Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... G... a demandé au tribunal administratif de Lyon :
1°) de condamner la commune de Bourg-en-Bresse à lui verser les sommes de :
- 78 716,92 euros en réparation des préjudices consécutifs à son placement puis à son maintien en disponibilité d'office ;
- 90 000 euros et 40 000 euros en réparation des préjudices subis en raison de la discrimination et du harcèlement moral dont elle soutient avoir été victime ;
2°) d'enjoindre au maire de Bourg-en-Bresse de régulariser sa situation en versant les cotisations sociales non acquittées pendant sa mise en disponibilité d'office.
Par un jugement n° 1502924 du 17 janvier 2018, le tribunal administratif de Lyon a condamné la commune de Bourg-en-Bresse à verser à Mme G... la somme de 10 300,35 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 21 mars 2018, Mme G..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
2°) de condamner la commune de Bourg-en-Bresse à lui verser les sommes de :
- 71 560,84 euros au titre des rappels de salaire;
- 7 156,08 euros au titre des congés payés afférents ;
- 90 000 euros et 40 000 euros en réparation des préjudices subis en raison de la discrimination et du harcèlement moral dont elle soutient avoir été victime ;
3°) d'enjoindre au maire de Bourg-en-Bresse de régulariser sa situation en versant les cotisations sociales non acquittées pendant sa mise en disponibilité d'office.
Elle soutient que :
- la décision de mise en disponibilité d'office est illégale ;
- la commune ne l'a pas invitée à présenter une demande de reclassement ;
- elle a été discriminée en raison de son état de santé ;
- elle a fait l'objet d'un harcèlement moral.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2018, la commune de Bourg-en-Bresse, représentée par Me B..., conclut à titre principal à l'annulation du jugement attaqué, à titre subsidiaire au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de Mme G... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête qui est insuffisamment motivée est irrecevable ;
- la demande indemnitaire de Mme G... portant sur la réparation résultant d'une discrimination est irrecevable en l'absence de présentation d'une demande préalable ;
- les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-631 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;
- le décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 ;
- le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme J..., présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me I... pour la commune de Bourg-en-Bresse ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme G..., adjoint administratif de 2ème classe, affectée au sein des services de la commune de Bourg-en-Bresse a, par arrêté du 6 avril 2009, été placée en disponibilité d'office du 21 janvier au 20 juillet 2009. Cette décision de mise en disponibilité d'office a été prolongée jusqu'en janvier 2013. Elle a demandé au tribunal administratif de Lyon la réparation de divers préjudices qu'elle estimait avoir subis. Par un jugement du 17 janvier 2018, le tribunal administratif de Lyon a condamné la commune de Bourg-en-Bresse à verser à Mme G... la somme de 10 300,35 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions. Mme G... relève appel de ce jugement et réitère ses demandes de condamnation de la commune, en réparation des préjudices subis en raison de son placement en disponibilité d'office et de la discrimination et du harcèlement moral dont elle soutient avoir été victime. La commune de Bourg-en-Bresse doit être regardée comme contestant, par la voie de l'appel incident, l'indemnisation accordée à Mme G....
Sur la recevabilité de la requête d'appel de Mme G... :
2. Contrairement à ce que soutient la commune de Bourg-en-Bresse, la requête d'appel ne se borne pas à reproduire la demande formulée devant les juges de première instance. Par suite, elle répond à l'exigence de motivation posée par l'article R. 411-1 du code de justice administrative.
Sur le harcèlement moral :
3. Mme G... reprend, dans ses conclusions d'appel, ses conclusions à fin d'indemnisation du harcèlement moral invoqué sans toutefois critiquer l'irrecevabilité qui lui a été opposée par les premiers juges. Ces conclusions ne peuvent dès lors qu'être rejetées comme irrecevables.
Sur le placement de Mme G... en disponibilité d'office :
4. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence (...) / 4° bis. Après six mois consécutifs de congé de maladie pour une même affection, après un congé de longue maladie ou un congé de longue durée, les fonctionnaires peuvent être autorisés, après avis du comité médical compétent, à accomplir un service à temps partiel pour raison thérapeutique, accordé pour une période de trois mois renouvelable dans la limite d'un an pour une même affection (...) Les fonctionnaires autorisés à travailler à temps partiel pour raison thérapeutique perçoivent l'intégralité de leur traitement (...) ". Aux termes de l'article 72 de la même loi : " (...) La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus au 2° (...) de l'article 57 (...) ". Aux termes de l'article 19 du décret du 13 janvier 1986 précité : " La mise en disponibilité peut être prononcée d'office à l'expiration des droits statutaires à congés de maladie prévus au premier alinéa du 2° (...) de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que l'agent qui, à l'expiration de ses droits statutaires à congé, est reconnu inapte, définitivement ou non, à l'exercice de ses fonctions, ne peut être mis en disponibilité d'office sans avoir, au préalable, été invité à présenter une demande de reclassement.
