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15/06/2020 | FRANCE | N°18LY02747

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 15 juin 2020, 18LY02747


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Gap Service SRL a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision n° AA 92/2016 du 16 septembre 2016 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) Auvergne Rhône-Alpes a prononcé à son encontre une amende administrative d'un montant global de 18 000 euros pour manquement à ses obligations de déclaration préalable de détachement et de désignation d'un représentant sur le territoire national.


Par jugement n° 1608579 lu le 17 mai 2018, le tribunal administratif de Lyon a ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Gap Service SRL a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision n° AA 92/2016 du 16 septembre 2016 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) Auvergne Rhône-Alpes a prononcé à son encontre une amende administrative d'un montant global de 18 000 euros pour manquement à ses obligations de déclaration préalable de détachement et de désignation d'un représentant sur le territoire national.

Par jugement n° 1608579 lu le 17 mai 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 19 juillet 2018, la société Gap Service SRL, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 mai 2018 ;

2°) d'annuler la décision n° AA 92/2016 du 16 septembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues dès lors que son conseil n'a pas été mis en possession de l'intégralité de la procédure lors de son intervention ni lors du rendez-vous du 9 août 2016 ni même ultérieurement ; il n'a pas bénéficié de tous les délais pour faire valoir les observations de son client ;

- la sanction est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi n'a pas pris en compte les critères fixés par l'article L. 1264-3 du code du travail.

Par mémoire enregistré le 11 avril 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête de la société Gap Service SRL.

Elle soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 12 avril 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 mai 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,

- les observations de M. A..., représentant la ministre du travail ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Gap Service SRL, domiciliée en Italie, a détaché des salariés sur le territoire français pour l'exécution d'une convention de prestation de services conclue avec la société Tecno S.P.A pour la pose de cloisons sur le chantier Biomérieux à Marcy-L'étoile. Suite à un contrôle des services de l'inspection du travail, le 25 juin 2016, lui a été infligée, par une décision n° AA 92/2016 du 16 septembre 2016, une amende d'un montant global de 18 000 euros liquidée selon un tarif unitaire de 1 500 euros sanctionnant chaque manquement à ses obligations de déclaration de détachement préalable et de désignation d'un représentant sur le territoire national et multiplié par le nombre de salariés concernés, soit six. Elle relève appel du jugement du 17 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette sanction.

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 8115-2 du code du travail dans sa version alors en vigueur : " Lorsque le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi décide de prononcer une amende administrative, il indique à l'intéressé par l'intermédiaire du représentant de l'employeur [sur le territoire national] (...) le montant de l'amende envisagée et l'invite à présenter ses observations dans un délai de quinze jours. /A l'expiration du délai fixé et au vu des observations éventuelles de l'intéressé, il notifie sa décision et émet le titre de perception correspondant. / L'indication de l'amende envisagée et la notification de la décision infligeant l'amende sont effectuées par tout moyen permettant de leur conférer date certaine ". Aux termes de l'article R. 8115-10 du même code : " Par dérogation à l'article R. 8115-2, lorsque le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi décide de prononcer une amende administrative sur le fondement des articles L. 4751-1 à L. 4754-1 et L. 8115-1 à L. 8115-8, il invite l'intéressé à présenter ses observations dans un délai d'un mois. / Ce délai peut être prorogé d'un mois à la demande de l'intéressé, si les circonstances ou la complexité de la situation le justifient ".

3. Lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l'administration a prononcé une amende sanctionnant la méconnaissance du régime d'emploi de travailleurs détachés en France, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention qu'à sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer non sur les éventuels vices propres de la décision litigieuse mais sur le bien-fondé et le montant de l'amende fixée par l'administration. S'il estime que l'amende a été illégalement infligée, dans son principe ou son montant, il lui revient, dans la première hypothèse, de l'annuler et, dans la seconde, de la réformer en fixant lui-même un nouveau quantum proportionné aux manquements constatés et aux autres critères prescrits par les textes en vigueur.

4. Il suit de là que les moyens tirés de la méconnaissance, lors de la procédure préalable à l'édiction de la décision en litige, des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, du principe du contradictoire et des droits de la défense ou encore des dispositions de l'article R. 8115-2 du code du travail alors que la procédure contradictoire organisée par les articles L. 8115-1 et suivants du code du travail s'est poursuivie devant le juge de plein contentieux et a donné tout loisir à la requérante de faire valoir ses arguments en contestation de la sanction, sont dépourvus d'effet utile sur le bien-fondé et le montant de l'amende en litige.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 1262-2-1 du code du travail, dans sa version alors en vigueur : " I.- L'employeur qui détache un ou plusieurs salariés, dans les conditions prévues aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2, adresse une déclaration, préalablement au détachement, à l'inspection du travail du lieu où débute la prestation. / II. - L'employeur mentionné au I du présent article désigne un représentant de l'entreprise sur le territoire national, chargé d'assurer la liaison avec les agents (...) [de l'inspection du travail ". Aux termes de l'article L. 1264-3 du même code : " / (...) / Le montant de l'amende est d'au plus 2 000 € par salarié détaché et d'au plus 4 000 € en cas de réitération dans un délai d'un an à compter du jour de la notification de la première amende. Le montant total de l'amende ne peut être supérieur à 500 000 €. / Pour fixer le montant de l'amende, l'autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges (...) ".

6. Il résulte de l'instruction qu'avant de détacher six salariés, la société Gap Service SRL n'a effectué aucune déclaration de détachement ni désignation d'un représentant unique en France lors de la réalisation de prestations de services sur le territoire français. Compte tenu de la nature et de la gravité des manquements ainsi relevés à l'encontre de la société Gap Service SRL, du chiffre d'affaire de la société, et en l'absence d'autres éléments, l'administration, qui a pris en compte les critères prévus par l'article L. 1264-3 du code de travail, n'a pas entaché sa sanction de disproportion en fixant à 1 500 euros le tarif de l'amende à infliger par manquement et par salarié.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Gap Service SRL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa requête. Doivent être rejetées par voie de conséquences ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Gap Service SRL est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Gap Service SRL et à la ministre du travail.

Copie sera adressée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Auvergne Rhône-Alpes.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2020 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 juin 2020.

N° 18LY02747


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02747
Date de la décision : 15/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Répression - Domaine de la répression administrative Régime de la sanction administrative - Autorités administratives titulaires du pouvoir de sanction.

Travail et emploi - Réglementations spéciales à l'emploi de certaines catégories de travailleurs.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : S.JOFFROY SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-15;18ly02747 ?
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