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22/04/2020 | FRANCE | N°18LY01821

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 22 avril 2020, 18LY01821


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS l'Immobilière groupe Casino a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 13 janvier 2016 par laquelle le directeur général de la SPL Isère Aménagement a exercé son droit de préemption sur un bien dont elle se portait acquéreur et de la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1603923 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande et mis à la charge de la société L'Immobilière Groupe Casino une somme d

e 1 500 euros à verser à la SPL Isère Aménagement au titre de l'article L. 761-1 du c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS l'Immobilière groupe Casino a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 13 janvier 2016 par laquelle le directeur général de la SPL Isère Aménagement a exercé son droit de préemption sur un bien dont elle se portait acquéreur et de la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1603923 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande et mis à la charge de la société L'Immobilière Groupe Casino une somme de 1 500 euros à verser à la SPL Isère Aménagement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés le 18 mai et le 30 novembre 2018, la société L'Immobilière Groupe Casino, représentée par la Selarl Concorde Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 mars 2018, la décision du 13 janvier 2016 ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de la SPL Isère Aménagement la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier, en l'absence de mention de signature manuscrite du président et du rapporteur sur la minute du jugement ;

- la motivation de la décision est insuffisante et contradictoire ; elle ne permet pas de connaître la nature de l'opération projetée ;

- l'objet de la préemption n'est pas conforme aux articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme ; le projet d'aménagement ne peut être justifié du seul fait que les terrains préemptés sont situés dans la ZAC du Vercors ; le projet consistant en la création d'une place urbaine, non assortie de la réalisation d'équipements publics, et la réalisation d'une trame verte et bleue ne constitue pas une opération d'aménagement du fait de son impact limité sur le site ;

- la SPL ne justifie pas de la réalité d'un projet d'aménagement à la date de la préemption ;

- l'intérêt général du projet n'est pas suffisant ; en supprimant des places de stationnement du centre commercial Casino, le projet fragilise le maintien et l'attractivité d'un pôle commercial d'agglomération, lequel permet l'essor économique du secteur ; le projet est en outre inadapté au contexte local.

Par un mémoire en défense et des mémoires complémentaires enregistrés les 31 octobre et 19 décembre 2018, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la SPL Isère Aménagement, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la Société l'Immobilière Groupe Casino au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.

La clôture de l'instruction a été fixée au 21 décembre 2018 par une ordonnance du même jour en application des dispositions des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F... D..., première conseillère,

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public,

- les observations de Me A... pour la société L'Immobilière Groupe Casino et celles de Me B... pour la SPL Isère Aménagement ;

Considérant ce qui suit :

1. Par décision du 13 janvier 2016, le directeur général de la SPL Isère Aménagement a décidé d'acquérir par voie de préemption des terrains d'une superficie totale de 8 681 m² actuellement à usage de parking et composé des parcelles cadastrées section AP111, AP113, AP115, AT36 et d'une partie des parcelles cadastrées AP239, AT142 AT84 dont la société l'Immobilière Groupe Casino s'était portée acquéreur. La société L'Immobilière Groupe Casino relève appel du jugement du 15 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 13 janvier 2016.

Sur la régularité du jugement du 15 mars 2018 :

2. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement est signée. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait irrégulier, en l'absence de signature du président et du rapporteur, doit être écarté.

Sur la légalité de la décision de préemption du 13 janvier 2016 :

3. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 (...) ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. ". Il résulte des dispositions de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme que, pour exercer légalement le droit de préemption urbain, les collectivités titulaires de ce droit doivent justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date.

