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30/06/2020 | FRANCE | N°19LY00987

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 30 juin 2020, 19LY00987


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme F... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 mai 2016 par lequel le maire de la commune des Belleville a délivré un permis de construire à la SARL Holdispan pour la réalisation d'une résidence de tourisme ainsi que la décision de ce maire du 15 décembre 2016 portant rejet de leur demande tendant au retrait de ce permis de construire. M. D... A... est intervenu au soutien de cette demande.

Par un jugement n° 1700968 du 29 janvier 2019, le tribunal administ

ratif de Grenoble a rejeté les conclusions de cette demande dirigées contre le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme F... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 mai 2016 par lequel le maire de la commune des Belleville a délivré un permis de construire à la SARL Holdispan pour la réalisation d'une résidence de tourisme ainsi que la décision de ce maire du 15 décembre 2016 portant rejet de leur demande tendant au retrait de ce permis de construire. M. D... A... est intervenu au soutien de cette demande.

Par un jugement n° 1700968 du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de cette demande dirigées contre le permis de construire du 19 mai 2016 et a annulé la décision du maire des Belleville du 15 décembre 2016 portant rejet de la demande de retrait de ce permis de construire.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 mars 2019 et 24 mars 2020, la commune des Belleville, représentée par la SCP Vinsonneau-Paliès Noy Gauer associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 janvier 2019 en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande présentée par M. et Mme F... ;

2°) de rejeter cette demande présentée devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme F... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu que le permis de construire avait été obtenu au moyen de manoeuvres frauduleuses de nature à induire l'administration en erreur sur la consistance du terrain d'assiette ; la commune n'a pas eu connaissance de quelconques manoeuvres frauduleuses à la date de la délivrance du permis de construire querellé ou à la date de son transfert ; l'existence réelle d'une intention frauduleuse n'est pas démontrée ; la différence de superficie constatée entre l'assiette de la cession autorisée en 2011 et l'assiette du terrain effectivement cédé n'est apparue que postérieurement à la décision du 15 décembre 2016 ; le différentiel, qui a été immédiatement corrigé, résulte d'une simple erreur matérielle ; aucune raison ne viendrait justifier la fraude puisque le terrain d'assiette du projet était bien constitué d'une seule unité foncière constituée des parcelles AM 823 et AM 813 ; le retrait du permis de construire porte atteinte à l'intérêt public présidant au maintien de lits marchands sur le territoire communal ;

- les conclusions dirigées contre le permis de construire du 19 mai 2016 sont tardives ;

- les moyens dirigés contre ce permis devenu définitif sont inopérants ;

- le cahier des charges de la ZAC de Val Thorens en possession des services de la commune a en tout été de cause permis au service instructeur d'apprécier le projet au regard des dispositions de l'article R. 431-23 du code de l'urbanisme ;

- le dossier de demande comportait une promesse de concession à long terme dans un parc public de stationnement propre à justifier du respect des dispositions de l'article U 12 du règlement du PLU ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article U 7 du règlement du PLU est inopérant ; cet article est inopposable à la limite séparative entre les deux parcelles AM 823 et AM 813 situées au sein de l'assiette de la demande de permis de construire.

Par un mémoire enregistré le 27 juin 2019, M. et Mme B... et Eliane F... et M. D... A..., représentés par Schmitt avocats AARPI, concluent au rejet de la requête et demandent à la cour :

1°) d'enjoindre à la commune des Belleville de retirer le permis de construire du 19 mai 2016 dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

2°) de mettre à la charge de la commune des Belleville, de la société Holdispan et de la société Montana Origine une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le caractère déclaratif de la qualité du pétitionnaire pour déposer une demande de permis de construire est sans incidence sur la caractérisation de la fraude à la date du refus de retirer le permis de construire ; l'intention frauduleuse des sociétés pétitionnaires est caractérisée à la date du dépôt de la demande de permis de construire, a fortiori au jour de la décision de refus du retrait du permis de construire du 15 décembre 2016 ; aucune simple " erreur matérielle " ne peut être retenue ; la résolution du 25 janvier 2018 ne saurait régulariser la fraude ; la maîtrise foncière de l'ensemble de la parcelle AM 347 s'imposait pour obtenir le permis de construire de sorte que l'intention frauduleuse de détourner l'application de U 7 du règlement du PLU de Val Thorens est établie ;

- la décision du 15 décembre 2016 refusant le retrait est entachée d'illégalité.

La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 13 mai 2020 par une ordonnance du 28 avril 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G... E..., première conseillère ;

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ;

- les observations de Me C... pour la commune des Belleville ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 29 janvier 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté comme tardives les conclusions de la demande de M. et Mme F... tendant à l'annulation du permis de construire délivré le 19 mai 2016 par le maire de la commune des Belleville à la SARL Holdispan pour un projet de résidence de tourisme et a annulé la décision de ce maire du 15 décembre 2016 portant refus de retirer ce permis de construire comme étant entaché de fraude. La commune des Belleville doit être regardée comme demandant l'annulation de ce jugement en tant que, par son article 2, il a prononcé l'annulation de la décision du 15 décembre 2016.

