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04/06/2020 | FRANCE | N°18LY02513

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 04 juin 2020, 18LY02513


Vu la procédure suivante :

Par un arrêt avant-dire droit du 13 juin 2019, la cour a fait application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et sursis à statuer sur la requête de la commune de Dijon jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois pour permettre à la commune de notifier à la cour un permis de construire régularisant les vices du permis délivré le 9 octobre 2017.

La commune de Dijon a communiqué le 7 octobre 2019, l'arrêté du 30 septembre 2019 modifiant le permis octroyé le 9 octobre 2017.

Par des mémoires enregistrés le 18 novembre 20

19 et le 7 février 2020, M. D..., Mme C... et Mme F... concluent, à titre principa...

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt avant-dire droit du 13 juin 2019, la cour a fait application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et sursis à statuer sur la requête de la commune de Dijon jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois pour permettre à la commune de notifier à la cour un permis de construire régularisant les vices du permis délivré le 9 octobre 2017.

La commune de Dijon a communiqué le 7 octobre 2019, l'arrêté du 30 septembre 2019 modifiant le permis octroyé le 9 octobre 2017.

Par des mémoires enregistrés le 18 novembre 2019 et le 7 février 2020, M. D..., Mme C... et Mme F... concluent, à titre principal, au rejet de la requête de la commune de Dijon et à l'annulation de l'arrêté du 30 septembre 2019 ou, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente du jugement du tribunal d'instance de Dijon, saisi d'une action en bornage et, en toute hypothèse, de mettre à la charge de M. G... une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. D..., Mme C... et Mme F... soutiennent que :

- les éléments fournis dans le dossier de demande de permis de construire modificatif étaient insuffisants pour permettre au service instructeur et à l'architecte des bâtiments de France de porter une appréciation sur l'insertion du projet dans l'environnement ;

- le projet tel que modifié ne respecte pas les dispositions de l'article II du chapitre 2 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- le permis de construire modificatif méconnaît l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme ;

- il méconnaît l'article UG7 du plan local d'urbanisme.

La commune de Dijon soutient que :

- le moyen tiré de ce que le projet tel que modifié porterait atteinte aux lieux environnants n'est pas fondé ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UG7 du plan local d'urbanisme, auquel la cour a déjà répondu dans l'arrêt avant-dire droit, n'est pas fondé.

Par un mémoire enregistré le 5 mai 2020 la commune persiste dans ses conclusions et moyens.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bourrachot, président,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me Faivre, avocat de la commune de Dijon et de Me Neraud, avocat de M. D..., Mme C... et Mme F... ;

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 9 octobre 2017, la commune de Dijon a délivré à M. B... G... un permis de construire pour l'extension d'un immeuble existant sur la parcelle cadastrée section HL n° 390. La commune de Dijon a relevé appel du jugement du 3 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Dijon a annulé ce permis à la demande de M. D..., Mme C... et Mme F.... Elle doit être regardée comme ayant relevé appel des articles 1er et 3 de ce jugement.

2. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...).estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. ".

3. Par un arrêt avant-dire droit du 13 juin 2019, la cour, après avoir constaté que les autres moyens de la demande de M. D..., Mme C... et Mme F... dirigée contre le permis de construire du 9 octobre 2017 n'étaient pas fondés, a confirmé le jugement du 5 juillet 2018 en ce qu'il avait jugé que le permis de construire délivré méconnaît l'article II du chapitre 2 du règlement du plan local d'urbanisme. Faisant application des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, la cour, au motif que ce vice était susceptible d'être régularisé, a sursis à statuer sur la requête de la commune de Dijon jusqu'à l'expiration du délai de quatre mois imparti à la requérante pour justifier de l'intervention d'une mesure de régularisation.

4. Par arrêté du 30 septembre 2019, le maire de Dijon a délivré à M. G... un permis modificatif portant sur le projet de construction précité.

