Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2013, ainsi que celles des majorations pour manquement délibéré qui lui ont été appliquées.
Par un jugement n° 1801525 du 26 mars 2019, le tribunal administratif de Lyon, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions à concurrence de 407 euros en droits et 201 euros en pénalités en ce qui concerne les contributions sociales de l'année 2013, a rejeté le surplus de cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 27 mai 2019, M. D... E..., représenté par Me Balleydier, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 mars 2019, en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande :
2°) de prononcer la décharge demandée.
Il soutient que :
- il justifie de l'utilisation à des fins professionnelles du véhicule Porsche ainsi que du caractère déductible des frais kilométriques s'y rapportant ;
- l'administration ne justifie pas l'application des pénalités pour manquement délibéré.
Par un mémoire enregistré le 18 décembre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le litige doit être circonscrit au montant mentionné dans la réclamation initiale ;
- le requérant ne justifie pas du caractère déductible des frais litigieux ;
- les pénalités pour manquement délibéré sont justifiées.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A..., présidente assesseure ;
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Sols Cera-JLM qui exerce une activité de vente et pose de carrelages, parquets et sols PVC, a fait l'objet, au cours de l'année 2016, d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration a notamment réintégré dans son résultat imposable le montant de charges correspondant au remboursement de frais de déplacement de M. E... qui en est le dirigeant et associé à hauteur de 80 % des parts sociales. Ces rehaussements des bénéfices imposables de la société ont été regardés comme correspondant à des revenus distribués au profit de M. E.... A la suite d'un contrôle sur pièces, ces revenus ont été imposés entre les mains de l'intéressé, en tant que revenus de capitaux mobiliers au titre de l'année 2013, sur le fondement des dispositions du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts. Par un jugement du 26 mars 2019, le tribunal administratif de Lyon, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions présentées par M. E... tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités dont il a fait l'objet, à concurrence de 407 euros en droits et 201 euros en pénalités en ce qui concerne les contributions sociales de l'année 2013, a rejeté le surplus de cette demande. M. E... fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
3. D'autre part, aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués (...) 2° toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ".
4. En cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées, il incombe d'abord à l'administration d'apporter la preuve de ce que ces sommes ont fait l'objet d'un désinvestissement de la part de la société versante, c'est-à-dire qu'elles n'ont pas été incorporées à son capital ou mises en réserve. Ensuite, cette preuve étant rapportée, il incombe encore à l'administration d'établir que le bénéficiaire en a effectivement disposé. Toutefois, le contribuable, qui, disposant seul des pouvoirs les plus étendus au sein de la société, est en mesure d'user sans contrôle de ses biens comme de biens qui lui sont propres et doit ainsi être regardé comme le seul maître de l'affaire, est présumé avoir appréhendé les distributions effectuées par la société qu'il contrôle.
5. Il résulte de l'instruction que le vérificateur a remis en cause les remboursements de frais de déplacement accordés par la société à son dirigeant, M. E..., pour l'utilisation de deux véhicules de marques Porsche 911 et Citroën DS3 n'appartenant pas à la société, ni même à son dirigeant pour le second, au motif que les justificatifs présentés par la société ne permettaient pas d'établir la réalité des déplacements allégués, ni leur caractère professionnel.
6. En l'absence d'éléments regardés par elle comme étant de nature à justifier de l'affectation professionnelle, et dans l'intérêt de la société, des sommes ainsi remboursées au dirigeant, l'administration a estimé que celles-ci constituaient des revenus distribués au profit de M. E.... Par le seul constat de la perception de ces sommes et en l'absence de contestation sur ce point par M. E..., l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, de ce que les sommes correspondantes ont été désinvesties.
7. Afin d'établir l'appréhension de ces sommes par M. E..., le ministre de l'action et des comptes publics fait valoir que ce dernier était, au cours de l'année d'imposition en litige, le gérant majoritaire de la société dont il possédait 80 % des parts sociales et que la direction et la gestion effective de l'affaire étaient concentrées entre ses seules mains. Le faisceau d'indices formé par ces éléments, qui ne sont pas contestés en tant que tels par M. E..., est de nature à établir que ce dernier était, au cours de cette même année, le seul maître de l'affaire. Dès lors, le ministre apporte la preuve, qui lui incombe, de l'appréhension des sommes en cause par M. E... et ce dernier, supporte, en tout état de cause, la charge d'établir que les remboursements litigieux qu'il a perçus trouvent leur justification dans des considérations conformes à l'intérêt de l'entreprise.
8. Pour justifier de la déductibilité des charges litigieuses, le requérant soutient que le kilométrage déclaré, compte tenu de son importance ne peut correspondre à une utilisation uniquement privée de ces véhicules et produit notamment un tableau récapitulant les déplacements concernés en indiquant le lieu et le motif. Toutefois, ce tableau reste insuffisamment précis en ce qu'il n'indique pas notamment les noms des clients et fournisseurs concernés. De même, les autres documents produits par le requérant consistant en une attestation datée du 25 avril 2019 indiquant que M. E... se rend régulièrement sur les chantiers avec différents véhicules dont une Porsche noire et une DS 3 noire/orange qui ne précise pas la période concernée ou une attestation de garagiste datée de 2016 ne permettent pas à eux seuls de justifier de la réalité des déplacements professionnels allégués. Enfin, alors que la société disposait déjà, pour les déplacements professionnels, de cinq véhicules utilitaires ainsi que de deux autres véhicules de marque Hyundai et Mercedes-Benz, le requérant n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'élément permettant d'établir la nécessité d'une utilisation professionnelle des véhicules litigieux. En conséquence, M. E... n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de ce que les charges correspondant au remboursement des frais liés à l'utilisation de ces véhicules ont été engagées dans l'intérêt de l'entreprise. Dès lors, l'administration était fondée à regarder les sommes correspondantes comme ayant, au sens des dispositions précitées du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts, la nature de revenus distribués au profit de M. E....
9. En second lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
10. D'une part, en retenant que M. E..., qui détenait 80 % de ses parts sociales de la SARL Sols Cera-JLM et qui avait la qualité de maître de l'affaire, ne pouvait ignorer qu'il avait indûment perçu le remboursement de frais kilométriques importants pour des déplacements effectués à titre personnel, l'administration apporte la preuve du manquement délibéré du requérant et de sa volonté d'éluder l'impôt sur ce point. D'autre part, en retenant que lors du dépôt de sa déclaration de revenus de l'année 2013, M. E... qui était le dirigeant de la SARL Sols Cera-JLM et également maître de l'affaire ne pouvait ignorer la nature et le montant des sommes que lui avaient versées à titre de salaires et qu'il a omis de déclarer, l'administration établit suffisamment l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt. Celui-ci n'est, en conséquence, pas fondé à demander la décharge des pénalités litigieuses.
11. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 11 juin 2020 à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme A..., présidente assesseure,
Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 2 juillet 2020.
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N° 19LY01980
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