Sur la régularité du jugement :

2. Contrairement à ce que soutient la commune des Belleville, les premiers juges ont, au point 7 de leur jugement, suffisamment exposé les raisons pour lesquels ils ont retenu l'existence d'une fraude. Si M. et Mme F... font grief aux premiers juges de n'avoir pas suffisamment caractérisé l'intention frauduleuse, un tel moyen se rattache en tout état de cause au bien-fondé de la décision juridictionnelle et reste sans incidence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Il ressort des pièces du dossier que le 12 novembre 2015, la société Holdispan, attestant avoir la qualité pour présenter une demande de permis de construire, a sollicité une telle autorisation portant sur la construction d'une résidence de tourisme de cinq étages, en extension de l'immeuble " Le Montana 1 " situé dans la station de Val Thorens. Ce permis de construire, délivré par un arrêté du 19 mai 2016, a été transféré le 21 juin 2016 à la SARL Montana Origine. M. et Mme F..., copropriétaires de la Résidence Le Montana 1, ont saisi le maire de la commune des Belleville, le 9 novembre 2016, d'une demande de retrait de ce permis en raison de la fraude, à laquelle il a refusé de faire droit, par une décision du 15 décembre 2016. Pour annuler cette décision, le tribunal administratif de Grenoble a estimé que l'appréciation portée par le maire des Belleville était entachée d'une erreur manifeste compte tenu de la gravité de la fraude, alors qu'aucun intérêt public s'attachant au maintien du permis de construire n'était invoqué.

4. En vertu d'une résolution du 6 mai 2011, l'assemblée générale du syndicat des copropriétaires de l'immeuble " Le Montana 1 " a consenti à la société Lovalsa, avec faculté de substitution, une autorisation de cession, sous conditions suspensives, d'une partie de la parcelle AM 347. Le plan annexé à l'acte de la vente conclu le 17 novembre 2016 avec la société Montana Origine, qui est pourtant présenté comme étant celui annexé à la promesse de vente du 6 mai 2011, délimite un tènement plus étendu de 51 m². Ce différentiel ne saurait être regardé comme une simple erreur matérielle, compte tenu de sa superficie non négligeable, de son emplacement stratégique pour le projet de construction, qui vient s'enchevêtrer dans la résidence " Le Montana 1 ", et de la circonstance que les sociétés requérantes sont gérées, tout comme la société Lovalsa, syndic de la copropriété de l'immeuble " Le Montana 1 ", par l'un des époux H.... Les agissements du pétitionnaire dans le but d'obtenir, d'une part, de la copropriété de l'immeuble " Le Montana 1 " la cession de cette partie de la parcelle AM 347, que n'avait pas autorisé l'assemblée générale du 6 mai 2011 et qui n'a été régularisée que le 25 janvier 2018 par le versement d'un complément de prix après que le tribunal de grande instance d'Albertville ait diligenté une saisie judiciaire de documents, d'autre part et in fine, la délivrance d'un permis de construire en extension de la résidence Le Montana 1, comme portant sur une seule unité foncière, sont constitutifs de manoeuvres frauduleuses ayant eu pour intention de tromper le service instructeur sur la qualité du pétitionnaire pour présenter la demande. La commune des Belleville, ne saurait, à cet égard, se prévaloir ni du caractère déclaratif de la demande de permis ni de son ignorance de la fraude à la date de délivrance du permis de construire pour justifier du refus de son maire de faire usage de son pouvoir de retirer le permis de construire.

5. En dépit de l'intérêt s'attachant à la création de lits marchands sur le territoire de la commune pour satisfaire à l'objectif d'attractivité touristique que comporte le schéma de cohérence territoriale de la Tarentaise, l'appréciation du maire de la commune des Belleville refusant de procéder au retrait du permis de construire du 19 mai 2016 est entachée d'une erreur manifeste en considération de la gravité de la fraude ainsi que des atteintes susceptibles de résulter du maintien du permis de construire aux intérêts privés.

6. Il résulte de ce qui précède que la commune des Belleville n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé le refus de retrait du 15 décembre 2016.

Sur les conclusions des intimés à fin d'injonction :

7. Le présent arrêt implique, eu égard au motif qui fonde l'annulation qu'il prononce, que le permis de construire du 19 mai 2016 soit retiré. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au maire des Belleville de retirer ce permis de construire dans le délai de trois mois à compter de la notification dudit arrêt.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la commune des Belleville demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge des époux F..., qui ne sont pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune des Belleville le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. et Mme F.... En revanche, M. D... A..., n'étant pas, en sa qualité d'intervenant devant le tribunal administratif, partie à la présente instance, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune des Belleville est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au maire de la commune des Belleville de retirer l'arrêté du 19 mai 2016 dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : La commune des Belleville versera la somme de 2 000 euros à M. et Mme F... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune des Belleville, à M. et Mme B... et Eliane F... et à M. D... A....

Délibéré après l'audience du 9 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme I... J..., présidente de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme G... E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 30 juin 2020.

2

N° 19LY00987

dm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00987
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-04-05 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Régime d'utilisation du permis. Retrait du permis.


Composition du Tribunal
Président : Mme MARGINEAN-FAURE
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SCP VPNG AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-30;19ly00987 ?
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