Sur la légalité du permis délivré le 30 septembre 2019 :

5. Les parties peuvent, à l'appui de la contestation de l'acte de régularisation, invoquer des vices affectant sa légalité externe et soutenir qu'il n'a pas pour effet de régulariser le vice que le juge a constaté dans sa décision avant-dire droit. Elles ne peuvent soulever aucun autre moyen, qu'il s'agisse d'un moyen déjà écarté par la décision avant-dire droit ou de moyens nouveaux, à l'exception de ceux qui seraient fondés sur des éléments révélés par la procédure de régularisation.

6. En premier lieu, le moyen tiré de ce que le projet méconnaît l'article UG7 du plan local d'urbanisme a déjà été écarté dans l'arrêt avant dire-droit et le projet autorisé par le permis délivré le 30 septembre 2019 ne modifie pas l'implantation de la construction projetée par rapport au permis antérieurement délivré. Par suite ce moyen, ainsi que, par voie de conséquence, la demande présentée à titre subsidiaire en défense tendant à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente du jugement portant sur le bornage des parcelles ne peuvent qu'être rejetés.

7. En deuxième lieu, le dossier de demande de permis de construire modificatif comprenait en pièce 6 des documents graphiques permettant d'apprécier l'insertion du projet dans son environnement. Par suite, le moyen tiré de ce que les éléments fournis dans le dossier de demande de permis de construire étaient insuffisants pour permettre au service instructeur et à l'architecte des bâtiments de France de porter une telle appréciation doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire, (...) sont adressées (...) à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; / (...) ". En vertu du dernier alinéa de l'article R. 431-5 du même code, la demande de permis de construire comporte " l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R. 423-1 pour déposer une demande de permis ".

9. Il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter l'attestation du pétitionnaire qu'il remplit les conditions définies à l'article R. 423-1 précité. Les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une déclaration ou d'une demande de permis, la validité de l'attestation établie par le demandeur. Les tiers ne sauraient donc utilement, pour contester une décision accordant une telle autorisation au vu de l'attestation requise, faire grief à l'administration de ne pas en avoir vérifié l'exactitude. Toutefois, lorsque l'autorité saisie d'une demande de permis de construire vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une instruction lui permettant de les recueillir, d'informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu'implique l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme, d'aucun droit à la déposer, il lui revient de s'opposer à la déclaration ou de refuser la demande de permis pour ce motif.

10. Il ressort des pièces du dossier que l'attestation requise par les dispositions de l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme figurait au dossier de demande de permis de construire modificatif. Si M. D..., Mme C... et Mme F... font valoir que le mur séparatif sur lequel doit être édifiée la construction en litige se trouve sur leur parcelle, et non sur la propriété des pétitionnaires et que le juge judiciaire a ordonné le 16 décembre 2019 le bornage des parcelles, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'administration disposait, à la date de délivrance du permis modificatif, d'éléments de nature à établir que l'attestation souscrite aurait revêtu un caractère frauduleux ou que le pétitionnaire ne disposait, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, d'aucun droit à construire.

