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22/04/2020 | FRANCE | N°19LY03611

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 22 avril 2020, 19LY03611


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2019 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé.

Par jugement n° 1902261 du 26 août 2019, le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée

le 23 septembre 2019, Mme A... B..., représentée par DSC Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 10 juillet 2019 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé.

Par jugement n° 1902261 du 26 août 2019, le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 septembre 2019, Mme A... B..., représentée par DSC Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 août 2019 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de Saône-et-Loire du 10 juillet 2019 ;

3°) à défaut, de suspendre ces décisions ;

4°) d'enjoindre au préfet de réexaminer sa demande dans le délai de quinze jours, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- ce refus méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire est illégale du fait de l'illégalité de la décision lui refusant un titre de séjour ; cette décision méconnait l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en ne lui permettant pas de se maintenir sur le territoire français alors que son recours devant la Cour nationale du droit d'asile est en cours d'instruction, le préfet viole son droit à un recours équitable et effectif et méconnaît les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la fixation du délai de départ volontaire à trente jours est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- la fixation du pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et méconnaît l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Le préfet de Saône-et-Loire n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 23 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique, ensemble le décret n°91-1266 du 19 décembre 1991, modifié, portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme D..., première conseillère ;

1. Mme B..., ressortissante albanaise née le 8 septembre 1983, est entrée en France en février 2019 accompagné de deux de ses enfants mineurs. L'intéressée provenant d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a examiné sa demande d'asile en procédure accélérée et l'a rejetée le 10 avril 2019. Mme B... a fait appel de cette décision devant la Cour nationale du droit d'asile. Mme B... relève appel du jugement du 26 août 2019, par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 10 juillet 2019 par lesquelles le préfet de Saône-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office.

Sur la légalité de l'arrêté du 10 juillet 2019 :

2. En premier lieu, le moyen tiré du défaut de motivation ainsi que celui tiré du défaut d'examen particulier doivent être écartés par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'entrée en France de la requérante et de ses enfants est récente et la durée de son séjour très courte. Compte tenu de la possibilité pour la requérante de poursuivre sa vie privée en Albanie où elle est en mesure, comme cela a déjà été le cas, de recevoir une protection des autorités albanaises pour se prémunir des violences ou des agissements de son ex-époux, de l'absence d'intégration particulière sur cette période, le refus de séjour ne peut être regardé comme portant à l'intérêt supérieur de ses enfants mineurs nés en 2007 et 2016 une atteinte contraire à l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ni comme étant entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée. Enfin ce refus ne méconnaît pas, pour les mêmes motifs, les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoit qu'une carte de séjour temporaire peut être délivrée à un étranger pour des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels.

4. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 et 3 que la requérante n'est pas fondée à exciper à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français de l'illégalité du refus de titre de séjour.

5. En quatrième lieu, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de Saône-et-Loire s'est fondé sur les dispositions du 7° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables à Mme B..., dont la demande d'asile entrait, comme il a été dit au point 1, dans le cadre de la procédure prioritaire et qui ne bénéficiait dès lors du droit de se maintenir en France que jusqu'à la notification de la décision du 15 avril 2019 du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L'étranger dont la demande d'asile fait l'objet d'un traitement selon la procédure prioritaire dispose du droit de contester la décision de rejet qui lui est opposée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides devant la Cour nationale du droit d'asile, juridiction devant laquelle, au demeurant, il peut faire valoir utilement l'ensemble de ses arguments dans le cadre d'une procédure écrite et se faire représenter à l'audience par un conseil ou par toute autre personne. Cet étranger dispose également de la possibilité de saisir le tribunal administratif d'une demande de suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la décision de la Cour nationale du droit d'asile, en application de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, le droit au recours effectif, tel que garanti par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'implique pas nécessairement que l'étranger puisse se maintenir sur le territoire français jusqu'à l'issue de son recours devant la Cour nationale du droit d'asile. En conséquence, le préfet pouvait obliger l'intéressée à quitter le territoire sans attendre que la Cour nationale du droit d'asile ait statué sur le recours formé par Mme B....

6. En cinquième lieu, pour les motifs exposés au point 3, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3.1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

7. En sixième lieu, eu égard à ce qui a été dit aux point 4 à 6, Mme B... n'est pas davantage fondée à exciper de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire à l'encontre des décisions fixant le délai de départ volontaire ainsi que le pays de renvoi.

8. En septième lieu, selon le dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". La requérante fait valoir qu'en cas de retour en Albanie, elle encourt personnellement des risques d'atteintes à sa personne du fait du comportement violent de son ex-conjoint. Toutefois, alors qu'il ressort de ses récits qu'elle a déjà fait l'objet de protection de la part des institutions Albanaises contre les violences qu'elle a subies, la requérante n'étaye par aucune pièce les risques allégués. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

Sur l'application, subsidiaire, tendant à la suspension de la mesure d'éloignement :

9. Aux termes de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans le cas où le droit de se maintenir sur le territoire a pris fin en application des 4° bis ou 7° de l'article L. 743-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné statuant sur le recours formé en application de l'article L. 512-1 contre l'obligation de quitter le territoire français de suspendre l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci. Le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin fait droit à la demande de l'étranger lorsque celui-ci présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d'asile, son maintien sur le territoire durant l'examen de son recours par la cour. ".

10. Eu égard à ce qui a été dit au point 9 du présent arrêt, l'intéressée ne présente pas des " éléments sérieux ", au sens des dispositions précitées de de l'article L. 743-3, de nature à justifier un maintien en France durant l'examen de son recours par la Cour nationale du droit d'asile. Dans ces conditions, les conclusions présentées par la requérante sur le fondement de ces dispositions doivent être rejetées.

11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application, au bénéfice de son avocat, des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2020 à laquelle siégeaient :

M. Thierry Besse, président ;

Mme F... D..., première conseillère ;

Mme E... C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 22 avril 2020.

5

N° 19LY03611

fp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03611
Date de la décision : 22/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BESSE
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : DSC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-04-22;19ly03611 ?
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