartementale agréée de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets sur les eaux du domaine public.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association interdépartementale agréée de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets sur les eaux du domaine public est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association interdépartementale agréée de pêcheurs amateurs aux engins et aux filets sur les eaux du domaine public et au ministre de la transition écologie et solidaire.

Copie en sera adressée au préfet de la Savoie.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme C... A..., présidente de chambre,

Mme F..., présidente-assesseure,

Mme B... D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2020.

2

N° 18LY02726


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02726
Date de la décision : 09/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : DA COSTA - DOS REIS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-07-09;18ly02726 ?
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