Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme E... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté OQTF n° 01 2019 383 du 2 avril 2019 par lequel le préfet de l'Ain l'a obligée à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a désigné l'Albanie, État dont elle a la nationalité, comme pays de renvoi, outre une demande à fins d'injonction en délivrance de titre ou de réexamen de sa demande, sous astreinte.
Par jugement n° 19003357-1903358 lu le 15 juillet 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 13 août 2019, Mme A..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal, en tant qu'il rejette sa demande, ainsi que l'obligation de quitter le territoire sous trente jours et la désignation du pays de renvoi ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Ain, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte journalière de 100 euros, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour puis un titre de séjour, subsidiairement, de réexaminer sa situation ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;
- son auteur n'a pas épuisé sa compétence ;
- l'obligation de quitter le territoire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 10° de l'article L. 511-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la désignation du pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par mémoire enregistré le 20 mars 2020, le préfet de l'Ain conclut au non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête en raison de la délivrance d'un document autorisant l'appelante au séjour.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 10 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de M. Arbarétaz, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
Sur les conclusions à fins d'annulation, d'injonction et d'astreinte :
1. Considérant que les mentions de l'extrait du fichier national des étrangers produit en défense n'attestent pas du droit au séjour prétendument reconnu à Mme A... et ne saurait équivaloir à une décision emportant abrogation de la mesure d'éloignement en litige. Il suit de là que la requête n'a pas perdu son objet et que l'exception de non-lieu à statuer du préfet de l'Ain doit être écartée.
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête ;
2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié a été définitivement refusée à l'étranger (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée (...) / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. II - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de la notification (...) ", tandis qu'aux termes de l'article L. 511-4 du même code : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
3. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté litigieux comme de la défense produite en première instance que le préfet de l'Ain s'est abstenu d'instruire la mesure d'éloignement en prenant en considération la maladie dont souffre Mme A..., ainsi que l'offre sanitaire existant en Albanie dans la spécialité médicale requise, dans l'hypothèse où il s'avérerait qu'une privation de soins adaptés exposerait l'intéressée à des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
4. Mme A... est ainsi fondée à soutenir que, sans égard à la date de présentation de sa demande de titre en tant qu'étranger malade, le préfet de l'Ain n'a pas épuisé la compétence que lui attribuent les dispositions précitées du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi, d'ailleurs, que celles de l'article R. 511-4 du même code. Il suit de là que l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire dans le délai de trente jours doit être annulée ainsi que, par voie conséquence, la fixation du pays de renvoi et le jugement n° 19003357-1903358 en tant qu'il rejette sa demande.
5. Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait de nouveau statué sur son cas (...) ". En application tant des dispositions précitées que de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, le présent arrêt implique nécessairement, mais seulement, que le préfet de l'Ain remette dans les meilleurs délais à Mme A... une autorisation provisoire de séjour puis statue de nouveau sur sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt. Il y a lieu de lui adresser une injonction en ce sens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer d'astreinte.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
6. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par Mme A....
DÉCIDE :
Article 1er : L'arrêté OQTF n° 01 2019 383 du 2 avril 2019 par lequel le préfet de l'Ain a obligé Mme A... à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi, ainsi que le jugement n° 19003357-1903358 lu le 15 juillet 2019 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigé contre cet arrêté son annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Ain de remette dans les meilleurs délais à Mme A... une autorisation provisoire de séjour, puis de statuer de nouveau sur sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... épouse A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 18 mai 2020 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Burnichon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 15 juin 2020.
1
4
N° 19LY03250