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30/06/2020 | FRANCE | N°19LY03085

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 30 juin 2020, 19LY03085


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. I... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du préfet de la Drôme du 23 avril 2019 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de destination.

Par un jugement n° 1903306 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 août 2019, M. A... E..., représenté par Me Cléme

nt, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 juillet 2019 du tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. I... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du préfet de la Drôme du 23 avril 2019 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignation du pays de destination.

Par un jugement n° 1903306 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 5 août 2019, M. A... E..., représenté par Me Clément, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 juillet 2019 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de la Drôme du 23 avril 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de lui délivrer le titre de séjour sollicité ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative valant renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a estimé le préfet de la Drôme, son dossier de demande était complet ;

- le préfet a méconnu sa propre compétence, en s'abstenant de statuer sur sa demande d'autorisation de travail ;

- le préfet a entaché sa décision d'erreurs de fait en estimant qu'il n'établissait pas s'être maintenu sur le territoire français et qu'il ne justifiait pas d'une insertion socio-professionnelle ;

- le préfet a commis une erreur de droit en se fondant sur l'absence de preuve de la continuité de son séjour en France et sur l'absence d'insertion-professionnelle pour rejeter sa demande.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 août 2019, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.

Il expose que :

- la requête d'appel est irrecevable, à défaut de comporter des moyens d'appel ;

- la requête d'appel est irrecevable, l'intitulé des pièces transmises à son appui ne respectant pas la présentation imposée par l'article R. 414-3 du code de justice administrative ;

- il s'en rapporte pour le reste à ses écritures de première instance.

M. A... E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 23 octobre 2019.

Par une ordonnance du 2 janvier 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme C... F..., première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... E..., ressortissant tunisien né le 10 janvier 1989, est entré en France le 18 décembre 2014. Par décisions du 23 avril 2019, le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement. M. A... E... relève appel du jugement du 9 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention " salarié " (...) ". Selon l'article 11 de ce même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ". Dès lors, en application de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi applicable aux ressortissants tunisiens : " (...) la première délivrance de la carte de séjour temporaire et celle de la carte de séjour pluriannuelle (...) sont subordonnées à la production par l'étranger du visa de long séjour (...) ".

3. Par ailleurs, l'article L. 5221-2 du code du travail dispose que : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". En application de l'article R. 5221-11 du même code : " La demande d'autorisation de travail relevant des 4°, 8°, 9°, 13° et 14° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur (...) ". Le 8° de cet article R. 5221-3 vise notamment : " La carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", délivrée en application du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ". Enfin, l'article R. 5221-17 du même code prévoit que : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet (...). ".

4. Il résulte des stipulations et dispositions précitées qu'il appartient au préfet, lorsqu'il est saisi par un étranger résident en France sous couvert d'une carte de séjour, d'un récépissé de demande ou de renouvellement de carte de séjour ou d'une autorisation provisoire de séjour, d'une demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié accompagnée d'une demande d'autorisation de travail dûment complétée et signée par son futur employeur, de statuer sur cette double demande. S'il lui est loisible de donner délégation de signature au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi en matière de délivrance des autorisations de travail des ressortissants étrangers et ainsi de charger cette administration plutôt que ses propres services de l'instruction de telles demandes, il ne peut, sans méconnaître l'étendue de sa propre compétence, opposer à l'intéressé un défaut d'autorisation de travail.

5. En premier lieu, en rejetant la demande de titre de séjour en qualité de salarié présentée par M. A... E... au motif, notamment, qu'il ne présentait pas de contrat de travail visé par les autorités compétentes, le préfet de la Drôme s'est fondé sur un motif de fond tiré de ce que celui-ci ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour en cette qualité en application des stipulations précédemment rappelées de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988. Le préfet ne s'étant ainsi pas fondé sur le caractère incomplet de la demande déposée par M. A... E..., le moyen tiré de ce que la délivrance d'un récépissé impliquerait la reconnaissance du caractère complet de ce dossier est dépourvu d'incidence sur la légalité de la décision en litige.

6. En deuxième lieu, il est constant que M. A... E... avait produit, à l'appui de sa demande de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié ", un formulaire CERFA valant " demande d'autorisation de travail pour conclure un contrat de travail avec un salarié étranger " dûment complété et signé par l'employeur pétitionnaire. Par suite, en rejetant la demande de M. A... E... au motif qu'il ne pouvait se prévaloir d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes sans procéder à l'instruction de cette demande, le préfet de la Drôme a entaché sa décision d'une erreur de droit.

7. Toutefois, il ressort des termes mêmes de la décision en litige que, pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. A... E..., le préfet de la Drôme a également relevé que l'intéressé était entré en France sous couvert d'un visa de court séjour. Il résulte de l'instruction que le préfet de la Drôme aurait pris la même décision en se fondant sur ce seul motif, non contesté, tiré du défaut de visa de long séjour, qui suffisait à justifier la décision litigieuse.

8. En troisième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse que le préfet de la Drôme ne s'est pas fondé sur la durée du séjour en France de M. A... E..., ni sur le défaut d'insertion socio-professionnelle de celui-ci pour rejeter la demande dont il était saisi sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien, mais seulement pour apprécier le respect par sa décision des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise le préfet de la Drôme dans l'application des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien ne peut qu'être écarté.

9. Enfin, ainsi que l'ont estimé à juste titre les premiers juges, M. A... E... n'établit pas le caractère continu de son séjour en France par les pièces qu'il produit, celles-ci étant peu nombreuses au titre des années 2015 et 2016 et n'étant, pour beaucoup, pas de nature à prouver sa présence effective sur le territoire français. Par ailleurs, ne se prévalant d'aucune attache privée ou familiale sur le territoire français et n'ayant travaillé que de façon dissimulée sans engager de démarches en vue de régulariser sa situation avant 2019, il n'établit pas davantage la réalité de son insertion sociale et professionnelle. Par suite, les moyens tirés des " erreurs de fait " dont le préfet de la Drôme aurait entaché sa décision, en retenant que M. A... E... " ne prouve pas de façon irréfutable son maintien sur le territoire national " et " ne justifie pas d'une insertion socio-professionnelle stable et durable en France ", doivent être écartés.

10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que M. A... E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. I... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme D... B..., présidente de chambre,

Mme J..., présidente-assesseure,

Mme C... F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 30 juin 2020

2

N° 19LY03085


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03085
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : CLEMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-30;19ly03085 ?
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