Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. E... et Mme H... B... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 23 mars 2017 par lequel le maire de Peillonnex a délivré à M. et Mme A... un permis de construire un bâtiment à usage d'habitation comprenant quatre logements, ensemble la décision du 30 mai 2017 rejetant leur recours gracieux.
Par un jugement n° 1704568 du 28 mars 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 29 mai 2019, et un mémoire complémentaire enregistré le 21 novembre 2019, qui n'a pas été communiqué, M. et Mme B..., représentés par Me F..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 mars 2019 ;
2°) d'annuler cet arrêté du 23 mars 2017 et la décision de rejet du recours gracieux en date du 30 mai 2017 ;
3°) de mettre solidairement à la charge de la commune de Peillonnex et de M. et Mme A... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les plans du permis de construire ne sont pas cotés dans leurs trois dimensions et ne font pas apparaître les travaux extérieurs et les plantations, en méconnaissance de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme ; cette irrégularité a été de nature à fausser l'appréciation du service instructeur ;
- le permis a été délivré sans avis préalable du service d'incendie et de secours ;
- le permis méconnaît les articles NAi 3.1 et 3.2 du règlement du plan d'occupation des sols (POS) ;
- le permis méconnaît l'article NAi 4.1 du règlement du POS ;
- le permis méconnaît l'article NAi 4.5 du règlement du POS ;
- le permis méconnaît l'article NAi 10 du règlement du POS ;
- le permis méconnaît l'article NAi 11 du règlement du POS ;
- le permis méconnaît l'article NAi 11.3 du règlement du POS ;
- le permis est entaché d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire enregistré le 15 juillet 2019, la commune de Peillonnex, représentée par Me D..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de première instance était irrecevable, faute pour M. et Mme B... de justifier d'un intérêt pour agir ;
- aucun des moyens n'est fondé.
La requête a été communiquée à M. et Mme A..., qui n'ont pas produit de mémoire en défense.
La clôture de l'instruction a été fixée au 22 novembre 2019, par une ordonnance du même jour.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Thierry Besse, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,
- les observations de Me F... représentant M. et Mme B... et de Me L... représentant la commune de Peillonnex ;
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 23 mars 2017, le maire de la commune de Peillonnex a délivré à M. et Mme A... un permis de construire un bâtiment comprenant quatre logements. M. et Mme B... relèvent appel du jugement du 28 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
2. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date d'introduction de la demande de première instance : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation.".
3. Il ressort des pièces du dossier que les époux B... ont la qualité de voisins immédiats du projet de construction. En faisant valoir que ce projet, qui porte sur un bâtiment de quatre logements, est susceptible de porter atteinte aux conditions de jouissance de leurs biens, notamment par la création de vues sur leurs propriétés, quand bien même le bâtiment projeté est en léger contrebas, ils justifient d'un intérêt à agir à l'encontre de la décision du 23 mars 2017 accordant un permis de construire à M. et Mme A....
Sur la légalité du permis de construire :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. ". La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
5. Il ressort de pièces du dossier et notamment des pièces PC2a et PC2b du dossier de demande de permis de construire que les plans sont cotés en trois dimensions. Par ailleurs et comme le souligne la notice, le terrain avant travaux est un terrain nu de toute plantation, et un aménagement paysager est prévu à terme. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de demande, qui n'a pu en l'espèce fausser l'appréciation du service instructeur, doit être écarté.
6. En deuxième lieu, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que le maire de Peillonnex aurait été tenu de solliciter l'avis du service départemental d'incendie et de secours avant de délivrer le permis de construire en litige. Dans ces conditions, l'absence de cet avis est sans incidence sur la légalité du permis litigieux.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article NAi 4.1 du règlement du POS : " Alimentation en eau potable : (...) Si des appareils de lutte contre l'incendie sont à implanter, leur emplacement sera déterminé en accord avec les services compétents, et ils devront être conformes aux normes en vigueur. ". Les requérants font valoir que la borne à incendie la plus proche est située à 140 mètres du projet et qu'assurant la sécurité incendie des douze maisons composant déjà le lotissement au sein duquel s'implante le projet, elle n'aurait pas une capacité suffisante. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que cette borne, dont il n'est pas contesté qu'elle assure efficacement l'alimentation en eau nécessaire pour la lutte contre l'incendie des constructions existantes, ne permettrait pas d'assurer celle requise pour le bâtiment projeté, qui prend place au sein des maisons du lotissement. Par suite, aucun appareil de lutte contre l'incendie n'étant à implanter, le permis ne méconnaît pas l'article NAi 4.1 du règlement du POS.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article NAi 4.5 du règlement du POS : " Ordures ménagères : Tout bâtiment collectif ou tout lotissement doit être doté de locaux spécialisés afin de recevoir les containers d'ordures ménagères, y compris pour la collecte sélective. ".
9. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire, qui se présentait d'ailleurs comme relative à la réalisation d'un bâtiment de quatre logements collectifs, porte sur quatre logements qui, s'ils disposent d'accès indépendants, sont regroupés dans un même bâtiment, implanté sur un terrain comprenant un accès, des stationnements et des espaces extérieurs communs. Dans ces conditions, le permis autorise la réalisation d'un bâtiment collectif, soumis aux dispositions citées au point précédent de l'article NAi 4.5 du règlement. Il ressort des pièces du dossier que le projet ne prévoit aucun local destiné à recevoir les containers d'ordures ménagères. Si la commune de Peillonex fait valoir que le permis de construire est assorti d'une prescription, selon laquelle " Les ordures ménagères devront être acheminées en bordure de l'aire de retournement existante du lotissement, dans le respect du règlement applicable ", celle-ci, qui porte sur les modalités d'acheminement des ordures ménagères vers la voie ouverte à la circulation publique, n'est en tout état de cause pas de nature à faire obstacle à l'obligation de prévoir un local adapté pour recevoir sur le terrain les containers d'ordures ménagères. Par suite, le permis méconnaît les dispositions de l'article NAi 4.5 du règlement du POS.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article NAi 10 du règlement du POS : " 10.1 - Généralités : La hauteur se calcule par la différence d'altitude entre chaque point de la couverture du toit et le point du terrain avant terrassement situé à l'aplomb, tel que défini au plan de masse de la demande d'autorisation de construire par courbes de niveau. (...) / 10.2- Hauteur absolue: (...) Pour les zones 1NAc et 2NAc : / La hauteur des constructions, telle que définie ci-dessus ne doit pas dépasser : / 9 m au faîtage pour les logements individuels, et 10 m au faîtage pour les logements groupés. ". Compte tenu de la nature de la construction projetée rappelée au point précédent, la hauteur maximale autorisée du bâtiment est de 10 mètres au faîtage. Il ressort des pièces du dossier que la hauteur du bâtiment n'excède pas cette limite. Par suite, le permis ne méconnaît pas les dispositions de l'article NAi 10.
11. En sixième lieu, les requérants réitèrent en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, leurs moyens tirés de ce que le permis de construire méconnaît les règles fixées aux articles NAi 3.1 et 3.2 du règlement du POS concernant l'accès et la desserte pour les véhicules de lutte contre l'incendie, les dispositions de l'article NAi 11 du règlement et celles de l'article NAi 11.3 concernant la pente des toitures. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
12. Enfin, si les époux B... font valoir que la pétitionnaire est adjointe au maire de la commune, le permis de construire est conforme à la réglementation, ainsi qu'il a été dit, à l'exception du vice régularisable tenant au local destiné aux containers d'ordures ménagères. Le détournement de pouvoir ainsi allégué n'est pas établi.
Sur l'application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme :
13. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. ".
14. L'illégalité relevée aux point 9, qui n'affecte qu'une partie identifiée de la construction, est susceptible d'être régularisée. Il y a lieu, en conséquence, en application des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, d'annuler le permis de construire en litige et la décision rejetant le recours gracieux de M. et Mme B..., en tant qu'il ne prévoit pas de local spécialisé destiné à recevoir les containers d'ordures ménagères et de fixer à quatre mois le délai imparti aux pétitionnaires pour solliciter la régularisation du projet.
15. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme B... sont fondés à soutenir, dans la mesure précisée au point précédent, que c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande et à demander, dans cette même mesure, outre l'annulation de ce jugement, celle du permis de construire en litige ainsi que de la décision rejetant leur recours gracieux.
Sur les frais d'instance :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la commune de Peillonnex demande au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés soit mise à la charge de M. et Mme B..., qui ne sont pas la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances, de faire droit aux conclusions présentées par les époux B... au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le permis de construire du 23 mars 2017, ainsi que la décision rejetant le recours gracieux de M. et Mme B... sont annulés en tant que le projet ne prévoit pas un local spécialisé destiné à recevoir les containers d'ordures ménagères.
Article 2 : Le délai accordé à M. et Mme A... pour solliciter la régularisation de leur projet est fixé à quatre mois.
Article 3 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Grenoble est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Les conclusions des parties sont rejetées pour le surplus.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... et Mme H... B..., à la commune de Peillonnex, ainsi qu'à M. C... et Mme J... A....
Copie pour information en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bonneville.
Délibéré après l'audience du 12 mai 2020 à laquelle siégeaient :
Mme K... M..., présidente de chambre,
M. Thierry Besse, président-assesseur,
Mme I... G..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 2 juin 2020.
2
N° 19LY02033
md