La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2020 | FRANCE | N°19LY00589

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 07 juillet 2020, 19LY00589


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Le Flocon a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2015 par lequel le maire des Allues a modifié l'article 1er du cahier des charges du lotissement de la Frasse, ensemble la décision du 25 mars 2016 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n°1602964 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 février 2019, et un mémoire complément

aire enregistré le 5 juin 2020, la SARL Gambetta Diffusion et la SCCV Mérifraisse, représentées ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SCI Le Flocon a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2015 par lequel le maire des Allues a modifié l'article 1er du cahier des charges du lotissement de la Frasse, ensemble la décision du 25 mars 2016 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n°1602964 du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 14 février 2019, et un mémoire complémentaire enregistré le 5 juin 2020, la SARL Gambetta Diffusion et la SCCV Mérifraisse, représentées par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 décembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande de la SCI Le Flocon ;

3°) de mettre à la charge de la SCI Le Flocon la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la majorité qualifiée définie à l'article L. 442-10 du code de l'urbanisme pour demander la modification du cahier des charges n'avait pas été réunie ; il n'y avait en effet pas lieu d'exclure de la surface des lots appartenant aux colotis favorables à la modification celles ne supportant pas de constructions ; en tout état de cause, cette surface devait être comparée à la surface totale des seuls lots destinés à la réalisation d'habitations ; il y a lieu de tenir compte de la surface des locaux accessoires, tels les garages, dans celle des lots supportant une construction ; les lots n° 17 à 19 ne font plus partie du lotissement ;

- les autres moyens soulevés en première instance par les intimés ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 17 février 2020, et un mémoire complémentaire enregistré le 18 mai 2020, la SCI Le Flocon, représentée par la SCP Bignon Lebray Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérantes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, les requérantes, qui étaient intervenantes en première instance, n'ayant pas qualité ni intérêt pour faire appel ;

- c'est à juste titre que le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 442-10 du code de l'urbanisme, alors au demeurant que seul l'accord de neuf copropriétaires est établi ; par ailleurs, il y a lieu de ne compter que pour une unité l'accord des propriétaires d'un même lot ; il n'est pas justifié de l'accord de tous les indivisaires pour le lot n° 1, de l'accord des usufruitiers de M. A..., pour le lot n° 7, d'un accord régulier du syndicat des copropriétaires du lot n° 14 ;

- les propriétaires du lotissement n'ont pas tous été informés des conséquences de la modification, et l'information fournie n'était pas suffisamment précise ;

- la modification ayant été décidée pour mettre le cahier des charges en harmonie avec les règles d'urbanisme de la commune, la modification devait être mise en oeuvre selon la procédure régie à l'article L. 442-11 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté procède d'un détournement de pouvoir.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me F... pour la SCI Le Flocon ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté en date du 3 décembre 1958, le préfet de la Savoie a approuvé le cahier des charges du lotissement " La Frasse ", situé dans la station de Méribel, sur le territoire de la commune des Allues. Par arrêté du 15 décembre 2015, le maire des Allues a modifié l'article 1er de ce cahier des charges. Par jugement du 18 décembre 2018, le tribunal administratif de Grenoble, saisi par un coloti, la SCI Le Flocon, a annulé cet arrêté, ainsi que la décision rejetant son recours gracieux. La SARL Gambetta Diffusion et la SCCV Mérifraisse, qui étaient intervenues en première instance en leur qualité respectivement de bénéficiaire d'un permis de construire et d'un arrêté de transfert de ce permis relèvent appel de ce jugement.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. La personne qui, devant le tribunal administratif, est régulièrement intervenue en défense à un recours pour excès de pouvoir n'est recevable à interjeter appel du jugement rendu contrairement aux conclusions de son intervention que lorsqu'elle aurait eu qualité, à défaut d'intervention de sa part, pour former tierce opposition au jugement faisant droit au recours. Aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision. ".