4. En premier lieu, la décision attaquée vise les articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme et se réfère à la délibération de la communauté d'agglomération Grenoble Alpes-Métropole du 20 décembre 2013 approuvant le dossier de création de la zone d'aménagement concertée (ZAC) " Portes du Vercors " et la délibération du même jour délégant à la SPL la concession d'aménagement ainsi que le droit de préemption urbain et, enfin, le décret n°2014-1601 du 23 décembre 2014 portant création de Grenoble-Alpes Métropole, à laquelle a été dévolue la compétence en matière de droit de préemption urbain. La décision litigieuse se fonde en outre sur la circonstance que les terrains préemptés, d'une superficie totale 8 691 m², sont indispensables à la réalisation de la zone d'aménagement concerté (ZAC) Portes du Vercors et en constituent l'entrée Sud. Il est également précisé qu'une partie des parcelles préemptées a vocation à accueillir une place urbaine, où débouchera l'avenue " allée métropolitaine ", qualifiée de colonne vertébrale de la ZAC et qui est destinée à accueillir potentiellement un pôle multimodal de transports reliant le tramway et le transport par câble, tandis que la partie nord des parcelles doit permettre d'assurer la continuité de la trame verte et bleue reliant le parc de la Poya à Fontaine au parc de l'Ovalie à Sassenage. La décision attaquée, qui vise les dispositions applicables et définit précisément la nature de l'opération d'aménagement poursuivie est, ainsi, suffisamment motivée.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport de présentation du dossier de la ZAC " Portes du Vercors " de juillet 2013, que le droit de préemption a été exercé pour permettre la réalisation du projet d'aménagement global prévu dans le cadre de la ZAC, laquelle s'étend sur 95,8 hectares. Les terrains préemptés situés à Fontaine doivent permettre l'aménagement d'une grande place urbaine accueillant et coordonnant les différents modes de déplacements et garantissent la faisabilité de la continuité de la trame verte et bleue, du parc de la Poya à Fontaine au parc de l'Ovalie à Sassenage. Ces opérations, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles auraient un impact limité sur le site, constituent un projet d'aménagement au sens et pour l'application des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme et s'inscrivent donc dans le champ des actions ou opérations visées par ces dispositions.

6. En troisième lieu, la circonstance que la décision de préemption litigieuse qualifie de " potentielle " la connexion entre le tramway et le transport par câble sur la grande place urbaine est sans conséquence quant à la réalité et à la cohérence du projet d'aménagement et ne révèle aucune contradiction entre les motifs de la préemption et la consistance du projet. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient la société requérante, tant la réalité du projet que sa cohérence par rapport au programme envisagé, sont établies à la date de la décision de préemption en litige.

7. En quatrième et dernier lieu, la société requérante réitère en appel son moyen tiré de ce que l'intérêt général du projet n'est pas suffisamment démontré dès lors qu'il prévoit la suppression de 140 places de stationnement et, en en diminuant l'accessibilité, fragilise de ce fait le maintien et l'attractivité du centre commercial Casino situé à proximité immédiate. Alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la réduction du nombre de places de stationnement dédiées à ce pôle commercial en altère l'attractivité, le parking étant régulièrement sous-occupé, ces considérations, de même que la critique de l'opportunité d'implanter le projet d'aménagement sur les parcelles préemptées ne sont pas de nature à remettre en cause l'intérêt général du projet, ainsi que l'ont relevé les premiers juges.

8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SAS l'Immobilière Casino n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de la décision de préemption du 13 janvier 2016.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la société l'Immobilière groupe Casino demande au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de la SPL Isère Aménagement qui n'est pas partie perdante. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante le versement d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SPL Isère Aménagement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société l'Immobilière groupe Casino est rejetée.

Article 2 : La société l'Immobilière groupe Casino versera la somme de 2 000 euros à la SPL Isère Aménagement au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société l'Immobilière groupe Casino et à la SPL Isère Aménagement.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2020 à laquelle siégeaient :

M. Thierry Besse, président ;

Mme F... D..., première conseillère ;

Mme E... C..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 22 avril 2020.

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N° 18LY01821

dm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01821
Date de la décision : 22/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption. Droit de préemption urbain.


Composition du Tribunal
Président : M. BESSE
Rapporteur ?: Mme Christine PSILAKIS
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : WINCKEL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-04-22;18ly01821 ?
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