Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. J... et Mme F... E... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 4 juin 2018 par lequel le maire de la commune de Bourgoin-Jallieu a délivré un permis de construire à Mme D... B..., ainsi que la décision implicite rejetant leur recours gracieux du 5 septembre 2018.
Par une ordonnance n° 1808107 du 23 août 2019, la présidente de la 1ère chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 13 septembre et le 14 novembre 2019, M. et Mme E..., représentés par Me C..., demandent à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance de la présidente de la 1ère chambre du tribunal administratif de Grenoble du 23 août 2019 ;
2°) d'évoquer le litige et d'annuler l'arrêté du 4 juin 2018 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Bourgoin-Jallieu, la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que leur demande a été rejetée comme tardive dès lors que le pétitionnaire ne démontre pas que l'affichage aurait été effectué sur le terrain d'assiette dans des conditions permettant de déclencher le délai de recours pour les tiers ; le pétitionnaire a fait le choix d'afficher son panneau sur le portail d'entrée de sa propriété qui se trouve en retrait de la voie publique rendant difficile la lisibilité des informations qui y étaient mentionnées ; les témoignages attestant de l'affichage ne sont pas fiables ;
- ils ont intérêt pour contester le permis de construire en litige ;
- le classement en secteur Nb de la zone N dans laquelle est situé le terrain d'assiette du projet est illégal ; ce secteur n'a plus de fondement légal ; il bénéficie des possibilités de construire découlant du transfert du coefficient d'occupation des sols, lequel a été supprimé par la loi ALUR du 24 mars 2014 ; le règlement de la zone N devait être appliqué et son article N2 n'autorise pas le projet ;
- le projet méconnaît l'article N2 du règlement du PLU, applicable au secteur Nb ; la pétitionnaire a présenté son projet comme une extension d'une habitation existante alors que le bâtiment existant est à l'origine constitué d'un garage, d'une remise, de deux greniers et d'une réserve et n'est pas à vocation d'habitation ; le bâtiment ne répond pas à la condition d'insertion posée par ces dispositions par sa configuration et les revêtements choisis ;
- le projet méconnaît l'article N7 du règlement.
Par des mémoires, enregistrés le 8 janvier et le 20 février 2020, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme D... B..., représentée par la SCP Deygas Perrachon et associés conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le permis de construire dont elle est bénéficiaire a été régulièrement affiché dès le 16 juin 2018 sur le portail de sa propriété ; elle produit des témoignages attestant de cet affichage ainsi que de sa continuité ; le recours gracieux du 5 septembre 2018 était donc tardif et n'a pu interrompre le délai contentieux prévu par l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme ; la demande était manifestement irrecevable et pouvait être rejetée par ordonnance ;
- les requérants, qui se prévalent de leur seule qualité de voisin, n'ont pas intérêt pour agir ;
- à titre subsidiaire, les moyens soulevés à l'encontre du permis de construire du 4 juin 2018 ne sont pas fondés.
Par deux mémoires, enregistrés le 8 janvier et le 20 février 2020, ce dernier n'ayant pas été communiqué, Mme D... B..., représentée par la SCP Deygas Perrachon et associés, demande de condamner in solidum les requérants à lui verser la somme de 15 087,84 euros outre intérêts à titre de dommages et intérêts en application de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme et demande qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge des requérants en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les conditions du recours traduisent un comportement abusif, qui lui a causé un préjudice pouvant être évalué à la somme de 15 087,84 euros correspondant à hauteur de 12 087,84 euros aux loyers payés sur douze mois par Mme B... pour la location de son habitation et de son garage situés à Genay, qu'elle occupe en l'attente de pouvoir de se rapprocher de son fils et occuper une partie du bâtiment objet du permis de construire en litige, et à hauteur de 3000 euros pour les troubles dans les conditions d'existence.
Par deux mémoires, enregistrés le 7 février 2020 et le 20 février 2020, ce dernier n'ayant pas été communiqué, les requérants, représentés par Me C..., réitèrent leurs conclusions à fin d'annulation de l'arrêté 4 juin 2018 et concluent au rejet de la demande présentée par Mme B... au titre de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme.