3. L'annulation de l'arrêté du maire des Allues approuvant la modification du cahier des charges du lotissement Les Frasses est de nature à préjudicier aux droits de la SARL Gambetta Diffusion, qui avait obtenu un permis de construire en vue de construire un bâtiment comprenant huit logements sur un des lots du lotissement, par arrêté du 22 janvier 2015, ainsi qu'à ceux de la SCCV Mérifraisse, à laquelle le permis de construire a été transféré. Ainsi, et sans qu'ait d'incidence à cet égard l'éventuelle illégalité de ce permis de construire, la SARL Gambetta Diffusion et la SCCV Mérifraisse, qui étaient régulièrement intervenues en défense en première instance et n'ont pas été représentées dans cette instance, sont recevables à interjeter appel du jugement du 18 décembre 2018.

Sur la légalité de l'arrêté du 15 décembre 2015 :

4. Aux termes de l'article L. 442-10 du code de l'urbanisme : " Lorsque la moitié des propriétaires détenant ensemble les deux tiers au moins de la superficie d'un lotissement ou les deux tiers des propriétaires détenant au moins la moitié de cette superficie le demandent ou l'acceptent, l'autorité compétente peut prononcer la modification de tout ou partie des documents du lotissement, notamment le règlement, le cahier des charges s'il a été approuvé ou les clauses de nature réglementaire du cahier des charges s'il n'a pas été approuvé. Cette modification doit être compatible avec la réglementation d'urbanisme applicable. ".

5. Pour l'application des règles posées par cet article dans un cas, comme celui de l'espèce, où le lotissement se compose à la fois de maisons individuelles, d'immeubles collectifs en copropriété et de constructions à usage commercial, il y a lieu, d'une part, de compter pour une unité l'avis exprimé par chaque propriétaire individuel, quel que soit le nombre des lots qu'il possède, et par chaque copropriété, regardée comme un seul propriétaire, d'autre part, de ne retenir, pour le calcul des superficies du lotissement détenues par ces propriétaires, que celles des lots destinés à la construction, à l'exclusion, par conséquent, des surfaces des lots affectés à d'autres usages, notamment des espaces communs. Par ailleurs, lorsqu'un lot est la propriété indivise de plusieurs personnes, l'accord ne peut être regardé comme acquis que lorsqu'il est donné par tous les membres de l'indivision, qui compte alors pour une unité.

6. Il ressort des pièces du dossier que, si le lotissement " la Fraisse " comportait à l'origine quarante lots, les lots 17 à 19 n'en font plus partie, ainsi qu'en attestent des arrêtés du maire des Allues en date des 20 décembre 1993 et 9 mai 1994. Selon le cahier des charges de ce lotissement et le cahier des charges modificatif approuvé en 1989, les lots 1 à 16 abritent des chalets, le lot 20 un entrepôt de stationnement couvert de gros véhicules, les lots 21 à 39 des garages. Enfin, si la destination du lot n° 40, appartenant à la commune des Allues, n'est pas précisé, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que ce lot, dont la requérante nous indique qu'il est réservé au stationnement couvert, serait affecté à un usage commun et ne devrait pas être pris en compte. Dans ces conditions, la superficie totale du lotissement est de 17 485m2. Par ailleurs, et en tenant compte du fait que les lots 22 à 28 appartiennent à la SCI Le Flocon, également propriétaire d'un garage, que les lots 21 et 29 à 34 appartiennent à une indivision, ainsi d'ailleurs qu'il ressort du tableau produit par les intimés, et que les lots 35 à 39 appartiennent à la commune des Allues, le nombre de propriétaires sur le lotissement, selon les principes énoncés au point précédent, est de dix-neuf.

