La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/06/2020 | FRANCE | N°18LY03630

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 18 juin 2020, 18LY03630


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes ;

Par un jugement n°1703239 du 31 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 septembre 2018, M. D... demande à la cour :

1°) d'annule

r ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 juillet 2018 ;

2°) de lui accorder la décharge ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes ;

Par un jugement n°1703239 du 31 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 septembre 2018, M. D... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 juillet 2018 ;

2°) de lui accorder la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'il a cherché à effectuer un réinvestissement à caractère économique du produit de l'entreprise qu'il a cédé, de sorte que l'apport des titres à la société financière D... ne poursuivait pas un but exclusivement fiscal et qu'ainsi, l'opération n'est ainsi pas constitutive d'un abus de droit ;

Par des mémoires enregistrés le 28 mai 2019 et le 14 mai 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que le moyen invoqué par M. D... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Savouré, premier conseiller,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de de Me E..., substituant Me B..., représentant M. Maître ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D... a créé le 22 octobre 2010 la SARL Financière D..., dont il est le seul associé, et qui a pour objet la prise de participation dans toutes sociétés constituées ou à constituer. Il lui a apporté les trois-cent-huit titres qu'il détenait dans le capital de la SAS Isobat façades, évalués à la somme de 1 001 000 euros. La plus-value résultant de cet apport a bénéficié du sursis d'imposition prévu par l'article 150-0 B du code général des impôts. Le 11 novembre 2010, soit moins de trois semaines plus tard, la SARL Financière D... a revendu ces parts pour un prix identique à leur valeur d'apport. Mettant en oeuvre la procédure de répression des abus de droit prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, l'administration a estimé que M. D... avait abusivement bénéficié du mécanisme du sursis d'imposition et a imposé la plus-value réalisée par ce dernier à l'occasion de l'apport des titres. Il a ainsi été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, notifiées selon la procédure contradictoire, assorties de majorations pour abus de droit.

2. Aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. ". Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. L'administration fiscale apporte cette preuve par la production de tous éléments suffisamment précis attestant du caractère fictif des actes en cause ou de l'intention du contribuable d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales. Dans l'hypothèse où l'administration s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au contribuable, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de la réalité des actes contestés ou de ce que l'opération litigieuse est justifiée par un motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer ses charges fiscales normales.

3. Le litige n'ayant pas été soumis au comité de répression des abus de droit prévu à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, il appartient à l'administration d'apporter la preuve que les opérations litigieuses sont constitutives d'abus de droit.

4. En vertu de l'article 150-0 B du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'année 2010, les dispositions de l'article 150-0 A du code général des impôts relatifs à l'imposition des plus-values de cession, " (...) ne sont pas applicables, au titre de l'année de l'échange des titres, aux plus-values réalisées dans le cadre (...) d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés (...) ".

5. Il résulte des dispositions de l'article 150-0 B du code général des impôts, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 30 décembre 1999 de finances pour 2000 de laquelle elles sont issues, que le législateur a, en les adoptant, entendu faciliter les opérations de restructuration d'entreprises, en vue de favoriser la création et le développement de celles-ci, par l'octroi automatique d'un sursis d'imposition pour les plus-values résultant de certaines opérations qui ne dégagent pas de liquidités. L'opération par laquelle des titres d'une société sont apportés par un contribuable à une société qu'il contrôle, puis sont immédiatement cédés par cette dernière, répond à l'objectif économique ainsi poursuivi par le législateur, lorsque le produit de cession fait l'objet d'un réinvestissement à caractère économique, à bref délai, par cette société. En revanche, en l'absence de réinvestissement à caractère économique, une telle opération doit, en principe, être regardée comme poursuivant un but exclusivement fiscal dans la mesure où elle conduit, en différant l'imposition de la plus-value, à minorer l'assiette de l'année au titre de laquelle l'impôt est normalement dû à raison de la situation et des activités réelles du contribuable.

Sur les investissements effectivement réalisés :

6. L'administration fait valoir que la SARL Financière D... a investi le produit de la cession des titres de la société Isobat façades à concurrence de 739 800 euros dans des valeurs mobilières de placement, soit à concurrence de 73,9 % des liquidités dégagées. Elle n'a investi dans une activité économique, en 2012, qu'à concurrence de 15 000 euros soit 1, 49 % des liquidités dégagées. Sa situation était similaire lors du contrôle de la SARL Financière D... en 2013. Cette société ne peut ainsi être regardée comme ayant effectué un réinvestissement économique à bref délai.

