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15/06/2020 | FRANCE | N°19LY03025

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 15 juin 2020, 19LY03025


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 9 mai 2019 par lesquelles le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par jugement n° 1903623 du 17 mai 2019, le magistrat désigné par le

président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 9 mai 2019 par lesquelles le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et l'a assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par jugement n° 1903623 du 17 mai 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 31 juillet 2019, M. A..., représenté par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 17 mai 2019 ainsi que les décisions du 9 mai 2019 susvisées ;

2°) d'enjoindre au préfet du Rhône de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt, après remise d'une autorisation provisoire de séjour ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 300 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10°) de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne pouvait être fondée sur les dispositions du 1°) de l'article L. 511-1 du même code dès lors qu'il justifie être entré régulièrement en France en y formulant une demande d'asile ;

- la fixation du pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire sans délai et méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'assignation à résidence est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire, est insuffisamment motivée, est entachée d'un défaut d'examen particulier et méconnaît les dispositions de l'article L. 561-2 du code précité.

La requête a été communiquée au préfet du Rhône qui n'a pas produit d'observations.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 10 juillet 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rémy-Néris, premier conseiller,

- les observations de Me B... pour M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant somalien né le 10 février 1986, est entré sur le territoire français le 13 novembre 2017. Par décisions du 9 mai 2019, le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera susceptible d'être renvoyé, l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et a décidé de l'assigner à résidence dans le département du Rhône pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction :

2. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne (...), lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".

3. M. A... produit pour la première fois en appel le récépissé de la demande d'asile qu'il a présentée, établi le 7 mai 2018, et justifiant qu'il a fait l'objet d'une procédure de détermination de l'État membre responsable de l'examen sa demande d'asile. Il est, par suite, fondé à soutenir que le préfet ne pouvait, sans méconnaître les dispositions précitées, le regarder comme entré irrégulièrement en France pour prendre l'obligation de quitter le territoire français alors qu'à la date de cette décision il ne pouvait être éloigné en raison de sa qualité de demandeur d'asile. La décision en litige doit donc pour ce motif être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions par lesquelles le préfet du Rhône lui a refusé tout délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être renvoyé, l'a interdit de retour sur le territoire français.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 9 mai 2019 du préfet du Rhône l'obligeant à quitter le territoire français. Le jugement ainsi que les décisions susvisées du 9 mai 2019 doivent être annulés.

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". L'article L. 911-2 du même code prévoit en outre que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ".

6. Le présent arrêt implique nécessairement, au sens de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, que le préfet du Rhône réexamine le droit au séjour de M. A... au regard de la demande d'asile présentée après lui avoir remis un document provisoire l'autorisant à se maintenir sur le territoire. Il y a donc lieu de lui adresser une injonction en ce sens et de lui impartir un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me B..., avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'État le versement à cette dernière d'une somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique.

DÉCIDE :

Article 1er : Les décisions du préfet du Rhône prises, le 9 mai 2019, à l'encontre de M. A... sont annulées.

Article 2 : Le jugement n° 1903623 du 17 mai 2019 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de réexaminer, dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, la situation de M. A... après lui avoir remis une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'État versera à Me B... une somme de 800 euros en l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2020 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Rémy-Néris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 juin 2020.

4

N° 19LY03025


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03025
Date de la décision : 15/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : SCP ROBIN VERNET

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-15;19ly03025 ?
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