7. Il ressort des divers accords écrits produits tant en première instance qu'en appel, que la demande de modification du cahier des charges a recueilli l'accord des propriétaires des lots 6, 10, 11, 12, 13, 15 et 20. Il en est de même pour le lot n° 7, sans que la SCI Le Flocon puisse utilement faire valoir que les usufruitiers du bien n'auraient pas donné leur accord, et du lot n° 14, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la personne ayant signé l'accord n'aurait pu le donner au nom du syndicat des copropriétaires de l'immeuble. Il y a lieu aussi de tenir compte de l'accord donné pour le lot n° 5, dès lors qu'il ne ressort des pièces du dossier ni que l'ensemble des indivisaires n'aurait pas donné leur accord ni, en tout état de cause, que l'accord n'aurait pas valablement été exprimé. Il a aussi recueilli celui de la commune des Allues et de l'indivision propriétaire des lots 21 et 29 à 34, laquelle ne peut compter que pour une voix. En revanche, il ne peut être tenu compte de l'accord émis par le propriétaire du lot n° 2, qui comporte une rature exprimant un désaccord sur une partie de la modification soumise à approbation. Ainsi, les propriétaires ayant donné leur accord détiennent ensemble une superficie de 11 943 m2. Dès lors, la demande de modification du cahier des charges du lotissement a recueilli l'accord de douze propriétaires, soit plus de la moitié d'entre eux, représentant 11 943 m2, soit plus des deux-tiers de la superficie. Par suite, la proposition de modification a recueilli la majorité qualifiée définie à l'article L. 442-10 du code de l'urbanisme. C'est par suite à tort que les premiers juges se sont fondés sur la méconnaissance de ces règles pour annuler l'arrêté du 15 décembre 2015 du maire des Allues.

8. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SCI Le Flocon devant le tribunal administratif et la cour.

9. En premier lieu, il appartient au maire, saisi d'une demande de modification en application des dispositions de l'article L. 442-10 du code de l'urbanisme, de veiller à ce que l'accord qui serait exprimé par la majorité qualifiée des propriétaires soit recueilli dans des conditions qui permettent, en tous cas, aux propriétaires directement intéressés par les modifications envisagées, d'en être informés et de faire valoir leurs droits en conséquence.

10. Il ressort des pièces du dossier que le document signé par les colotis ayant donné leur accord précisait clairement l'objet de la modification envisagée du cahier des charges du lotissement, qui porte sur la suppression de la limitation du nombre de logements par lots et la possibilité de permettre des constructions à usage commercial ou professionnel. En indiquant que l'extension des possibilités de construire ainsi permise sur le lotissement devrait tenir compte des règles d'urbanisme applicables, le document, qui n'a fait que rappeler l'application des règles en matière d'autorisation d'urbanisme, n'a pu induire en erreur les colotis. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'ensemble des colotis intéressés n'auraient pas reçu d'information alors que la SCI Le Flocon ne soutient pas n'avoir été elle-même destinataire d'aucune information.

11. En deuxième lieu, la modification litigieuse ayant été adoptée à l'initiative des colotis et selon la majorité qualifiée requise à l'article L. 442-10 du code de l'urbanisme, la circonstance que cette modification aurait également pu être menée à l'initiative de la commune, en vertu des dispositions de l'article L. 442-11 du même code, ne saurait caractériser un détournement de procédure.

12. En troisième lieu, si la modification du cahier des charges permet de régulariser le permis de construire délivré sur un des lots du lotissement à la SARL Gambetta Distribution, en vue de l'édification d'un chalet de huit logements, elle concerne l'ensemble des colotis et revêt un caractère d'intérêt général. Par suite, l'arrêté du 15 décembre 2015 litigieux n'est pas entaché d'un détournement de pouvoir.

13. Il résulte de ce qui précède que la SARL Gambetta Distribution et la SCCV Mérifraisse sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 15 décembre 2015 par lequel le maire des Allues a modifié l'article 1er du cahier des charges du lotissement de la Frasse et la décision du 25 mars 2016 rejetant le recours gracieux de la SCI Le Flocon, et à demander l'annulation de ce jugement et le rejet des conclusions de la demande de la SCI Le Flocon.

Sur les frais d'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les requérantes, qui ne sont pas partie perdante, versent à la SCI Le Flocon la somme qu'elle demande au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les requérantes au titre des frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 18 décembre 2018 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande de la SCI Le Flocon devant le tribunal administratif de Grenoble et le surplus des conclusions des parties en appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Gambetta Diffusion, à la SCCV Mérifraisse et à la SCI Le Flocon.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme E... G..., présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme D... C..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 7 juillet 2020.

2

N° 19LY00589

dm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00589
Date de la décision : 07/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-04-04 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Lotissements. Cahier des charges.


Composition du Tribunal
Président : Mme MARGINEAN-FAURE
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : YVANT

Origine de la décision
Date de l'import : 13/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-07-07;19ly00589 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award