Sur les démarches effectuées en vue d'un réinvestissement :

7. M. D... soutient que la SARL Financière D... aurait effectué des démarches de réinvestissement qui n'ont pu aboutir.

8. M. D... soutient tout d'abord qu'il aurait effectué des démarches pour acquérir la société Médica confort. Il produit des extraits de comptabilité de la société Médica confort au titre des exercices clos en 2009 et 2010 et des courriers de son avocat. Le premier, daté du 8 juillet 2011, lui suggère d'investir dans cette société. Le deuxième, daté du 6 septembre 2011, l'informe du fait que le dirigeant de cette société avait été victime d'un accident vasculaire et le troisième, daté du 25octobre 2011, lui indique qu'à la suite de cet accident vasculaire, la situation de la société s'est dégradée, que le fond du dossier lui parait néanmoins solide et qu'il faut " se positionner rapidement ". Ces seuls éléments ne suffisent pas à caractériser des démarches sérieuses justifiant que l'apport litigieux ne constituaient pas un montage inspiré par un autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales de M. D....

9. M. D... soutient ensuite qu'il aurait cherché à acquérir la société Equatere. Toutefois, il ne fait que produire un courriel du cabinet de son avocat, transmettant pour information un autre courriel adressé par l'administrateur de cette société destiné à faire connaître un futur appel d'offre en vue de la reprise de son activité.

10. M. D... fait aussi valoir qu'il a finalement réinvesti en 2017 350 000 euros dans le projet " F... ". Toutefois, au soutien de ses allégations suivant lesquelles il aurait entamé des démarches en vue de cet investissement dès avril 2013, il se borne à produire une attestation de M. F... suivant laquelle il aurait eu connaissance de son projet " dès 2013 ". M. D... évoque ce projet pour la première fois dans ses observations à la proposition de rectification qui lui a été adressée le 16 décembre 2013. Aucun document produit ne fait état de contacts concrets entre M. F... et M. D... avant le 30 décembre 2015, date à laquelle un protocole d'investissement a été établi, soit plus de cinq ans après la cession des titres apportés à la SARL Financière D.... M. D... explique ce délai en exposant que la SARL Financière D... a souscrit une garantie de passif en faveur de l'acquéreur portant sur l'intégralité du prix de vente et que celle-ci était susceptible d'être actionnée compte tenu de deux contentieux apparus postérieurement à la vente. Le premier contentieux concernait un accident survenu sur un chantier, au titre duquel la faute inexcusable de l'employeur a été retenue et un rapport d'expertise a chiffré le préjudice à 715 000 euros. Le second contentieux, engagé par un client de la société Isobat façades, tendait à la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 105 073 euros. Toutefois, M. D... n'allègue pas que ces contentieux ne seraient pas couverts par une assurance, ce qui est corroboré par le fait qu'il ne conteste pas que la garantie de passif n'a pas depuis été actionnée du fait desdits contentieux.

11. Enfin, si M. D... fait valoir que le 9 juillet 2013, il a signé un compromis de vente pour l'acquisition d'un plateau à aménager à Saint-Etienne et que la SARL Financière D... a par la suite fait jouer une clause de substitution pour acquérir ces biens immobiliers le 4 février 2014. Cet investissement, fait en vue de développer une activité de location en meublé, s'est élevé à 165 827 euros pour l'acquisition et 99 392 euros pour les travaux. Toutefois, quand bien-même elle relève de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, l'acquisition d'immeubles en vue d'exercer une activité de loueur en meublé doit être regardée comme un investissement patrimonial et ne peut donc être qualifiée de réinvestissement à caractère économique.

12. Il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2020 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme A..., présidente-assesseure,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juin 2020.

2

N° 18LY03630


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-01-03-03 Contributions et taxes. Généralités. Règles générales d'établissement de l'impôt. Abus de droit et fraude à la loi.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. Bertrand SAVOURE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : VOGEL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 18/06/2020
Date de l'import : 15/07/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 18LY03630
Numéro NOR : CETATEXT000042114276 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-18;18ly03630 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award