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22/04/2020 | FRANCE | N°19LY03010

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 22 avril 2020, 19LY03010


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... F... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 15 avril 2019 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1903309 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Proc

édure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2019, Mme F..., représent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... F... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 15 avril 2019 par lequel le préfet de l'Isère lui a refusé un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.

Par un jugement n° 1903309 du 9 juillet 2019, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 31 juillet 2019, Mme F..., représentée par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 juillet 2019 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Isère du 15 avril 2019 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de trente jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour procède d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette décision viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français et la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire sont privées de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- la décision de ne pas lui accorder de délai de départ volontaire procède d'une erreur de droit au regard du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont le préfet ne vise que l'une des hypothèses ;

- le préfet ne pouvait retenir sans défaut d'examen de sa situation ou erreur manifeste d'appréciation la soustraction à une précédente mesure d'éloignement ; l'obligation de quitter le territoire français prise en décembre 2014 avait plus de quatre ans, a fait l'objet d'un recours suspensif devant le tribunal ;

- son état de santé et l'ancienneté de l'obligation de quitter le territoire français précédente justifiaient que lui soit accordé un délai de départ volontaire ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et du refus de délai de départ volontaire ;

- son état de santé constitue une circonstance humanitaire qui s'oppose à cette décision :

- cette décision viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision viole les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère, qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme D... B..., première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme F..., ressortissante géorgienne, relève appel du jugement du 9 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère du 15 avril 2019 refusant de lui délivrer un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, désignant le pays de renvoi et lui interdisant le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Sur la légalité de l'arrêté du préfet de l'Isère du 15 avril 2019 :

En ce qui concerne le refus de séjour :

2. En premier lieu, Mme F... est entrée irrégulièrement en France le 12 juin 2012. Elle a obtenu en 2013 la délivrance d'un titre de séjour au regard de son état de santé, dont le préfet de l'Isère a refusé le renouvellement par une décision du 15 avril 2014, assortie d'une obligation de quitter le territoire français, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 septembre 2015. Le 16 juin 2016, elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile, demande qui a fait l'objet d'un refus de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 24 février 2017, confirmé le 21 juin 2017 par la Cour nationale du droit d'asile. Le 21 août 2017, elle a sollicité la régularisation de sa situation sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " en se prévalant d'une promesse d'embauche en qualité de cuisinière. Mme F... n'a ainsi été autorisée à séjourner en France que pendant la durée des soins nécessaires à sa santé et l'instruction de sa demande d'asile. Ainsi que le relève l'arrêté attaqué, elle est célibataire et sans enfant, conserve nécessairement de fortes attaches dans son pays d'origine, où elle a vécu pendant trente-cinq ans et n'a pas de famille en France. La requérante invoque le suivi en France de son hépatite C ainsi qu'une pathologie cardiaque apparue récemment selon un certificat médical produit au dossier de première instance, lequel ne précise toutefois pas la nature du traitement médical ou du suivi que requerrait l'état de santé de Mme F... et ne permet pas d'établir, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, qu'elle ne pourrait être soignée dans son pays d'origine. Compte tenu de ces éléments, les seules circonstances tirées de la durée de séjour en France de l'intéressée et de la promesse d'embauche pour un emploi de cuisinière dont elle se prévaut ne suffisent pas à faire regarder la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit. Le refus de titre de séjour ne méconnaît ainsi pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui garantissent à toute personne un tel droit et n'apparaît pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.

3. En deuxième lieu, le préfet a estimé que la promesse d'embauche en qualité de cuisinière dont justifie Mme F..., pour laquelle elle ne justifie pas d'une qualification, ne permet pas d'attester de motifs exceptionnels justifiant la régularisation de sa situation sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ce faisant, il a suffisamment motivé son refus de délivrance d'une carte de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire " à l'intéressée, dont il a procédé à un examen particulier de la situation, contrairement à ce que soutient la requérante.

4. En troisième lieu, au regard des éléments rappelés au point 2, et alors même que Mme F... serait apte à occuper le poste proposé de cuisinière, en estimant que son admission exceptionnelle au séjour ne répond à aucune considération humanitaire et ne se justifie au regard d'aucun motif exceptionnel, le préfet de l'Isère n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, il résulte de ce qui est dit aux points 2 à 4 que Mme F... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

6. En second lieu, pour les motifs exposés au point 2, le préfet de l'Isère, en obligeant Mme F... à quitter le territoire français, n'a ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :

7. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, Mme F... n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

8. En deuxième lieu, si l'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de Mme F... le 1er décembre 2014 a fait l'objet d'un recours suspensif devant le tribunal administratif de Grenoble, la demande d'annulation de cette décision a été rejetée par un jugement de ce tribunal dont la requérante a pris connaissance au mois d'octobre 2015, selon ses propres déclarations. Dans ces conditions, Mme F..., qui n'a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile que le 16 juin 2016, s'est bien soustraite à l'exécution de cette précédente mesure d'éloignement, comme le retient l'arrêté attaqué, qui procède d'un examen particulier de sa situation contrairement à ce que soutient la requérante.

9. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que la situation de Mme F... entrait dans un des cas, non cumulatifs, énumérés au 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et permettant, sauf circonstance particulière, de présumer établi le risque qu'elle se soustrait à la nouvelle mesure d'éloignement prise à son encontre, en l'occurrence celui visé au d), lorsque l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement. Le moyen tiré d'une erreur de droit commise par le préfet au motif qu'il fonde son arrêté sur une seule des hypothèses énoncées par ces dispositions doit, par suite, être écarté.

10. En dernier lieu, l'ancienneté de la précédente obligation de quitter le territoire français précédente et l'état de santé qu'invoque la requérante ne sauraient caractériser une circonstance particulière faisant obstacle à cette présomption. Ainsi, le préfet de l'Isère n'a pas fait une inexacte application des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

11. En premier lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 5 à 10, Mme F... n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et du refus de délai de départ volontaire.

12. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 2, Mme F... n'est pas fondée à soutenir qu'elle justifierait au regard de son état de santé d'une circonstance humanitaire faisant obstacle à ce qu'une interdiction de retour sur le territoire soit prononcée à son encontre.

13. En dernier lieu, la requérante, célibataire et sans charge de famille, qui a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement qu'elle n'a pas exécutée, n'est pas fondée à soutenir que l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre, d'une durée d'une année, serait entachée d'une erreur d'appréciation ni, en tout été de cause, qu'elle aurait été prise en violations des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

14. Mme F... réitère en appel ses moyens selon lesquels cette décision serait privée de base légale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et aurait été prise en violation des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu d'écarter ses moyens par adoption des motifs circonstanciés retenus à bon droit par le premier juge.

15. Il résulte de ce qui précède que Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte :

16. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions de Mme F..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction qu'elle présente doivent être rejetées.

Sur les frais d'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2020 à laquelle siégeaient :

M. Thierry Besse, président,

Mme E... C..., première conseillère,

Mme D... B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 22 avril 2020.

2

N° 19LY03010

dm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19LY03010
Date de la décision : 22/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BESSE
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-04-22;19ly03010 ?
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