La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/06/2020 | FRANCE | N°19LY03631

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 18 juin 2020, 19LY03631


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 3 avril 2019 qui lui a refusé un titre de séjour et lui a enjoint de quitter la France dans les trente jours vers le Maroc ou l'Italie.

Par un jugement n° 1901252 du 26 août 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 25 septembre 2019, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

) d'annuler ce jugement du 26 août 2019 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler l'arrêté pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 3 avril 2019 qui lui a refusé un titre de séjour et lui a enjoint de quitter la France dans les trente jours vers le Maroc ou l'Italie.

Par un jugement n° 1901252 du 26 août 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 25 septembre 2019, M. E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 août 2019 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler l'arrêté précité du préfet de Saône-et-Loire du 3 avril 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour mention " salarié " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- la décision relative à la demande d'autorisation de travail ne lui a pas été notifiée en méconnaissance des dispositions de l'article R. 5221-17 du code de travail ;

- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L.114-5 du code des relations entre le public et l'administration en s'abstenant de demander à l'entreprise qui devait l'employer ou à lui-même des éléments complémentaires sur les difficultés de recrutement de la zone géographique concernée par l'emploi ;

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la SARL Entreprise Privée de Sécurité a justifié de ses difficultés à recruter du personnel à temps complet pour un poste dans le département de la Haute-Savoie alors que les spécificités du poste et ses conditions d'exercice correspondaient à son profil ;

- le préfet n'a pas été procédé à un examen particulier de sa situation ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- le préfet ne pouvait prononcer cette mesure sans l'informer de l'avis de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) et de ses conséquences ;

- cette décision méconnaît le principe du droit d'être entendu consacré par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux ;

- l'avis de la DIRECCTE ne lui a pas été notifié ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité d'obligation de quitter le territoire français.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme F..., présidente-assesseure ;

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., né le 30 décembre 1973, de nationalité marocaine, déclare être entré en France en 2018. Par des décisions du 3 avril 2019, le préfet de Saône-et-Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour mention " salarié " et lui a enjoint de quitter la France dans les trente jours vers le Maroc ou l'Italie. M. E... relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon du 26 août 2019 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du 3 avril 2019 du préfet de Saône-et-Loire.

Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 5221-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La demande d'autorisation de travail relevant des 4°, 8°, 9°, 13° et 14° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur (...). ". Enfin, aux termes de l'article R. 5221-17 du même code : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger ".

3. Le moyen tiré de ce que la décision relative à la demande d'autorisation de travail n'a pas été notifiée au requérant est sans incidence sur la légalité du refus de délivrance du titre de séjour sollicité.

4. En deuxième lieu l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration dispose : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur (...) ".

5. Les dispositions précitées de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration dont se prévaut le requérant, obligent de manière générale l'administration à inviter tout demandeur à compléter sa demande lorsque celle-ci ne comporte pas toutes les pièces ou informations exigées par les textes législatifs ou réglementaires. Ces dispositions ne trouvaient pas à s'appliquer au cas d'espèce où le refus de séjour est notamment fondé sur la circonstance que la SARL Entreprise Privée de Sécurité, qui a fourni une promesse d'embauche à M. E..., n'a pas donné suite aux mises en relations qui lui avaient été adressées par Pôle emploi. Le préfet de Saône-et-Loire n'était pas tenu, pour opposer ce motif à l'intéressé, de demander des informations complémentaires à la SARL Entreprise Privée de Sécurité.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". L'accord franco-marocain renvoie ainsi, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du code du travail pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord et nécessaires à sa mise en oeuvre. Il en va notamment ainsi pour le titre de séjour " salarié ", mentionné à l'article 3 cité ci-dessus, délivré sur présentation d'un contrat de travail " visé par les autorités compétentes ", des dispositions des articles R. 5221-17 et suivants du code du travail, qui précisent les modalités selon lesquelles et les éléments d'appréciation en vertu desquels le préfet se prononce, au vu notamment du contrat de travail, pour accorder ou refuser une autorisation de travail.