La clôture de l'instruction a été fixée au 20 février 2020 par une ordonnance du 20 janvier précédent en application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme H... G..., première conseillère,
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ;
- et les observations de Me C... pour M. et Mme E... ainsi que celles de Me A... pour Mme B... ;
Et après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée pour Monsieur et Madame J... et Patricia E..., enregistrée le 28 mai 2020 ;
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 4 juin 2018, le maire de Bourgoin-Jallieu a délivré à Mme B... un permis de construire pour l'extension d'une construction existante créant 72.5 m² de surface plancher. M. et Mme E... relèvent appel de l'ordonnance du 23 août 2019 par laquelle la présidente de la 1ère chambre du tribunal administratif de Grenoble a, sur le fondement du 4° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, rejeté cette demande comme tardive.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ". Aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite ou tacite (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite (...) est acquis et pendant toute la durée du chantier. / (...) ". L'article A. 424-18 du même code prévoit que : " Le panneau d'affichage doit être installé de telle sorte que les renseignements qu'il contient demeurent lisibles de la voie publique ou des espaces ouverts au public pendant toute la durée du chantier. ".
3. Il ressort des pièces du dossier, notamment du courrier électronique de l'architecte de la pétitionnaire et des photographies jointes à celui-ci ainsi que des témoignages concordants et circonstanciés de voisins, que le permis de construire litigieux a fait l'objet d'un affichage sur une pancarte fixée sur le portail d'entrée, implanté légèrement en retrait de la voie publique, à compter du 16 juin 2018. Pour contester les éléments apportés par la pétitionnaire démontrant l'affichage régulier et continu du permis accordé le 4 juin 2018, les requérants se bornent à mettre en doute la fiabilité des témoignages versés aux débats et soutiennent que l'implantation du panneau d'affichage sur un vantail du portail en rendait, lorsque celui-ci était ouvert, la lecture difficile depuis la voie publique. Toutefois, et dès lors que le panneau est visible directement depuis la voie publique lorsque le portail est fermé, les requérants qui se prévalent notamment d'une planche de photos prises uniquement sur la journée du 5 novembre 2019 pour démontrer que le portail reste constamment ouvert malgré les entrées et sorties des pétitionnaires, ne démontrent pas, en l'espèce, que l'affichage du permis de construire n'a pas été régulier. Par ailleurs il ressort clairement de la photographie du panneau d'affichage annexée au courrier électronique précité que les renseignements qu'il contient, notamment les mentions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme relatives à la notification des recours, étaient parfaitement lisibles. De même, la nature du projet, présenté comme une extension de la construction existante en pisé pour une surface plancher de 72.50 m² et une hauteur de 4.61 mètres a permis aux voisins immédiats de bénéficier d'une information suffisante sur la consistance du projet. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que leur recours gracieux exercé le 5 septembre 2018 et notifié tant à la commune qu'à la pétitionnaire, a prolongé les délais de recours contentieux à l'encontre du permis en litige, lesquels ont expiré deux mois après le début de l'affichage, soit le 16 août 2018.
4. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la 1ère chambre du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme :
5. Aux termes de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme : " Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en oeuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. ".
6. En dépit de l'irrecevabilité de la demande de première instance, il ne résulte pas de l'instruction que le droit de M. et Mme E..., voisins immédiats du projet de construction en litige, à former un recours contre le permis de construire aurait été mis en oeuvre dans des conditions qui traduiraient de leur part un comportement abusif, que ne saurait en lui-même révéler l'appréciation portée par le premier juge relative à la tardiveté de leur demande. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées par Mme B... doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que M. et Mme E... demandent au titre des frais qu'ils ont exposés soit mise à la charge de la commune de Bourgoin-Jallieu, qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme B....
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme E... est rejetée.
Article 2 : M. et Mme E... verseront la somme de 2 000 euros à Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions présenté par Mme B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. J... et Mme F... E... et à Mme D... B... et à la commune de Bourgoin-Jallieu.
Délibéré après l'audience du 26 mai 2020 à laquelle siégeaient :
Mme I... K..., présidente
M. Thierry Besse, président-assesseur ;
Mme H... G..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 23 juin 2020.
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N° 19LY03532
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