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06/07/2020 | FRANCE | N°18LY02883

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 06 juillet 2020, 18LY02883


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 7 mai 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale du Puy-de-Dôme a refusé de l'autoriser à licencier M. D... pour motif disciplinaire ainsi que les décisions du 2 novembre 2015 et du 31 décembre 2015 par lesquelles le ministre en charge du travail a confirmé la décision du 7 mai 2015 de l'inspectrice du travail et rejeté son

recours hiérarchique.

Par jugement n° 1600331 lu le 5 juin 2018, le trib...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 7 mai 2015 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale du Puy-de-Dôme a refusé de l'autoriser à licencier M. D... pour motif disciplinaire ainsi que les décisions du 2 novembre 2015 et du 31 décembre 2015 par lesquelles le ministre en charge du travail a confirmé la décision du 7 mai 2015 de l'inspectrice du travail et rejeté son recours hiérarchique.

Par jugement n° 1600331 lu le 5 juin 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé les décisions attaquées.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 juillet 2018, des mémoires enregistrés les 2 août 2018, 20 novembre 2018, 22 novembre 2018, 29 avril 2019, 4 juillet 2019 et un mémoire récapitulatif produit après l'invitation prévue par l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, enregistré le 9 janvier 2020, M. A... D..., désormais représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) de mettre à la charge de l'AFPA le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision du ministre du travail est insuffisamment motivée en droit et quant à l'absence de lien avec ses mandats ;

- les griefs tirés du refus d'effectuer un bilan professionnel et du refus de dispenser des formations " conducteur routier de marchandises tous véhicules " ne pouvaient qu'être écartés par l'autorité administrative ; ce dernier refus devait être écarté, dès lors qu'il était antérieur à la sanction du 19 décembre 2004 par laquelle l'employeur a épuisé son pouvoir disciplinaire ;

- le refus de dispenser des formations " conducteur routier de marchandises tous véhicules " ne figurait pas dans le dossier de saisine de la commission paritaire nationale de discipline en violation de la procédure disciplinaire propre à l'AFPA ;

- ce refus de dispenser des formations était légitime dès lors qu'il constitue une modification de ses conditions de travail ; l'affectation à cette formation constituait une directive illicite et le refus du salarié de s'y conformer ne peut être considéré comme fautif ;

- les faits reprochés ne sont pas suffisamment graves pour justifier un licenciement ;

- les décisions en litige sont insuffisamment motivées.

Par mémoires enregistrés les 3 avril et 31 mai 2019, l'AFPA, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. D... la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le recours de la ministre du travail est irrecevable car tardif ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par mémoire enregistré le 5 avril 2019, la ministre du travail s'associe aux conclusions de M. D... en demandant à la cour d'annuler le jugement attaqué et de rejeter le recours formé par l'AFPA.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, l'inspecteur du travail a considéré les faits reprochés comme étant fautifs mais a refusé d'accorder l'autorisation sollicitée en estimant que ces faits n'étaient pas d'une gravité suffisante ;

- le refus du salarié de dispenser certaines formations n'était pas suffisamment grave pour justifier son licenciement.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,

- les observations de Me B..., pour M. D... ;

Considérant ce qui suit :

1. L'AFPA a demandé le 9 mars 2015 à l'inspection du travail, l'autorisation de licencier pour motif disciplinaire M. D... recruté à compter du 9 mai 2000 sur un poste de formateur et investi du mandat de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) depuis le 2 octobre 2014. Par décisions du 7 mai 2015 et du 31 décembre 2015, l'inspecteur du travail puis, sur recours hiérarchique, le ministre du travail ont refusé d'autoriser le licenciement, motif pris de l'insuffisante gravité des faits. M. D..., auquel s'est associé le ministre du travail, relève appel du jugement lu le 5 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé lesdites décisions.

2. Le refus opposé par un salarié protégé à un changement de ses conditions de travail décidé par son employeur en vertu, soit des obligations souscrites dans le contrat de travail, soit de son pouvoir de direction, constitue, en principe, une faute. En cas d'un tel refus, l'employeur, s'il ne peut directement imposer au salarié ledit changement, doit, sauf à y renoncer, saisir l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement à raison de la faute qui résulterait de ce refus. Après s'être assuré que la mesure envisagée ne constitue pas une modification du contrat de travail de l'intéressé, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'apprécier si le refus du salarié constitue une faute d'une gravité suffisante pour justifier l'autorisation sollicitée, compte tenu de la nature du changement envisagé, de ses modalités de mise en oeuvre et de ses effets au regard des conditions d'exercice de son mandat. En tout état de cause, le changement des conditions de travail ne peut avoir pour objet de porter atteinte à l'exercice de ses fonctions représentatives.

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. D... a été recruté au sein du centre AFPA de Châteauroux par un contrat à durée indéterminée du 2 mai 2000 sur un emploi de Formateur " conducteur routier marchandises et voyageurs " puis a réussi en 2004 les essais professionnels en " transport de Matières dangereuses " (TDM) lui permettant de dispenser la formation s'y rapportant parmi l'ensemble des formations pouvant être prises en charges par les formateurs " conducteur routier marchandises et voyageurs ". Si par un avenant du 25 mai 2010 M. D... a été positionné en qualité de formateur expert, il a été maintenu sur son poste de formateur " conducteur routier marchandises et voyageurs ". Dès lors que la modification de l'emploi du temps proposée par l'AFPA à M. D... lui attribuait des responsabilités, une charge de travail et une rémunération équivalant à celles qu'il exerçait précédemment, cette dernière constitue une simple modification des conditions de travail, à contrat de travail inchangé. Le refus de mettre en oeuvre une telle modification des conditions de travail, conforme à son contrat, est dès lors constitutif d'une faute et son refus réitéré est d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement.

4. En deuxième lieu, s'il n'est pas contesté que le grief tiré du refus de se prêter à un bilan professionnel avait été précédemment sanctionné par l'employeur en décembre 2014 et ne pouvait fonder l'autorisation un licenciement, la demande pouvait légalement être fondée, ainsi qu'il a été dit, sur le refus de poursuivre une activité sur un poste de formateur " conducteur routier marchandises et voyageurs ".

5. En dernier lieu, le moyen soulevé par M. D..., tiré de ce que le refus de dispenser des formations " conducteur routier de marchandises tous véhicules " ne figurait pas dans le dossier de saisine de la commission paritaire nationale de discipline en violation de la procédure disciplinaire propre à l'AFPA est inopérant, dès lors que les décisions en litige ne sont pas fondées sur un tel motif.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée au mémoire du ministre du travail, que M. D... n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement attaqué le tribunal administratif a annulé les décisions de l'inspecteur du travail du 7 mai 2015 et du ministre du travail du 31 décembre 2015 refusant d'autoriser son licenciement.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'AFPA, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par l'AFPA sur ce même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes de M. D... et de la ministre du travail sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à la ministre du travail et à l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2020 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 juillet 2020.

N°18LY02883 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02883
Date de la décision : 06/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Licenciement pour faute.

Travail et emploi - Licenciements - Autorisation administrative - Salariés protégés - Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation - Licenciement pour faute - Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-07-06;18ly02883 ?
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