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18/06/2020 | FRANCE | N°18LY02627

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 18 juin 2020, 18LY02627


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Givors à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation des préjudices nés du harcèlement moral qu'il estime avoir subi.

Par un jugement n° 1600399 du 16 mai 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 juillet 2018 et 3 décembre 2019, M. E..., représenté par Me H..., demande à la cour :

1°) d'an

nuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 mai 2018 ;

2°) de condamner la commune de Gi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Givors à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation des préjudices nés du harcèlement moral qu'il estime avoir subi.

Par un jugement n° 1600399 du 16 mai 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 juillet 2018 et 3 décembre 2019, M. E..., représenté par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 mai 2018 ;

2°) de condamner la commune de Givors à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation des préjudices nés du harcèlement moral qu'il estime avoir subi ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Givors une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête d'appel est recevable ;

- le mémoire en défense n'est pas recevable, dès lors qu'il n'est pas démontré que le conseil municipal a habilité son maire à reprendre l'instance ;

- le principe du contradictoire a été méconnu par le tribunal administratif qui ne lui a pas communiqué le mémoire en défense du 19 avril 2018 ;

- il a subi un harcèlement moral de la part du maire de la commune de Givors ;

- la commune lui a infligé une sanction disciplinaire déguisée ;

- la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en le contraignant à signer une convention d'objectifs illégale ;

- il a démontré son préjudice moral et les troubles dans ses conditions d'existence.

Par un mémoire en défense, enregistré les 9 juillet et un mémoire, enregistré le 24 décembre 2019, non communiqué, la commune de Givors, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. E... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que la requête d'appel, qui est insuffisamment motivée, est irrecevable et que les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme I..., présidente-assesseure,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de M. E... et de Me F... pour la commune de Givors ;

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., attaché territorial principal, a été l'unique directeur général des services de la commune de Givors de juillet 2009 à avril 2014, puis a partagé cette fonction avec un deuxième directeur. Par un courrier du 22 septembre 2014, le maire de la commune de Givors l'a informé que son détachement sur l'emploi fonctionnel de directeur général des services ne serait pas renouvelé le 31 décembre 2014. M. E... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 mai 2018 qui a rejeté sa demande de condamnation de la commune de Givors à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation des préjudices nés du harcèlement moral qu'il estime avoir subi, et des fautes de la commune résultant des sanctions déguisées qu'elle lui aurait infligées et de l'obligation qui lui aurait été faite de signer une convention d'objectifs qui portait atteinte à ses droits statutaires.

Sur la recevabilité des mémoires de la commune :

2. Aux termes de l'article L. 2132-1 du code général des collectivités territoriales : " Sous réserve des dispositions du 16° de l'article L. 2122-22, le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune ". Selon l'article L. 2122-22 du même code : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal (...) ". Il résulte de ces dispositions que le conseil municipal peut légalement donner au maire une délégation générale pour ester en justice au nom de la commune pendant la durée de son mandat.

3. Il ressort des pièces du dossier que, par délibération du 25 septembre 2017, le conseil municipal de Givors a, sur le fondement de ces dispositions, donné à Mme G... C..., nouvelle maire, délégation pour agir en justice, en reproduisant les termes du 16° de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales. Cette délégation lui a conféré qualité pour agir en justice au nom de la commune, et la représenter régulièrement dans l'instance en appel sans que M. E... puisse se prévaloir des mentions erronées portées dans le premier mémoire en défense. Il s'ensuit que les mémoires en défense de la commune sont recevables.

Sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Givors :

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. En premier lieu, selon l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressées au greffe. La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".

5. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Givors a produit un premier mémoire en défense le 15 avril 2016, communiqué à M. E.... Le second mémoire en défense devant le tribunal enregistré le 19 avril 2018, ne comportait pas d'éléments nouveaux sur lesquels les premiers juges se seraient fondés pour statuer. Dans ces conditions, ceux-ci, en ne le communiquant pas, n'ont pas méconnu le principe du contradictoire prévu à l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le harcèlement moral :

6. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. / Les dispositions du présent article sont applicables aux agents non titulaires de droit public ".

