Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... A...-D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 7 décembre 2012 par laquelle le directeur général des Hospices civils de Lyon (HCL) l'a mise à la retraite d'office pour invalidité, d'enjoindre à cette autorité de la replacer dans la situation administrative dans laquelle elle se trouvait avant l'intervention de la décision contestée, de se prononcer sur l'imputabilité au service de sa maladie et de la reclasser sur un emploi adapté à son état de santé, dans le délai d'un mois et sous astreinte, enfin, de mettre à la charge des HCL les frais de l'instance.
Par jugement n° 1301198 du 2 décembre 2015, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à sa demande.
Par arrêt n° 16LY00588 du 5 décembre 2017, la cour a annulé le jugement du tribunal administratif de Lyon du 2 décembre 2015 et a rejeté la demande présentée par Mme A...-D... devant le tribunal administratif.
Par décision n° 417902 du 24 juillet 2019, le Conseil d'État statuant au contentieux a annulé cet arrêt et a renvoyé à la cour le jugement de l'affaire, désormais enregistrée sous le n° 19LY03387.
Procédure devant la cour
Par mémoire enregistré le 13 novembre 2019, Mme A...-D..., représentée par Me B..., demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, de rejeter la requête et de mettre à la charge des HCL une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision du 7 décembre 2012 est entachée d'incompétence ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- la convocation reçue pour la séance de la commission de réforme est irrégulière au regard de l'article 14 de l'arrêté du 4 août 2004 ;
- elle a été privée d'une garantie dès lors qu'elle n'a pas pu consulter son dossier ni se faire assister par son médecin traitant et n'a pas pu préparer convenablement sa défense ;
- l'avis de la commission de réforme est insuffisamment motivé et n'est pas signé par l'ensemble des membres de la commission ;
- la commission de réforme aurait dû s'adjoindre l'avis d'un médecin neurologue ;
- le procès-verbal de séance est entaché d'erreur matérielle sur sa pathologie ;
- l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de recherche de reclassement ;
- l'autorité compétente s'est cru liée par l'avis de la commission de réforme ;
- la décision en litige ne se prononce pas sur l'imputabilité au service de son invalidité.
Un mémoire a été produit par les HCL, enregistré le 18 février 2020, postérieurement à la clôture de l'instruction fixée au 18 février 2020 par ordonnance du 3 février 2020.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;
- le décret n° 89-376 du 8 juin 1989 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rémy-Néris, premier conseiller,
- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
Sur la décision du 7 décembre 2012 :
1. Aux termes de l'article 71 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps, s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé ".
2. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'un fonctionnaire est reconnu, par suite de l'altération de son état physique, inapte à l'exercice de ses fonctions, il incombe à l'administration de rechercher si le poste occupé par ce fonctionnaire ne peut être adapté à son état physique ou, à défaut, de lui proposer une affectation dans un autre emploi de son grade compatible avec son état de santé. Si le poste ne peut être adapté ou si l'agent ne peut être affecté dans un autre emploi de son grade, il incombe à l'administration de l'inviter à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps. Il n'en va autrement que si l'état de santé du fonctionnaire le rend totalement inapte à l'exercice de toute fonction.
3. Toutefois, il n'y a pas de manquement à l'obligation de reclassement si l'employeur justifie de l'absence de poste disponible à l'époque de la décision contestée. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que Mme A...-D... a été reconnue inapte à l'exercice des fonctions d'infirmière le 5 juillet 2011 et que le poste de reclassement à rechercher devait respecter certaines contre-indications médicales et permettre un travail assis avec déplacements limités, sans port de charges, sans contact régulier direct ou téléphonique avec le public, sans utilisation continue d'écran, sans contrainte cognitive forte, ni de pression temporelle. La somme de ces prescriptions équivalait à rendre quasiment impossible toute affectation en milieu hospitalier. D'ailleurs, les HCL font état, pour la première fois en appel, de l'impossibilité de reclasser Mme A...-D... au sein de la filière soignante et de rééducation qui nécessite des déplacements, le port de charges et un contact avec le public, au sein de la filière ouvrière et technique qui implique une station debout prolongée et le port de charges ainsi qu'au sein de la filière administrative qui requiert un contact même limité avec le public et un travail en continu sur écran. Si Mme A...-D... soutient que certains postes en filière administrative, notamment d'adjoint administratif hospitalier n° 2011-216 : direction des achats et n° 2012-17 : DRFCG auraient été compatibles avec son état moyennant certaines adaptations, il ressort de la liste présentée par les HCL que les quarante-sept postes répertoriés de la filière administrative comportaient des contraintes cognitives et productives, outre l'usage permanent d'un écran sans possibilité d'adaptation de ces conditions de travail aux prescriptions médicales qui viennent d'être rappelées. Dans ces conditions, c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 7 décembre 2012, motif pris de la méconnaissance de l'obligation de recherche de reclassement.
