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06/07/2020 | FRANCE | N°18LY02179

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 06 juillet 2020, 18LY02179


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 15 janvier 2016 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale de la Haute-Loire de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi (DIRECCTE) Auvergne-Rhône Alpes a autorisé la société Défi Mode à la licencier pour motif économique.

Par jugement n° 1600434 lu le 12 avril 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejet

sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 11 juin 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 15 janvier 2016 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale de la Haute-Loire de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi (DIRECCTE) Auvergne-Rhône Alpes a autorisé la société Défi Mode à la licencier pour motif économique.

Par jugement n° 1600434 lu le 12 avril 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 11 juin 2018, et un mémoire enregistré le 2 octobre 2018, présentés pour Mme B..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1600434 du 12 avril 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'État et de la société Défi Mode la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision litigieuse n'est pas suffisamment motivée en fait et l'inspectrice du travail, en s'abstenant de tout contrôle sur la catégorie professionnelle à laquelle elle appartenait, n'a pas procédé à la vérification de la réalité de la suppression de son poste ;

- la décision en litige est entachée d'erreur de fait dès lors qu'elle n'occupait pas un poste d'aide comptable mais d'assistante administration des stocks, poste qu'elle occupait depuis le début de l'année 2015 et elle ne pouvait être licenciée au motif de la suppression d'un poste d'aide comptable qu'elle n'occupait pas ;

- la demande de licenciement présentée par la société Défi Mode était irrégulière en ce qu'elle ne précisait pas la nature du motif économique et ne mentionnait pas de suppression de poste ; par ailleurs elle renvoie à des pièces qui seraient en possession de la direction régionale des entreprises de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi alors que l'inspecteur du travail effectue normalement son travail en toute indépendance ;

- la décision litigieuse est entachée d'une erreur d'appréciation dans le respect par son employeur de son obligation légale et conventionnelle de recherche d'un reclassement ;

- il existe un lien entre son mandat et son licenciement, révélé par le motif tiré de la suppression d'un poste qu'elle n'occupait plus.

Par mémoire enregistré le 4 septembre 2018, présenté pour la société Défi Mode, elle conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 500 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,

- es observations de Me A..., pour la société Défi Mode ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Défi Mode, entreprise spécialisée dans la distribution de prêt-à-porter, d'accessoires de mode et de chaussures, dont le siège social est à Brioude (Haute-Loire), a sollicité, le 13 novembre 2015, en raison de difficultés économiques l'ayant conduite à la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi, homologué le 17 août 2015, ayant pour conséquence la suppression de cent seize postes sur quatre cent quarante-neuf, l'autorisation de procéder au licenciement, pour motif économique, de Mme B..., investie des mandats de membre titulaire du comité d'entreprise et de membre du CHSCT, qui exerçait, en dernier lieu, des fonctions d'assistante au sein du pôle " administration des stocks ". Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 15 janvier 2016 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale de la Haute-Loire de la DIRECCTE Auvergne-Rhône Alpes a autorisé la société Défi Mode à la licencier pour motif économique.

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié.

3. En premier lieu, le moyen, déjà soulevé en première instance, tiré d'une insuffisante motivation de la décision en litige, doit être écarté pour les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 2421-10 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " La demande d'autorisation de licenciement (...) d'un membre du comité d'entreprise ou d'un membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement qui l'emploie (...) / La demande énonce les motifs du licenciement envisagé (...) ". Lorsque l'employeur sollicite de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier un salarié protégé, il lui appartient de faire état avec précision, dans sa demande, ou le cas échéant dans un document joint à cet effet auquel renvoie sa demande, de la cause justifiant, selon lui, ce licenciement.

