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18/06/2020 | FRANCE | N°18LY02139

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 18 juin 2020, 18LY02139


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... G... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la réduction à hauteur de 7 539 euros de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre des revenus de l'année 2013.

Par un jugement n° 1502542 du 13 février 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 juin et 10 décembre 2018, M. D..., représenté par Me Zimmermann, avocat, demande

la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 février 2018 ;

2°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... G... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la réduction à hauteur de 7 539 euros de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre des revenus de l'année 2013.

Par un jugement n° 1502542 du 13 février 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 10 juin et 10 décembre 2018, M. D..., représenté par Me Zimmermann, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 février 2018 ;

2°) de prononcer la réduction de l'imposition litigieuse ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- au sens du droit interne, il doit être considéré comme résident fiscal à la fois en France et aux Etats-Unis ; pour l'application de l'article 4.4 de la convention fiscale franco-américaine, il remplit dans les deux pays, le critère du foyer d'habitation permanent ; toutefois, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il justifie de liens personnels et économiques plus étroits avec les Etats-Unis où se situe le centre de ses intérêts vitaux.

Par un mémoire enregistré le 2 octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que pour 2013, le requérant qui a résidé en France pour y exercer une activité à temps plein, ne saurait être considéré comme n'ayant occupé un logement que de manière temporaire ou provisoire ; il ne peut bénéficier de l'application des dispositions de l'article 197 A du code général des impôts qui concernent les non-résidents.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des États-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 31 aout 1994 modifiée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., présidente assesseure ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant américain a été recruté par contrat à durée indéterminée en qualité de salarié de la société Sanofi Pasteur MSD en France, à compter du 1er février 2012. Pour les revenus perçus en cette qualité au titre de l'année 2013, il a été imposé selon le barème progressif applicable aux résidents fiscaux français, à hauteur d'une somme de 8 648 euros. Par une réclamation du 5 novembre 2014, il a demandé que ces revenus de source française soient imposés en tenant compte de sa qualité de non-résident fiscal français et que son imposition soit ramenée à la somme de 1 109 euros. Il relève appel du jugement du 13 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la réduction à hauteur de 7 539 euros de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre des revenus de l'année 2013.

2. Si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition. Par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification. Il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale. Il en est ainsi à l'égard de toute convention ayant cet objet, telle que la convention fiscale franco-américaine du 31 août 1994, alors même qu'elle définirait directement les critères de la résidence fiscale à prendre en compte pour les besoins de son application.

3. Aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus / Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française ". Aux termes de l'article 4 B du même code : " 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques (...) ". Il résulte de ces dispositions que pour qu'un contribuable soit regardé comme fiscalement domicilié en France, il suffit qu'il réponde à l'un des trois critères définis par l'article 4 B du code général des impôts précité.

4. M. D... qui exerçait en France des fonctions salariées à temps complet au sein de la société Sanofi Pasteur MSD au cours de l'année 2013 ne conteste pas qu'il avait son domicile fiscal en France au sens du b du 1 de l'article 4 B du code général des impôts. Ainsi, il était en principe, pour l'année en cause, passible de l'impôt sur le revenu en France. Il se prévaut toutefois de la qualité de résident américain au sens des stipulations de la convention fiscale franco-américaine susvisée afin que les revenus litigieux soient imposés selon le régime de retenue à la source prévu par les dispositions des articles 182 A, 197 A et 197 B du code général des impôts, dont sont passibles les personnes qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France et qui perçoivent des traitements, salaires, pensions et rentes viagères de source française.

5. Aux termes de l'article 1er de la convention franco-américaine susvisée : " La présente Convention ne s'applique qu'aux personnes qui sont des résidents d'un État contractant ou des deux États contractants, à moins qu'elle n'en dispose autrement. ". L'article 4 de cette convention précise que : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression "résident d'un État contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet État, est assujettie à l'impôt dans cet État en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction, de son siège social, ou de tout autre critère de nature analogue. Toutefois, cette expression ne comprend pas les personnes qui ne sont assujetties à l'impôt dans cet État que pour les revenus de sources situées dans cet État ou pour la fortune qui y est située. (...) / 4. Lorsque, selon les dispositions des paragraphes 1 et 2, une personne physique est un résident des deux États contractants, sa situation est réglée de la manière suivante : / a) Cette personne est considérée comme un résident de l'État où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent ; si elle dispose d'un foyer d'habitation permanent dans les deux États, elle est considérée comme un résident de l'État avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux); / b) Si l'État où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des États, elle est considérée comme un résident de l'État où elle séjourne de façon habituelle ;(...) ".

6. En premier lieu, il n'est pas contesté que, pour l'année litigieuse, M. D... disposait d'un foyer d'habitation permanent dans les deux Etats au sens du a) du 4. de l'article 4 de la convention franco-américaine.

7. En second lieu, il résulte de l'instruction qu'au cours de l'année en litige, l'épouse de M. D... résidait dans la maison familiale du New-Jersey aux Etats-Unis dont le requérant était propriétaire, que leur fille y était scolarisée et que M. D... est allé leur rendre visite à plusieurs reprises, pour une durée totale de vingt-huit jours. Au titre de l'année en cause, l'intéressé a renouvelé son inscription au barreau de l'Etat de New-York ainsi que son permis de conduire dans le New Jersey. Il a suivi plusieurs heures de formation à New-York et participé en Virginie, à une réunion du conseil d'administration de l'organisation " Sustainable Innovations " dont il est administrateur. Egalement, au cours de l'année 2013, l'intéressé qui disposait aux Etats-Unis d'un patrimoine important composé d'une résidence principale et d'un portefeuille de titres a perçu des revenus de 493 798 dollars à titre de pensions versées par un organisme de retraite américain " Merck Retirement Center ", soit plus du double des salaires qu'il a perçus en France et qui se sont élevés à 227 888 dollars (159 500 euros). Dans ces conditions, et alors même que M. D... a exercé une activité professionnelle à temps complet en France, au cours de l'année 2013, il doit être regardé comme ayant eu aux Etats-Unis le centre de ses intérêts vitaux. Par suite, les stipulations précitées faisaient obstacle à ce que M. D... soit imposé sur ses revenus salariaux en qualité de résident fiscal français.

8. Il résulte de ce qui précède que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la réduction à hauteur de 7 539 euros de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre des revenus de l'année 2013.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. D... dans l'instance et non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1502542 du 13 février 2018 du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle M. D... a été assujetti au titre de l'année 2013 est réduite à concurrence d'une somme de 7 539 euros.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 2 000 euros à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... G... D... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2020 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme A..., présidente assesseure,

Mme C..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 18 juin 2020.

2

N° 18LY02139


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02139
Date de la décision : 18/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Conventions internationales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Lieu d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : MAZARS SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-18;18ly02139 ?
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