7. La décision refusant à M. E... la délivrance d'un titre de séjour, qui comporte l'énoncé des considérations de droit qui en constituent le fondement et des éléments de fait qui la justifient, est suffisamment motivée. La circonstance que cette décision ne mentionne pas expressément que M. E... ne peut se prévaloir d'aucune considération humanitaire ou de motifs exceptionnels ne suffit pas à l'entacher d'insuffisance de motivation.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ". Selon l'article L. 5221-5 : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2. (...). ". En vertu de l'article R. 5221-17 du même code : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger. ". Selon l'article R. 5221-20 du même code : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : /1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes concourant au service public de l'emploi pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; /2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ;/ (...) 5° Les conditions d'emploi et de rémunération offertes à l'étranger, qui sont comparables à celles des salariés occupant un emploi de même nature dans l'entreprise ou, à défaut, conformes aux rémunérations pratiquées sur le marché du travail pour l'emploi sollicité ; /6° Le salaire proposé à l'étranger qui, même en cas d'emploi à temps partiel, est au moins équivalent à la rémunération minimale mensuelle mentionnée à l'article L. 3232-1 (...) ".

9. M. E... fait valoir qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche de la SARL Entreprise Privée de Sécurité pour un contrat de travail à durée indéterminée comme agent de prévention et de sécurité. La direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a refusé d'accorder l'autorisation de travail sollicitée en janvier 2019 aux motifs, d'une part, que ce métier n'était pas en tension, et d'autre part, que cette société n'avait donné aucune suite aux quinze mises en relation effectuées par Pôle emploi. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la SARL Entreprise Privée de Sécurité ait effectué des démarches réelles pour recruter un candidat proposé par Pôle emploi dans la zone géographique pour laquelle la demande a été formulée pour l'emploi concerné. Ce seul motif justifiait le refus d'autorisation de travail sollicitée. Par suite, le préfet de de Saône-et-Loire, en refusant de lui délivrer une autorisation de travail, n'a pas commis d'erreur d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article R. 5221-20 du code du travail et ce alors même que M. E... avait les compétences requises pour occuper ce poste.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, M. E... n'ayant pas démontré l'illégalité du refus de titre de séjour, il n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.

11. En deuxième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision en litige que le préfet de Saône-et-Loire a procédé à un examen particulier de la situation de M. E....

12. En troisième lieu, M. E... ne peut se prévaloir de la circonstance qu'il n'a pas été destinataire de l'avis de la DIRECCTE pour les mêmes raisons qu'exposées au point 3.

13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...). Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant.

14. Toutefois, il résulte également de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union. Il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles le respect de ce droit est assuré. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

15. Il ne ressort des pièces du dossier ni que M. E... ait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ni qu'il ait été empêché de présenter spontanément des observations avant que ne soit prise la décision en litige ni même, au demeurant, qu'il ait disposé d'autres éléments pertinents tenant à sa situation personnelle que ceux déjà indiqués au préfet de la Saône-et-Loire, susceptibles d'influencer sur le sens de la décision en litige. La circonstance invoquée par l'appelant selon laquelle le préfet de Saône-et-Loire ne lui a pas notifié le refus d'autorisation de travail et ses conséquences n'est pas de nature à permettre de regarder l'intéressé comme ayant été privé de son droit à être entendu. Ainsi, il n'est fondé à soutenir ni qu'il aurait été privé du droit d'être entendu ni que les droits de la défense auraient été méconnus.

16. En cinquième lieu, M. E... est entré en France en 2018. Il ne ressort pas des pièces du dossier que son épouse et ses trois enfants mineurs résidaient en France à la date de la décision en litige. Le requérant se borne à faire état de son projet professionnel, de la présence de son frère et de ses liens historiques avec le France, son père ayant combattu pour la France. Dans ces circonstances, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

17. Compte tenu de ce qui précède, M. E... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des décisions contestées. Par voie de conséquence, doivent être également rejetées les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative présentées par M. E....

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2020 à laquelle siégeaient :

Mme C... A..., présidente de chambre,

Mme F..., présidente-assesseure,

M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juin 2020.

2

N° 19LY03631


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03631
Date de la décision : 18/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : GRENIER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-18;19ly03631 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award