5. Il ressort des pièces du dossier et, en particulier, de la demande d'autorisation adressée à l'administration du travail le 13 novembre 2015 par la société Défi Mode, que cette demande mentionnait que le licenciement des salariés protégés, dont Mme B..., était motivé par un motif économique et s'inscrivait dans le cadre de la mise en oeuvre du plan de redressement de la société de licenciement collectif économique et du plan de sauvegarde de l'emploi résultant de l'accord collectif majoritaire du 5 août 2015 validé par la DIRECCTE le 17 août 2015, et qu'en annexe à cette demande était produite une liste de documents remis à ce service, dont une note d'information transmise au comité d'entreprise exposant les difficultés économiques rencontrées par le groupe Vivarte et l'enseigne Défi Mode ayant conduit à la mise en oeuvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi. Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, la société qui l'employait a fait état dans sa demande d'autorisation de la cause justifiant son licenciement, tiré des difficultés économiques ayant conduit à la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi et à des suppressions de postes, qui ont au demeurant été examinées par l'inspectrice du travail.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite d'une réorganisation du service financier de la société Défi Mode, entre 2014 et 2015, Mme B..., qui occupait un poste d'aide-comptable, a été affectée à des tâches au sein du pôle " administration des stocks ", nouvellement créé, correspondant toujours à des missions d'aide-comptable comme lorsqu'elle était rattachée au pôle comptable, et qu'ainsi la répartition du personnel dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi et la définition de ce poste, dans ce cadre, en tant qu'aide-comptable, dont la suppression était prévue, n'étaient pas erronées, contrairement à ce qu'affirme la requérante. Dès lors Mme B... ne peut se prévaloir de ce que l'inspectrice du travail, à laquelle au demeurant il n'appartenait pas de vérifier le bien-fondé des catégories professionnelles dont la classification avait été opérée dans le cadre de ce plan, n'aurait pas vérifié la réalité de la suppression du poste qu'elle occupait.

7. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que, comme l'a constaté l'inspectrice du travail dans la décision en litige, la société Défi Mode, après avoir effectué une recherche des postes en adéquation avec les qualifications de cette salariée, a proposé à Mme B..., par une lettre du 9 octobre 2015, des offres de reclassement, sur un poste d'assistant comptabilité au sein de la filiale Besson à Aubière soit en contrat durée indéterminée soit en contrat à durée déterminée de sept mois. Il ne ressort pas des pièces du dossier que d'autres postes correspondant à la qualification professionnelle de Mme B... aurait été disponibles dans les entreprises du groupe. Dès lors, en dépit de la circonstance que la société Défi Mode avait adressé au préalable à Mme B... un premier courrier, en date du 11 septembre 2015, lui demandant si elle acceptait de recevoir des offres de reclassement en dehors du territoire français et, le cas échéant, sous quelles restrictions éventuelles, auquel était joint un formulaire de recueil de souhaits en matière de reclassement interne que l'intéressée a retourné en précisant qu'elle n'avait aucun souhait de reclassement interne, puis, le 23 septembre 2015, une information sur la liste des postes de reclassement interne disponibles au sein du groupe et la possibilité de postuler sur les postes susceptibles de l'intéresser de manière spontanée en parallèle des propositions de reclassement interne formulées par l'employeur, Mme B... ne peut soutenir que son employeur aurait limité ses efforts de reclassement à sa volonté présumée en la matière ni, par suite, qu'il aurait méconnu son obligation légale de recherche de reclassement.

8. En cinquième lieu, l'avenant n° 38 relatif à la formation professionnelle, qui a modifié la convention collective nationale des maisons à succursales de vente au détail d'habillement du 30 juin 1972, institue une commission paritaire nationale de l'emploi et de la formation professionnelle, à laquelle n'est attribuée aucune mission en matière de reclassement externe des salariés. Ainsi, à supposer même que l'indication selon laquelle cette commission " remplit les missions définies par les textes réglementaires et conventionnels en vigueur " constitue un renvoi aux dispositions des articles 5 et 15 de l'accord national interprofessionnel du 10 février 1969 sur la sécurité de l'emploi, aucune des dispositions de la convention collective applicable à la situation de Mme B... ne faisait obligation à son employeur de saisir ou d'informer la commission paritaire nationale de l'emploi sur des difficultés de reclassement. Le moyen tiré de ce que la société Défi Mode se serait abstenu de saisir cette commission doit, dès lors, être écarté.

9. En dernier lieu, alors qu'ainsi qu'il a été dit, Mme B... ne peut se prévaloir d'une définition irrégulière des catégories professionnelles ni d'une affectation arbitraire à une catégorie professionnelle, et en dépit de la circonstance que son changement d'affectation en 2015 n'aurait pas conduit son employeur à prévoir un avenant à son contrat de travail, il ne ressort pas des pièces du dossier l'existence d'un lien entre les mandats exercés par la requérante et son licenciement.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquences, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... une somme au titre des frais liés au litige exposés par la société Défi Mode.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Défi Mode tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à la société Défi Mode et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 15 juin 2020 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 juillet 2020.

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N° 18LY02179


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02179
Date de la décision : 06/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : FLICHY GRANGÉ AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-07-06;18ly02179 ?
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