11. En quatrième lieu, selon l'article II du chapitre 2 du règlement du plan local d'urbanisme relatif à toutes les zones : " Les éléments bâtis repérés au titre du patrimoine d'intérêt local (en application de l'article L. 123-1-5, 7° du code de l'urbanisme) sur les documents graphiques (...) sont soumis aux règles suivantes : / Tous les travaux effectués sur un bâtiment ou ensemble de bâtiments repérés doivent être conçus en évitant toute dénaturation des caractéristiques conférant leur intérêt, telles qu'elles sont présentées dans les fiches descriptives figurant au chapitre 7 du présent règlement / En application de l'article R. 421-28 du code de l'urbanisme, la démolition totale ou partielle d'un bâtiment ou ensemble de bâtiments repéré doit faire l'objet d'une autorisation préalable. ". La parcelle accueillant le projet litigieux est incluse par le zonage du plan local d'urbanisme dans un ensemble bâti repéré au titre du patrimoine d'intérêt local et la construction existante sur cette parcelle, ainsi que la construction voisine, sont elles-mêmes identifiées comme " éléments bâtis repérés au titre du patrimoine local ". La fiche descriptive du règlement présente ainsi les îlots du boulevard Spuller et de la rue de l'Egalité : " Il s'agit de bâtiments aux volumes imposants et présentant des caractéristiques architecturales et décoratives variées (...) Ces deux îlots forment un ensemble urbain cohérent de par la qualité architecturale de certains bâtiments présentant d'importants volumes. Il s'agit de demeures atypiques sur le plan architectural mais qui s'inscrivent dans une amplitude chronologique proche se situant entre la fin du 19ème et le 2ème quart du 20ème siècle. Ils s'intègrent parfaitement à l'ensemble urbain cohérent identifié en 2005, situé entre les rues Jacques-Cellerier, de l'Egalité, Nicolas-Berthot et la place Auguste-Dubois ".

12. Le projet consiste en l'extension d'un volume existant, actuellement d'une hauteur de 3,70 mètres, ce qui correspond approximativement à la moitié de la hauteur à l'égout du toit du reste de la construction existante, couvert d'une toiture terrasse non accessible, et comprenant sur la façade donnant sur le boulevard Spuller une ouverture arrondie adoptant la même forme que l'une des ouvertures principales en façade. Le bâtiment existant est couvert d'un crépi couleur blanc crème. Le projet autorisé, consiste à la surélévation de ce volume quasiment jusqu'à l'égout du toit, en le surmontant d'une toiture à pan, et à son extension à l'arrière du bâtiment. L'emprise et le volume de l'extension projetée sont limités par rapport aux volumes de la construction existante. Le traitement des façades est prévu dans un enduit pelliculaire de couleur pierre grisée. Les ouvertures créées, notamment en remplacement de l'ouverture arrondie, sont rectangulaires, comme les autres ouvertures de la façade existante sur la partie principale du bâtiment, donnant à l'ensemble un aspect harmonieux. Ainsi modifiée, l'extension projetée, bien qu'elle ne reproduise pas à l'identique les caractéristiques de la partie principale, ne dénature plus la qualité architecturale de la construction existante, qui fait partie des éléments bâtis repérés au titre du patrimoine local pour ses caractéristiques architecturales et décoratives, ni la qualité architecturale de l'ensemble formé par l'alignement de plusieurs bâtiments repérés. Par suite, le moyen tiré de ce que le maire de Dijon aurait méconnu l'article II du chapitre 2 du règlement du plan local d'urbanisme en autorisant le projet tel que modifié doit être écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que la commune de Dijon est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé le permis de construire du 9 octobre 2017, tel que régularisé par l'arrêté du 30 septembre 2019, et à demander en conséquence l'annulation des articles 1 et 3 du jugement.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que M. D..., Mme C... et Mme F... demandent devant la cour au titre des frais qu'ils ont exposés soit mise à la charge de la commune de Dijon, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ou à la charge de M. G..., qui n'est pas partie à la présente instance. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application de ces mêmes dispositions à l'encontre de M. D..., Mme C... et Mme F... que ce soit en première instance ou en appel.

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 3 du jugement du 3 mai 2018 du tribunal administratif de Dijon sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. D..., Mme C... et Mme F... devant le tribunal administratif de Dijon tendant à l'annulation du permis de construire délivré à M. G..., ainsi que le surplus de leurs conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Dijon tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées devant le tribunal et devant la cour sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Dijon et à M. A... D..., en tant que représentant unique des intimés.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Dijon.

Délibéré après l'audience du 14 mai 2020 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Dèche, président-assesseur ;

Mme E..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 4 juin 2020.

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N° 18LY02513


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY02513
Date de la décision : 04/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : NERAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-04;18ly02513 ?
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