4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A...-D... devant le tribunal administratif de Lyon et devant la cour.
5. En premier lieu, la décision du 7 décembre 2012 portant mise à la retraite d'office pour invalidité de Mme A...-D... a été signée par la directrice de la gestion des carrières, du budget et des effectifs des HCL, qui disposait d'une délégation de signature du 29 octobre 2012, régulièrement publiée, pour signer au nom du directeur général notamment les décisions relatives à la position et à la cessation d'activité des agents en cas d'absence ou d'empêchement de la directrice du personnel et des affaires sociales. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire doit être écarté.
6. En deuxième lieu, la décision en litige vise les textes applicables et comporte les considérations de fait qui en constituent le fondement. Elle se réfère à l'avis du 15 mars 2012 rendu par la commission de réforme et précise que l'état de santé de Mme A...-D... ne lui permet plus d'exercer ses fonctions d'infirmier diplômé d'État. Cette décision est suffisamment motivée et n'avait pas, contrairement à ce que soutient Mme A...-D..., à préciser en quoi consistait cette inaptitude ni n'avait pas à se prononcer sur l'imputabilité au service de sa pathologie.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 14 de l'arrêté susvisé du 4 août 2004 : " Le secrétariat de la commission de réforme convoque les membres titulaires et l'agent concerné au moins quinze jours avant la date de la réunion. La convocation mentionne la liste des dossiers à examiner, les références (...) de l'établissement employeur, l'objet de la demande d'avis (...) ". Aux termes de l'article 16 du même arrêté : " La commission de réforme doit être saisie de tous témoignages, rapports et constatations propres à éclairer son avis (...) / Dix jours au moins avant la réunion de la commission, le fonctionnaire est invité à prendre connaissance, personnellement ou par l'intermédiaire de son représentant, de son dossier, dont la partie médicale peut lui être communiquée, sur sa demande, ou par l'intermédiaire d'un médecin ; il peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux. / La commission entend le fonctionnaire, qui peut se faire assister d'un médecin de son choix. Il peut aussi se faire assister par un conseiller ". Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.
8. Il ressort des pièces du dossier que Mme A...-D... a été convoquée par courrier du 28 février 2012 reçu le 2 mars 2012 pour examen de son dossier par la commission de réforme à la séance du 15 mars 2012. S'il est vrai que ce délai était inférieur à quinze jours, une telle circonstance ne l'a privée d'aucune garantie dès lors que Mme A... -D... a pu se rendre à cette convocation avec son conseil et que le délai en cause était suffisant pour lui permettre de préparer sa défense. En outre, la convocation, qui mentionnait l'heure et le lieu de la réunion ainsi que les références de l'établissement employeur, a respecté le délai de dix jours prévu à l'article 16 précité de l'arrêté du 4 août 2004, peu importe la circonstance que le médecin traitant de Mme A...-D... n'ait pas pu se rendre à la séance de la commission en raison du délai accordé, lequel est prescrit par les dispositions susvisées et alors qu'il avait la possibilité de se faire substituer par un confrère. Enfin, si Mme A...-D... invoquait en première instance des irrégularités qui entacheraient sa convocation par courrier du 24 janvier 2012 à la réunion de la commission de réforme qui devait initialement se tenir le 9 février 2012, un tel moyen est sans portée utile dès lors que cette réunion a été reportée, à la suite de la demande du 2 février 2012 de son médecin, au 15 mars 2012 et a donné lieu à une nouvelle convocation.
9. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 1er mars 2012, le médecin traitant de Mme A...-D... a obtenu communication du rapport du médecin agréé. Si l'intéressée a sollicité la communication de l'intégralité de son dossier, il ne ressort pas des pièces versées que la commission de réforme ait été en possession et qu'elle se soit fondée sur d'autres documents que celui communiqué pour rendre son avis.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 4 août 2004 susvisé, la commission de réforme comprend : " 1. Deux praticiens de médecine générale, auxquels est adjoint, s'il y a lieu, pour l'examen des cas relevant de sa compétence, un médecin spécialiste qui participe aux débats mais ne prend pas part aux votes (...) ". Il résulte de ces dispositions que, dans le cas où il est manifeste, eu égard aux éléments dont dispose la commission de réforme, que la présence d'un médecin spécialiste de la pathologie invoquée est nécessaire pour éclairer l'examen du cas du fonctionnaire, l'absence d'un tel spécialiste est susceptible de priver l'intéressé d'une garantie et d'entacher ainsi la procédure devant la commission d'une irrégularité justifiant l'annulation de la décision contestée.
11. Or, lorsqu'elle s'est réunie, le 15 mars 2012, pour examiner la demande de placement à la retraite pour invalidité, la commission de réforme avait une connaissance complète et de la pathologie dont souffre Mme A...-D... et des restrictions médicales au service que cette maladie impliquait. Il suit de là que la présence d'un praticien spécialisé en neurologie n'aurait pas contribué à éclairer son avis. Par suite, Mme A...-D... n'est pas fondée à soutenir que celui-ci a été émis en méconnaissance des dispositions précitées.
12. En sixième lieu, aux termes de l'article 17 de l'arrêté du 4 août 2004 susvisé : " (...) Les avis sont émis à la majorité des membres présents. Ils doivent être motivés, dans le respect du secret médical (...) ". En revanche, il ne résulte d'aucune disposition de cet arrêté que l'avis rendu par la commission de réforme doive être signé par l'ensemble des membres de la commission. En outre, l'avis rendu en l'espèce par la commission de réforme est suffisamment motivé par la mention qu'il comporte relatif à l'invalidité affectant Mme A...-D.... Enfin, s'il ressort des pièces versées que le rapport du docteur Gruffaz avait conclu à une inaptitude totale et définitive de Mme A...-D... à l'exercice de ses fonctions d'infirmière sans, ainsi que le soutient l'intéressée, relever d'hémiplégie droite, une telle circonstance n'a pas eu d'influence sur le sens de l'avis de la commission au regard des conclusions dépourvues de toute ambiguïté de ce médecin s'agissant de l'impossibilité pour Mme A...-D... d'exercer ses fonctions d'infirmière et des contre-indications sus-évoquées que son affection neurologique suffisait à justifier.
13. En septième lieu, le directeur général des HCL ne commet pas d'illégalité au seul motif qu'il décide de suivre le sens de l'avis de la commission de réforme, une telle concordance n'impliquant pas qu'il ait renoncé à exercer son pouvoir d'appréciation sur la situation de Mme A...-D....
14. En dernier lieu, l'objet de la décision litigieuse étant de se prononcer sur l'inaptitude définitive au service, quelle qu'en soit la cause, elle n'est pas illégale au motif qu'elle ne statue pas sur l'imputabilité au service de la pathologie.
15. Il résulte de tout ce qui précède que les HCL sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 7 décembre 2012 prononçant la mise à la retraite d'office pour invalidité de Mme A...-D... et lui a enjoint de replacer l'intéressée dans une situation statutaire régulière à partir de la date à laquelle elle a été admise à la retraite pour invalidité et de réexaminer les possibilités de reclassement eu égard à son état de santé. Ledit jugement doit, en conséquence, être annulé et les demandes présentées par Mme A...-D... devant le tribunal doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des HCL, qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme A...-D... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des HCL.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1301198 du tribunal administratif de Lyon lu le 2 décembre 2015 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A...-D... devant le tribunal administratif de Lyon est rejetée.
Article 3 : Les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux Hospices civils de Lyon et à Mme C... A...-D....
Délibéré après l'audience du 18 mai 2020 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Rémy-Néris, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 juin 2020.
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N° 19LY03387