7. D'une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

8. D'autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

9. M. E... occupait depuis juin 2009 le poste fonctionnel de directeur général des services de la commune de Givors. Il soutient qu'il a dû subir, à compter de juin 2013, une réduction progressive de ses missions qui a débuté avec la décision du maire de la commune de reprendre à sa charge la gestion des ressources humaines qui lui avait été auparavant confiée en sa qualité de directeur général des services, puis s'est poursuivie par la décision de désigner un second directeur général des services en avril 2014. Il reproche également à la commune de n'avoir renouvelé son détachement sur son poste fonctionnel, par un arrêté du 12 décembre 2013, que pour une période d'un an au lieu de cinq ans. M. E... en évoquant également l'humiliation ressentie par le fait que le directeur général adjoint ait été appelé " directeur général des services ", par le maire, l'absence de mention de son nom dans l'organigramme, l'annonce prématurée de la nomination d'une nouvelle directrice générale des services, soeur du maire, ne justifie pas qu'il aurait fait l'objet de harcèlement moral alors même que la nomination de la nouvelle directrice générale des services a été reconnue, par la cour d'appel de Lyon par un arrêt du 11 avril 2019, comme constitutive d'une prise illégale d'intérêts et que cette nomination était illégale. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait été contraint de signer une convention d'objectifs ou que cette dernière, sans portée contraignante, et qui constitue un simple rappel du statut particulier de l'emploi de directeur général des services et des contraintes inhérentes à cet emploi fonctionnel, aurait excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir d'organisation du service. Les éléments produits par la commune attestent qu'elle a choisi, sans excéder son pouvoir hiérarchique, de réorganiser les services pour améliorer l'efficacité de la gestion communale du personnel par M. E... jugée insuffisante. Enfin, la teneur du courriel envoyé le 29 mars 2014 par M. E... à certains agents de la commune pour critiquer la gestion communale est susceptible de justifier une perte de confiance de la collectivité à son encontre, et le non-renouvellement de son détachement sur son poste fonctionnel. Par suite, les éléments apportés par M. E... ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

En ce qui concerne les sanctions disciplinaires déguisées :

10. En premier lieu, M. E... ne peut se prévaloir de la circonstance que lui aurait été infligé le 2 juillet 2014 un avertissement non justifié dès lors qu'il est constant que ce dernier ne constitue pas une sanction disciplinaire puisqu'il n'a pas été inscrit dans son dossier ou notifié mais a fait l'objet d'une simple information à " l'élue aux ressources humaines ".

11. En second lieu, la décision du maire de la commune de Givors, en juin 2013, de reprendre à sa charge la seule gestion des ressources humaines antérieurement dévolue à M. E..., tout en lui laissant la gestion de la prospective, ne peut être regardée ni comme une décharge de fonctions au sens de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 ni comme une sanction disciplinaire déguisée. Par suite, cette décision ne présente pas le caractère d'une sanction disciplinaire.

En ce qui concerne l'atteinte aux droits statutaires :

12. Ainsi qu'il a été dit au point 9, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire aurait imposé à M. E... la signature en décembre 2013 d'une convention d'objectifs pour la période du 13 décembre 2013 au 31 décembre 2014. M. E..., en se bornant à indiquer qu'il devait être en permanence joignable par mail ou par téléphone n'établit nullement qu'il aurait été porté atteinte à ses droits statutaires.

13. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à être indemnisé de préjudices consécutifs aux agissements évoqués de la commune de Givors.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Givors, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par M. E... au titre des frais liés au litige. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Givors tendant au bénéfice de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Givors au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et à la commune de Givors.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2020 à laquelle siégeaient :

Mme D... A..., présidente de chambre,

Mme J..., présidente-assesseure,

M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juin 2020.

2

N° 18LY02627


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02627
Date de la décision : 18/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-01-01 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties. Statut général des fonctionnaires de l'État et des collectivités locales. Droits et obligations des fonctionnaires (loi du 13 juillet 1983).


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : VEDESI - SCP SCHMIDT VERGNON PELISSIER THIERRY EARD-AMINTHAS et TISSOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-18;18ly02627 ?
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