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06/07/2020 | FRANCE | N°19LY01036

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 06 juillet 2020, 19LY01036


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 6 juin 2017 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé l'association pour l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées (Ladapt) Rhône à le licencier, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1708318 lu le 15 janvier 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête, enregistrée le 18 mars

2019, M. A... B..., représenté par Me Delay, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 6 juin 2017 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé l'association pour l'insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées (Ladapt) Rhône à le licencier, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Par un jugement n° 1708318 lu le 15 janvier 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête, enregistrée le 18 mars 2019, M. A... B..., représenté par Me Delay, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 15 janvier 2019 ainsi que les décisions susvisées ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision de l'inspecteur du travail est insuffisamment motivée ;

- ce dernier a méconnu le principe du contradictoire dès lors que le rapport d'audit établi le 21 mars 2017 ne lui a pas été communiqué avant la décision autorisant son licenciement ;

- les griefs qui lui sont reprochés sont prescrits ;

- leur matérialité n'est pas établie.

Par mémoire enregistré le 28 mai 2019, l'association Ladapt Rhône, représentée par Me Martinet, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'appelant la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par mémoire enregistré le 3 juin 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 13 février 2020, par ordonnance du 14 janvier 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,

- les observations de Me Delay pour M. A... B... ainsi que celles de Me Martinet pour l'association Ladapt Rhône ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B... a été recruté par l'association Ladapt Rhône en 2003 en qualité de formateur. Il exerçait depuis le 1er février 2010 les fonctions de coordinateur de la pré-orientation diagnostic d'accès à l'emploi et de coordinateur de la pré-orientation et était investi du mandat de délégué syndical d'établissement depuis le 7 novembre 2016. Par courrier du 20 avril 2017, l'association a sollicité auprès de l'inspection du travail l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire. Par décision du 6 juin 2017, l'inspecteur du travail a autorisé ce licenciement. Par une décision implicite née le 26 septembre 2017, l'inspecteur du travail a rejeté le recours gracieux formé par M. A... B... contre cette décision. M. A... B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de ces deux décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens ;

2. Aux termes de l'article R. 2421-4 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. " Le caractère contradictoire de l'enquête menée conformément aux dispositions de l'article R. 2421-4 du code du travail impose à l'inspecteur du travail, saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé fondée sur un motif disciplinaire, de mettre à même l'employeur et le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir, y compris des témoignages, et qui sont de nature à établir ou non la matérialité des faits allégués à l'appui de la demande d'autorisation. Toutefois, lorsque la communication de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui les ont communiqués, l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé et l'employeur, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur.

3. Il ressort des pièces du dossier que l'association Ladapt Rhône a fait réaliser un audit entre le 22 décembre 2016 et le 24 février 2017 à la suite de courriers, courriels et témoignages mettant en cause la gestion et le management des services de pré orientation gérés par M. A... B... et ses relations avec ses subordonnés et les intervenants au sein de ces services. Il ressort des termes mêmes du mémoire en défense de l'association sur ce point que l'audit a permis de vérifier la véracité des faits allégués par plusieurs salariés et membres des instances représentatives de l'association et, aux termes de la demande d'autorisation de licenciement adressée à l'inspecteur du travail, de " faire ressortir deux éléments majeurs " à savoir un manque de rigueur et l'altération de l'état de santé des salariés du service. Si M. A... B... a eu communication des pièces jointes par l'association Ladapt Rhône à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement adressée à l'inspection du travail, le rapport d'audit établi le 21 mars 2017 n'y figurait pas et ne lui a pas été communiqué avant que soit prise la décision autorisant son licenciement, le 6 juin 2017. Dans ces conditions, M. A... B... n'a pu être mis à même d'en demander communication ou d'en prendre connaissance, même de façon anonymisée, et n'a pu être informé de sa teneur. Si l'inspecteur du travail a relevé dans sa décision du 6 juin 2017, après avoir rappelé les griefs formulés par l'employeur à l'encontre du salarié, que " les témoignages et les documents fournis à l'appui de la demande confirment la réalité des carences managériales de M. A... B... et leur impact sur la santé de certaines salariées ", il ne ressort pas de cette décision qu'il aurait expressément écarté de son analyse le rapport d'audit en question, même s'il l'a affirmé dans un courrier ultérieur, établi pour les besoins de la cause. La procédure suivie par l'administration est ainsi entachée de défaut de contradictoire.

4. Il résulte de ce qui précède que M. A... B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 6 juin 2017. Le jugement du 15 janvier 2019 du tribunal administratif doit être annulé ainsi que la décision du 6 juin 2017 de l'inspecteur du travail et, par voie de conséquence, la décision prise sur recours gracieux née le 26 septembre 2017.

Sur les frais liés au litige :

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à M. A... B... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens et de rejeter la demande formulée par l'association Ladapt Rhône, partie perdante dans la présente instance, au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1708318 du 15 janvier 2019 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La décision du 6 juin 2017 de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de M. A... B... ainsi que sa décision implicite de rejet du recours gracieux née le 26 septembre 2017 sont annulées.

Article 3 : L'État versera à M. A... B... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à l'association Ladapt Rhône et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2020 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Rémy-Néris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 juillet 2020.

2

N° 19LY01036


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01036
Date de la décision : 06/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : CABINET ISEE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-07-06;19ly01036 ?
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