Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... F... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :
1°) d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2016 par lequel le maire de Romans-sur-Isère l'a placée en congé de maladie ordinaire à demi-traitement ;
2°) d'enjoindre au maire de Romans-sur-Isère de la placer en congé de maladie imputable au service et lui verser la somme de 719 euros au titre du rappel de rémunération du mois d'octobre 2016 ;
3°) de condamner la commune de Romans-sur-Isère à lui verser la somme 5 000 euros en réparation de son préjudice.
Par un jugement n° 1606775 du 23 octobre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de Mme F....
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 14 décembre 2018 et un mémoire, enregistré le 15 mai 2019, Mme F..., représentée en dernier lieu par Me G... demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 octobre 2018 ;
2°) de prescrire une expertise ayant pour objet de dire :
- si les pathologies déclarées le 10 août 2013 sont distinctes de celle déclarée le 17 novembre 2008 ou doivent être considérées comme une rechute et le cas échéant, une aggravation de cette dernière ;
- si son état de santé est susceptible de modifications ;
- si son état de santé lui permet de réaliser des travaux d'entretien ménagers et le cas échéant quelles en seraient les contre-indications ;
- le cas échéant, si elle est apte, sur le plan physique, à réaliser des activités sollicitant essentiellement ses membres inférieurs ;
3°) d'annuler l'arrêté du 4 octobre 2016 la plaçant en congé maladie ordinaire à demi-traitement et la décision implicite de rejet de sa demande du 20 octobre 2016 d'indemnisation ;
4°) de condamner la commune de Romans-sur-Isère à lui verser une somme de 719 euros en réparation de sa perte de salaire et une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
5°) d'enjoindre à la commune de Romans-sur-Isère de la placer en congé de maladie imputable au titre du service à plein traitement ;
6°) de mettre à la charge de la commune de Romans-sur-Isère la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a considéré que les dispositions du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 ne s'appliquent qu'aux fonctionnaires qui avaient cette qualité au moment de l'accident de service ou de la déclaration de la pathologie dont ils se réclament ;
- le tribunal administratif de Grenoble a fait application de la version de cet article 57 issue de l'ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017 ;
- soit les pathologies dont elle souffre ne constituent pas une rechute de sa maladie contractée en 2008, soit elles ont été contractées pour la première fois le 10 août 2013 alors qu'elle était d'ores et déjà titulaire ;
- les premiers juges ont commis une erreur de fait en considérant que sa pathologie est une simple rechute d'une pathologie survenue en 2008 ; celle-ci est double et concerne ses poignets et ses coudes ;
- les décisions litigieuses sont illégales, car elle a présenté deux maladies distinctes ;
- elle a subi un préjudice financier de 719 euros ;
- elle a subi un préjudice moral constitué par la dépression dans laquelle la commune l'a plongée par des agissements de harcèlement moral.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 8 mars 2019 et le 24 mai 2019 (non communiqué), la commune de Romans-sur-Isère représentée par Me D... conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de Mme F... la somme de 4 000 euros.
Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.
La clôture d'instruction a été fixée au 24 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,
- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,
- et les observations de Me G..., représentant Mme F..., et de Me C... représentant la commune de Romans-sur-Isère ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme F... a été recrutée par contrat par la commune de Romans-sur-Isère en octobre 2003, comme agent de propreté. Devenue adjointe technique deuxième classe stagiaire le 1er juillet 2010, elle a été titularisée le 1er juillet 2012. Par un arrêté du 4 octobre 2016, le maire de la commune de Romans-sur-Isère l'a placée pour une durée d'un mois à compter du 1er octobre 2016 à demi-traitement. Mme F... relève appel du jugement rendu le 23 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté du 4 octobre 2016, ainsi que ses conclusions à fin de condamnation de la commune à l'indemniser de ses préjudices financiers et moraux.
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 4 octobre 2016 :
Sans qu'il soit nécessaire d'ordonner l'expertise demandée par Mme F... :
2. L'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dans sa version applicable à la date des arrêtés en litige dispose que : " Le fonctionnaire en activité a droit : / 2° A des congés de maladie (...) / (...)Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. " Le droit, issu de ces dispositions, de conserver l'intégralité du traitement est soumis à la condition que la maladie mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'accomplir son service soit en lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec un accident ou une pathologie survenu dans l'exercice ou à l'occasion de ses fonctions et ne saurait dès lors s'appliquer aux agents qui n'avaient pas la qualité de fonctionnaire territorial à la date à laquelle est survenu l'accident ou à laquelle la pathologie s'est manifestée pour la première fois.
3. Mme F... expose qu'elle souffre d'un syndrome du canal carpien des deux poignets, reconnu comme maladie professionnelle depuis le 10 juin 2009 et dont il a été admis par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) qu'elle avait été victime d'une rechute le 23 septembre 2014. Si par ailleurs il n'est pas contesté que Mme F... est également affectée par un syndrome du canal ulnaire des deux coudes, il ressort des pièces du dossier que cette maladie a été constatée pour la première fois le 17 novembre 2008 et que, comme son affection du canal carpien, elle a été reconnue comme maladie professionnelle et prise en charge par la CPAM de la Drôme. Mme F... ne produit aucun élément de nature à établir que son affection des deux coudes, qui s'est à nouveau manifestée à partir du 10 août 2013, est sans lien avec l'affection constatée le 17 novembre 2008. Or, à la date à laquelle les syndromes des canaux carpiens et ulnaires se sont déclarés, Mme F... avait la qualité d'agent contractuel et non de fonctionnaire. Elle ne peut dès lors utilement se prévaloir du bénéfice des dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 pour soutenir qu'elle avait droit à son plein traitement sur l'ensemble de ses congés de maladie. Elle n'est par suite pas fondée à se plaindre de ce que, par son jugement du 23 octobre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des arrêtés en litige.
Sur les conclusions indemnitaires de Mme F... :
4. En premier lieu, les conclusions en annulation de Mme F... dirigées contre l'arrêté la plaçant en congé de maladie ordinaire à demi-traitement étant rejetées, celle-ci ne peut se prévaloir d'un droit à plein traitement et par suite d'un préjudice financier.
5. En second lieu, l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 prévoit que : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ". Il résulte de l'instruction que Mme F..., à l'exception d'une période d'un mois en juin 2016, a bénéficié d'arrêts de travail depuis la fin de l'année 2012 et ne peut dès lors se prévaloir d'agissements de la commune ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que la commune serait à l'origine de la dépression dont elle se plaint. Par suite ses conclusions à fin d'indemnisation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions à fin d'injonction et sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Les conclusions à fin d'annulation de Mme F... devant être rejetées, doivent l'être également, d'une part, ses conclusions à fin d'injonction, la présente décision n'appelant ainsi aucune mesure d'exécution, et d'autre part, celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ces dispositions faisant obstacle à ce que la cour fasse bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge.
7. Il n'y a pas lieu, par ailleurs, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de Mme F... la somme demandée par la commune de Romans-sur-Isère, au titre des frais non compris dans les dépens que cette dernière a exposés.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Romans-sur-Isère relatives aux frais irrépétibles sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F... et à la commune de Romans-sur-Isère.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2020 à laquelle siégeaient :
Mme E... B..., présidente de chambre,
Mme H..., présidente-assesseure,
M. Pierre Thierry, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 juin 2020.
No 18LY044745