6. L'ensemble des arrêts de travail produits par la commune établissent que Mme G... a été placée en congés statutaires de maladie sur la période du 21 janvier 2008 au 21 janvier 2009. Par suite, à la date du 20 janvier 2009 à laquelle Mme G... a été mise en disponibilité d'office, ses droits statutaires de maladie prévus au premier alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 étaient expirés. Le tribunal administratif ne pouvait dès lors estimer que l'intéressée n'avait pas perdu tout droit statutaire à congé de maladie au 21 janvier 2009.
7. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction que Mme G... aurait sollicité, avant sa mise en disponibilité d'office, un congé longue maladie ou une demande de reprise du travail à temps partiel thérapeutique. L'intéressée se borne en effet à produire une demande de réintégration à mi-temps thérapeutique du 25 janvier 2011, sur laquelle le comité médical départemental a d'ailleurs donné, le 22 février 2011, un avis défavorable en raison des périodes de mise en disponibilité. Cependant, il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Bourg-en-Bresse aurait, comme elle devait le faire, invité Mme G... à présenter une demande de reclassement. Par suite, la commune de Bourg-en-Bresse a commis une faute en plaçant Mme G... en disponibilité d'office et en renouvelant ce placement sans avoir préalablement invité la requérante à présenter une demande de reclassement.
8. Faute d'avoir été invitée à présenter une demande de reclassement, Mme G... a perdu une chance d'être reclassée et maintenue en activité durant la période au cours de laquelle elle a été placée en disponibilité d'office.
9. La commune de Bourg-en-Bresse demande, par la voie de l'appel incident, en ce qui concerne le préjudice résultant du placement en disponibilité d'office, le rejet de l'ensemble des demandes indemnitaires.
10. Il résulte de ce qui a été dit aux point précédents que le préjudice dont peut se prévaloir Mme G..., en lien avec son placement en disponibilité d'office, résulte de la perte d'une chance d'être reclassée et maintenue en activité. Il sera fait une juste d'appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 5 000 euros tous intérêts compris à la date du présent arrêt. Les conclusions principales de Mme G... tendant à l'indemnisation à hauteur de 71 560,84 euros doivent être rejetées. Les conclusions incidentes de la commune relatives à ce même préjudice lié au placement en disponibilité d'office doivent être admises à hauteur seulement de 5 000 euros.
Sur l'indemnisation du préjudice lié à la discrimination :
11. Aux termes de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 : " Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de (...) son handicap (...) une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable (...) ". Aux termes de l'article 4 de la même loi : " Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination (...) présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (...) ".
12. Mme G... a été recrutée sur un poste spécifique aménagé pour être compatible avec son handicap puisqu'à cette date la qualité de travailleur handicapé lui avait été reconnue. Il est constant qu'en 2009 le médecin de prévention, après de longs arrêts de travail a estimé qu'elle était devenue inapte à ce poste. Mme G... ne peut donc se prévaloir de la circonstance que ce poste a été occupé par un autre agent avant d'être supprimé. Comme il a été dit précédemment, la décision de placement en disponibilité d'office est justifiée par l'épuisement de ses droits statutaires de maladie, prévus au premier alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, qui étaient expirés. La circonstance que la commune a omis d'inviter Mme G... à présenter une demande de reclassement ne suffit pas à considérer que la commune de Bourg-en-Bresse aurait entaché sa décision de licenciement d'une volonté de discrimination en raison de l'état de santé et du handicap de l'intéressée. Dans ces conditions, Mme G... ne soumet pas d'éléments de fait susceptibles de faire présumer que la décision aurait reposé sur des critères entachés de discrimination. Par suite, la commune de Bourg-en-Bresse est fondée à soutenir, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions indemnitaires de Mme G... sur le fondement de la discrimination, que c'est à tort que le tribunal administratif l'a condamnée à verser à Mme G... la somme de 3 000 euros en raison d'une situation de discrimination ayant entraîné des souffrances morales.
13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté le surplus des conclusions de sa requête et que la commune de Bourg-en-Bresse est seulement fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée à verser à Mme G... une somme excédant 5 000 euros.
Sur les conclusions de la requête à fin d'injonction :
14. Le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions d'injonction de Mme G... doivent également être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge des parties les frais qu'elles ont exposés au titre du litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme G... est rejetée.
Article 2 : La somme que la commune de Bourg-en-Bresse a été condamnée à verser à Mme G... est ramenée à 5 000 euros.
Article 3: Le jugement du tribunal administratif de Lyon n° 1502924 du 17 janvier 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions incidentes de la commune de Bourg-en-Bresse est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... G... et à la commune de Bourg-en-Bresse.
Délibéré après l'audience du 2 juin 2020, à laquelle siégeaient :
Mme E... A..., présidente de chambre,
Mme K..., présidente-assesseure,
Mme D... H..., première conseillère.
Lu en audience publique le 30 juin 2020.
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N° 18LY01104